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Commentaire de easy

sur Le summum de l'imposture


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easy easy 13 octobre 2008 14:39

 A L’auteur,

Tu écris que le problème des banques (US au départ) n’est pas dû au fait qu’elles ont des avoirs toxiques mais au fait qu’elles manquent de liquidités.

Je pense que tu n’as pas saisi que c’est le couple emprunteur + banque qui crée de l’argent, et cela ab nihilo.
Contrairement à la légende ce n’est pas l’argent économisé par Fourmi que la banque prête à Cigale (ce principe pourtant logique et sain, ne vaut plus que pour une très faible part lorsque le système financier s’emballe, ce qui est le cas depuis très longtemps)
Certes, il est possible de dire que depuis quelques mois, les banques manquent d’argent de Fourmi. Mais le système audacieux fonctionnait très bien sans argent épargné et ce qui l’a mis en berne c’est que le couple emprunteur + banquier est apparu soudain beaucoup moins crédible. Soudain des tas de crédits s’avèrent pourris, jamais leurs emprunteurs ne pourront payer leur dette (surtout quand, par effet papillon, l’immobilier gagé s’effondre et que l’économie réelle s’écroule)

Au fond, il faudrait ajouter un troisième larron au couple emprunteur + banquier ; il faudrait ajouter le personnage "perspectives écologiques" ou "durabilité" Ce troisième personnage martelant qu’il est sans avenir, il n’aide pas les deux autres sbires à croire en leur futur.



Il aurait suffit que les emprunteurs US aient été (ou soient restés) solvables sur la durée et/ou que leurs maisons hypothéquées aient conservé leur valeur pour que l’accident actuel n’ait pas eu lieu et on n’aurait jamais parlé de crise des liquidités. 
Hélas par l’effet conjugué du grand nombre de ces naïfs emprunteurs et du manque de perspective de redressement de tous ces cas, le déversement en masse de leurs maisons sur le marché en a fait écrouler le prix.

Les banques qui leur avaient accordé un prêt se sont retrouvées d’abord avec des emprunteurs incapable d’assumer leurs obligations puis avec des maisons récupérées ne valant plus rien. Alors certes, maintenant que l’illusion de ces obligations pourries a cessé, chacun court à l’argent réel, à l’argent économisé, à l’argent de la Fourmi. Certes maintenant on hurle partout au manque de liquidités.
Mais ce n’est pas la cause. Ce n’est pas parce que dans un an on hurlera au manque de riz que ce manque aura été à l’origine de la crise.

Notre système, notre croissance folle n’a été possible que par notre audace folle.
Déjà depuis l’Antiquité, on s’est mis à spéculer sur des gains futurs, sur la confiance en autrui de produire des richesses dans le futur.
Mais si autrefois on prêtait de l’argent vrai (car il n’y avait pas de banques et encore moins de système bancaire) à un aventurier c’était sur une durée de un an et avec un taux de 100%
Aujourd’hui, il y a un système banquier (dont les dirigeants sont convaincus qu’il leur revient le destin de gouverner le monde sur ses profondeurs) A partir su moment où un réseau banquier couvre le monde, il n’a plus vraiment besoin de valeurs réelles pour fonctionner. Il peut créer des valeurs virtuelles établies d’abord sur des documents engageant quelqu’un à livrer de vraies richesses dans le futur, et aussi sur la confiance entre elles. Ce qu’une banque crée comme argent virtuel, les autres banques sont tenues d’y croire.


Lorsqu’une banque considère qu’un emprunteur peut payer pendant 30 ans les remboursements d’une sommme empruntées, elle crée cette somme. La banque crée une ligne de crédit à partir de l’obligation de l’emprunteur de la rembourser. A l’instant où quelqu’un s’oblige en signant un papier, ce papier a une valeur et il est généralement échangeable, tant qu’à faire.
C’est exactement au moment où je signe mon obligation à fournir plus tard des richesses, que je crée un document valeur. Et le banquier accepte en contrepartie de mon obligation transférable, à m’ouvrir une ligne de crédit en "espèces"

Les banques fabriquent de l’argent et bien davantage que les imprimeries de billets. Mais elles en fabriquent en se fondant sur la solvabilité des emprunteurs. C’est lorsque la solvabilité des emprunteurs chute que les banques ne peuvent plus créer de l’argent virtuel et que l’argent réel redevient soudain capital, dans tous les sens du mot.

