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Commentaire de Malraux

sur Guadeloupe : la vie au temps de la violence (IV)


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Malraux Malraux 20 février 2009 16:53

@jacques Roux

"Vous allez très certainement m’éclairer sur quelques unes de ces questions :

Qui sont majoritairement les chefs d’entreprises en Martinique Guadeloupe ?
quelle est la proportion d’élèves qui possèdent un ordinateur parmi les blancs, parmi les noirs ?
Qui est propriétaire d’une maison pouvant la vendre et partir en métropole ? Qui sont ces "ils", dans la bouche de cette même personne, qui pourraient avoir l’indépendence un jour ?
"


Vous éclairer je ne sais pas. Je peux vous transmettre quelques informations sans que ce soit obligatoirement exhaustif.

Le très grand commerce est tenu par des blancs-pays et des békés. C’est clair et c’est ce qui fait mal. Ce sont des gens qui avaient à leur disposition des capitaux quand il était temps d’investir et qui ont su construire des empires financiers en utilisant toutes les ficelles et notamment les fonds européens et la défiscalisation. A leur décharge, ils ont aussi créé un très grand dnombre d’emplois salariés dans une île qui ne produit quasiment rien...

Le commerce intermédiaire et le petit commerce est tenu par des antillais. Ils sont arrivés après et n’ont donc pas pu s’imposer sur des marchés qui étaient déjà largement occupés. Ils ont par contre bien su utiliser la défiscalisation eux aussi.

Je ne connais pas le pourcentage d’élèves ayant un ordinateur, mais je pense qu’il est peu différent de celui de la Métropole. Internet est ici plus cher, mais largement aussi répandu et les petits guadeloupéens chattent et téléchargent comme partout ailleurs. Il ne faut pas non plus les prendre pour des arriérés...
Pour exemple, les ventes d’écran plat avant Noel ont été telles que de nombreux magasins se sont trouvés en rupture de stock avant le 25/12

Les gens propriétaires de leur maison représentent une grande majorité de la population. Comme je le disais dans un autre post, la Guadeloupe n’est pas la Martinique et la propriété foncière est en grande partie aux mains des habitants. Pour reprendre aussi une réflexion faite par m. Villach dans un autre post, il y a bien longtemps qu’il n’y aquasiment plus de cases en bois en Guadeloupe. la plupart des gens vivent dans des maisons en béton, construites pour la plupart après le cycone Hugo en 1989 qui avait dévasté l’île et détruit une bonne partie de l’habitat vétuste et ancien. Ce qui peut choquer un nouvel arrivant c’est le fait que beaucoup de ces maison paraissent ne pas être terminées... Mais quand on sait qu’une maison non terminée ne paie pas les taxes foncières...Il y a par contre un réel problème avec l’habitat social, qui comme partout ailleurs en France est insuffisant par rapport aux besoins.

Et finira t on par nous dire un bon coup les raisons de la colère ? Sinon nous avons du TF1 qui refusa pendant un mois de ne montrer autre chose que des micro trottoirs où l’on montre les gens privés de ceci ou de cela mais jamais les raisons de ceux qui manifestent dans les rues.

Vous avez de la chance d’avoir vu ça à la télé parce qu’ici je crois que jamais personne n’est passé sur RFO en disant qu’il n’était pas d’accord avec la grève ...

Les raisons de la colère : elles viennent bien sûr de loin. Les antillais ont vis à vis des problèmes de couleur de peau une attitude irrationnelle, toujours partagés entre la peur et le respect qu’ils imaginent devoir aux blancs et la colère violente de se sentir inférieur à eux. Le problème de blanc ou pas blanc est encore très compliqué par le fait que la très grande majorité des gens sont métissés et donc qu’ils ont en eux une petite partie qu’ils considèrent comme blanche.

La "réussite" de ce mouvement social est à mon avis liée à plusieurs facteurs :


- des éléments objectifs et réels : le détonateur a été la cherté du prix de l’essence au mois de décembre, cherté qui n’avait aucune raison objective de persister avec la baisse du prix du baril et qui a mis au jour l’opacité de la distribution de carburant aux Antilles (rôle de la SARA etc...) ceci dit, ça n’est pas le LKP qui a fait baisser l’essence. Il y a eu début décembre un mouvement très efficace et très court de socio-professionnels qui ont obtenu plus de 30 c de baisse d’un coup (les 5 centimes supplémentaires obtenus par le LKP sont anecdotiques). La cherté des prix dans la grande distribution est considéré aussi comme un détonateur.. Sauf que ça a toujours été comme ça, et maintenant pas plus qu’il y a 20 ans.


- des éléments psychologiques : dans la lignée de la commémoration officielle de l’esclavage depuis quelques années, un certain nombre de guadeloupéens considèrent qu’ils doivent recevoir compensation pour les souffrances dont ont été victimes leurs ancêtres. Une bonne partie des manifestants sont je pense dans cet état d’esprit.


- une parfaite organisation du mouvement et une grande habileté de leur leader. L’UGTG était depuis des années discréditée par la violence des mouvements sociaux qu’elle menait et sa revendication d’indépendance qui n’est pas partagée par la majorité de la population. On a donc fait disparaître l’UGTG, rebaptisant LKP un mouvement dont les cadres et les militants sont en très grande majorité originaire de ce syndicat. Depuis le début, Domota manipule ses troupes avec beaucoup de doigté. Il a toujours flirté avec la limite en ayant l’habileté de ne jamais la franchir, relachant toujours la pression juste avant de devenir impopulaire, et la remettant dès que la situation s’était un peu détendue (relisez les 4 chapitres de ma chronique, vous verrez que ça apparait nettement). Il flatte les penchants xénophobes et racistes de ses troupes, toujours à demi mot, par allusions, sans jamais risquer de se retrouver hors la loi (comme l’a fait un le Pen en son temps). Ses discours en français sont d’ailleurs toujours plus softs que ceux qu’il fait en créole...


j’aurais du mal à me payer un avion (en plus du coût du voyage initial) à 86 €. J’ai 58 ans et ne suis pas chômeur ni en emploi précaire.

Poour une dame de 75 ans, seule à l’aéroport de Pointe à Pitre, payer 84 euros c’était peut-être mieux que de passer 3 jours couchée sur les banquettes de la salle d’embarquement... A situation exceptionnelle...


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