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Commentaire de Christophe

sur Rencontre avec le Pr Ali Saïb. Regard sur la science, la formation des chercheurs et la culture scientifique


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Christophe Christophe 8 octobre 2008 12:51
@000,

Oui, se faire une opinion est une croyance, mais l’opinion est beaucoup plus souple/libre que la croyance.
 
En cela nous sommes d’accord. La croyance peut être contenue dans un intervalle compris entre l’incertitude et la doctrine.

Vous ne pouvez pas prouver ce que vous avancez, même de façon formelle, donc vous y croyez vous même pour l’exprimer.
 
La preuve est une volonté de recherche de la vérité. Existe-t-il une vérité immuable ? La vision du tiers exclu est une tournure de l’esprit, je ne suis pas certain que cela soit une réalité. Pour tenter de modéliser le monde, la logique du premier ordre est totalement insuffisante, c’est pour cela que dans certaines recherches, nous développons des logiques plus ouvertes, sans parvenir à tout modéliser sans restreindre le champ d’application d’une théorie ; principe des postulats posés a priori.

Que pensez vous de l’expession "je ne crois que ce que je vois" ou alors ce dont la preuve a été admise par moi ? Dans un tel contexte, en quoi peut -on croire ?
 
Nous ne pouvons croire qu’en ce que nous jugeons acceptable, plausible. Le jugement reste une action déterminée par notre intuition, il est donc fortement subjectif. Les sciences tentent, quant à elles, d’annuler l’effet subjectif de l’homme en proposant des approches objectives ; ces approches étant elles-mêmes une émanation de l’homme subjectif qui s’impose une rigueur de raisonnement.

Cela reviendrait à en conclure que les sciences et les mathématiques ne sont qu’un culte ?
 
Les sciences ne sont pas un culte (sauf la croyance absolue en la science appelée scientisme), c’est un domaine dans lequel nous tentons de comprendre le monde en s’imposant une vision formelle contre nature. Les mathématiques ne sont qu’un langage, une symbolique qui ne fait qu’imposer la rigueur de raisonnement. C’est un outil contre-inductif, lui aussi, contre nature, c’est un outil extensionnel alors que la nature des raisonnements humains est intentionnel. A ma connaissance, seul Richard Montagu a tenté de développer une logique intentionnelle, il y a passé une grande partie de sa vie et il a échoué.

Finalement, selon vos dires, j’en comprends que ce culte se compose en au moins 2 catégories :
Les initiés qui ont le pouvoir d’émettre une appréciation
Le grand public, les "croyants"
Héhéhé, je comprends bien que c’est l’interprétation qui guide mes pensées.
 
Il ne me semble pas que ce soit aussi simple. Les initiés connaissent le domaine dans lequel ils exercent. Ils en connaissent les limites, mais un initié d’un domaine ne connaît pas toutes les limites de tous les domaines de la science. Et qu’est-ce qu’un scientifique si ce n’est un croyant au sens où il considère que les outils qu’il manipule (formels ou non) permettent de définir une approche de la vérité ou de la réalité. Ne sommes-nous pas tous des croyants, bien que ce soit à des niveaux différents ? La connaissance n’est-elle pas une croyance permettant de donner la primauté aux raisonnements contre-intuitifs ?
 
Si nous posons l’hypothèse que la connaissance est le résultat d’informations sur lesquelles nous avons appliqués un processus de raisonnement, alors tout est connaissance. Si nous restreignons l’hypothèse uniquement à des raisonnements rigoureux, ou même formel, nous écartons tout raisonnement naturel humain ; nous écartons tout humain n’ayant pas eu la possibilité de posséder l’approche contre nature des sciences, la rigueur objective.

Heureusement que vous avez bénéficié d’un enseignement qui vous a conduit à vouloir accéder à une certaine connaissance du domaine, sinon, vous ne seriez qu’un "croyant". Maintenant, est-ce que vous étiez, sincèrement, un "croyant", ou est-ce que vous disposiez d’une libre pensée dont vous vous êtes servit : Un cerveau qui fait des calculs et des déductions tellement complexes que vous ne savez pas comment il arrive au résultat de vos pensées ?
 