Le volume de l’argent papier (pourtant déjà très important ./. à une contrevaleur plus concrète) est très insuffisant pour faire tourner l’économie mondiale actuelle. Ce qui la fait tourner c’est l’argent virtuel créé par anticipation sur des produtions de valeurs futures

Ce système de création d’argent sur la foi des possibilités futures d’un emprunteur tient bon tant que toutes les banques pensent qu’elles ont toutes le courage de refuser de se faire plus de fric en osant dire NON aux emprunteurs sans perspective.
Mais sont arrivées des "banques" opportunistes, créées sans le moindre dépôt, avec pour unique vocation de dire OUI aux emprunteurs habituellement refoulés. Ces "banques" qui jouent sous la ceinture ont ramassé à la pelle des obligations de gens à l’avenir particulièrement incertain, elles les ont piégés avec des formules séduisantes puis elles ont cédé ces obligations à d’autres banques et au bout de quelques rotations tout le monde a perdu de vue qu’elles détenaient des obligations pourries, en très grand nombre.

En acceptant le principe de la création d’argent instantané fondé sur la production de biens à venir, on a finalement permis aux plus opportunistes d’aller encore plus loin en créant de l’argent sur des richesses futures hautement improbables

N’avons-nous pas été nombreux à avoir été surpris de nous voir accorder un crédit alors que nous ne nous le serions pas accordés ?

"Comment se fait-il que mon banquier soit à ce point sûr que je pourrais lui verser 1000 € tous les mois pendant 20 ans, alors que moi j’en doute ?" Question que nous nous posons certes mais que nous ne creusons pas, surtout pas avec notre banquier. C’est tellement agréable d’avoir la preuve tangible que quelqu’un croit en votre avenir radieux !
Le ver est quelque part là.

Si les banquiers A, B, C, D, E, ont refusé mes obligations à les rembourser et si le "banquier" V comme véreux accepte mes obligations de clodo, pourquoi les banquiers A, B, C, D, E devraient-ils reconnaître mes chèques émis sur V ?

Pourquoi une banque dont les clients seraient tous des Rothschild ou des Rockfeller devrait-elle accepter les chèques d’une banque de véreux ?
Elle tue pas mal les pauvres que nous sommes cette question, n’est-ce pas ?
Désagréable, on ne se la pose pas et pourtant, elle est à la base de tout le système économique et financier





Imaginons qu’il n’y ait désormais qu’une seule banque créatrice d ’argent virtuel, toujours fondé sur des remboursements futurs des emprunteurs (donc sur le risque). Imaginons que tous ses agents appliquent à la lettre les consignes pour un certain niveau de sélection des emprunteurs. Et bien cette banque unique reconnaîtrait toujours les chèques en circulation et il n’y aurait pas de déconvenue à grande échelle.

Même si on créait une telle banque unique aujourd’hui, il resterait tout de même à résoudre le problème de la grande disparité des critères de sélection des emprunteurs ayant actuellement des crédits en cours, et pour 30 ans encore.

Fondamentalement et tant qu’on trouve jouable de créer de l’argent sur les possibilités de création de richesses futures d’un individu, il faudrait aujourd’hui examiner tous les crédits en cours et les renoter selon une grille standardisée en laquelle tous les banquiers auront confiance. Il y aura certes pas mal de mauvaise surprises mais ensuite, on pourra repartir sur des bases claires.

Et cela en ne perdant pas de vue que dès les premiers coincements de la machine, les emprunteurs les plus sûrs le deviennent moins. Toutes les notations des obligations (privées ou d’Etat) sont suceptibles de glissement, vers le bas comme vers le haut, en fonction du niveau de confiance général.

Dans le contexte actuel, il est certain que toutes les décisions qui vont dans le sens de la centralisation du système financier sont bonnes. Certes les Etats n’ont pas le droit de saisir toutes les banques et les fondre en une seule mais ils peuvent déjà en nationaliser un certain nombre et ils peuvent surtout leur imposer les mêmes critères d’évaluation de la solvabilté des emprunteurs. Harmonisation idéaliste qui irait à l’encontre des principes naturels de la concurrence et de la course au toujours plus risqué pour essayer de gagner plus, autant le souligner.



De la mésaventure actuelle pourrait émerger (ou mieux se caractériser) un système financier à plusieurs vitesses, cloisonné (ou mieux cloisonné).
Trois catégories de banques : Des banques pour très riches, des banques pour riches et des banques pour fauchés. Les chèques des banques de niveau inférieur n’étant jamais acceptés par les banques de niveau supérieur. 

Il y aura des cartes de crédit valables uniquement chez Tati et Lidl, d’autres valables partout.
Seul l’argent papier restera sans odeur.
L’argent virtuel en aura.




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