Cela concerne ma propre vision, mais je peux peut-être tenter de l’exposer. Tout d’abord, explicitons les méta-connaissances. J’accepte l’approche de bien des chercheurs et philosophes sur la façon qu’ont les êtres humains à se construire : c’est parce que je vois l’autre comme autre c’est à dire comme différent que je prends conscience par différence de moi. Dès lors, nous sommes en construction permanente par confrontation avec les autres. Le piège que je tente d’éviter consiste à adhérer aux idées d’une et une seule personne ; chaque point doit être mesuré et jugé. In fine, je pense que je suis pour une part relativiste puisque ce type de processus ne peut conduire qu’à : pour l’individu, il n’existe qu’une seule réalité, la sienne propre, intérieure, son être.
 
Partant de ces principes fondamentaux, apprendre par les autres nécessite une volonté de connaître, non pas dans un domaine particulier des sciences, mais dans la recherche de compréhension de soi et de ce que nous sommes. Certes, j’ai d’abord été éduqué par les sciences et les techniques à forte tendance formelle. Ce sont les sciences cognitives qui m’ont permis d’entrevoir d’autres approches, d’autres possibilités d’ouvrir ma réflexion. Pour faire un rapprochement avec les sciences dites dures, je rapproche les états de savoir, les schémas mentaux que nous possédons, comme différents états en équilibre instable soumis aux fluctuations de nouvelles entrées sensorielles ; cela ressemble à la thermodynamique non linéaire des processus irréversibles de Prigogine. Une impression qui pousse aussi à savoir est que plus nous apprenons, plus nous nous rendons compte de notre inconnaissance, il manque toujours des pièces dans la construction des schémas mentaux.

Je crois, et je’utilise ce terme car je crois que l’on n’est jamais sûr de rien, que vous avez certainement bénéficié d’une liberté de vos pensées car vous ne subissiez pas un endoctrinement qui aurait pu fausser vos conclusions intellectuelles.
 
Sur ce sujet précis, nous semblons bien être en accord parfait.

L’enseignement scientifique n’est pas à la portée de tous ? Cela dépend de la motivation certes, sans pour autant en faire une religion : cf. définition de la science, ou des mathématiques...
 
Il existe aussi des phénomènes psychologiques que j’ai pu remarquer chez certains jeunes élèves ; j’ai longuement aidé des élèves en difficulté en mathématiques. Les mathématiques qui sont un pendant du raisonnement scientifique, poussent les élèves à faire abstraction de leur être naturel ; certains parviennent à passer le cap en se laissant guider par des raisonnements contre-intuitifs, mais d’autres ont des difficultés car leur intuition s’y oppose (peut-être est-ce une caractéristique plus développé chez certains ?). C’est avant tout un travail sur soi qu’il faut réaliser, il ne sert à rien de faire entrer des formules formelles dans une tête si le raisonnement ne suit pas. Mais n’est-ce pas là une forme de conditionnement ?

Penser que ces domaines ne sont pas accessibles au grand public, c’est lui en fermer les portes et le pousser vers une croyance où il est valorisé, manipulé, endoctriné...
Mais je ne pense pas que c’était le sens de votre réponse... Et puis je n’ai pas les mots "scientifiques", ni le formalisme pour prouver ce que j’avance et je suis pour la liberté de penser, alors... Cela dépend si vous y croyez ou non.
 
Je suis plutôt favorable à la vulgarisation des sciences au plus grand nombre. Mais je suis aussi favorable à ce que nous prônions une véritable émancipation permettant à chacun de se faire une opinion sur des fondations qui sont propres à chaque individu (jusqu’à présent, l’émancipation me semble être un échec). Je réfute qu’un spécialiste d’un domaine possède une connaissance suffisante qui lui permette de faire valoir son raisonnement sur un néophyte. Tout raisonnement doit pouvoir s’expliquer et doit être soumis à la polémique.
 
Le manque actuel d’émancipation, voir les formes de conditionnement que nous subissons tous depuis le plus jeune âge me semble nous fragiliser vis-à-vis de la manipulation et de l’endoctrinement.

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