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Commentaire de Daerel

sur Le collège unique, plaie ouverte de notre système éducatif


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Daerel Daerel 10 juin 2009 00:52

Bon, je prends mon courage à deux mains et je reposte mon message bouffé par ce site qui n’accepte pas opéra.


L’auteur dit avoir quatorze ans et j’avoue que je suis impressionné par la qualité de sa prose... mais j’avoue que la position ici avancée, bien trop facile à énoncer actuellement, ne me satisfait pas.


Tu sais, je vais te tutoyer si tu le permets, le collège unique est effectivement malade. Mais je n’accepterai jamais de lire que la réforme Haby fut une erreur. Le collège unique a été une avancée énorme pour notre pays mais il a été massacré par la logique comptable qui domine et dirige l’Education nationale depuis 20 ans.

Mais comme il est facile de tirer sur une ambulance en feu, je vais prendre la défense de ce collège unique qui a permis à ma famille d’atteindre les études supérieures, n’en déplaise à des petits libéraux en goguette.

Tout d’abord, Alex, je trouve que tu fais trop d’injonction sans jamais fournir de preuves à tes arguments incantatoires. Tu dis avoir quatorze ans, tu devrais donc être capable de faire un paragraphe argumenté et donc de fournir chiffres, citations, analyses et statistiques... mais ici le néant. Tu surfes sur des on-dits qui ne se basent que sur des approximations, des analyses partielles...

Allons au fond des choses, tu dis :

« des études témoignent de la faiblesse du niveau scolaire des collégiens français vis-à-vis de leurs homologues européens »

—> Ah tiens ? Peux-tu me donner tes chiffres,s ’il te plaît ? J’aimerais que tu me dises où est la situation en Allemagne ? En Grèce ? En Espagne ? En Belgique ? En Grande-Bretagne ? Et le niveau des petits Français par rapport à ça ? Ensuite, tu portes la faute de ces mauvais résultats à la réforme Haby... si tu lisais les vraies analyses, tu verrais que les gens actuellement citent les tests de 1987-1998 des élèves français de CM2-6e comme la meilleure génération où tout allait bien par rapport aux élèves actuels (qui ne savent forcément rien)... Or, les élèves de 1987-1988 bénéficiaient de la réforme HABY et du collège unique. Peux-tu m’expliquer cette incohérence ? (il se trouve que je fais partie de ces cohortes excellentes). Je vais te l’expliquer : Haby a été trahi. Son but était de démocratiser l’école mais très vite, dès 1988-1989, son projet a été assassiné lors de l’émergence de Meirieu qui servait de bonne conscience à la mise en place d’une logique comptable des élèves. Le collège unique est devenu un collège de masse et pas un collège démocratique servant d’ascenseur social comme il devait être. Quand j’étais collégien, on était 26 par classe. L’année prochaine, mes 6e (et oui, je suis prof) seront 30-31 par classe.


Tu dis encore :

« Pis, le collège unique a sur le dos la responsabilité non seulement de l’uniformisation des connaissances scolaires des collégiens mais également de notre société toute entière. »

—> Sors tes preuves, s’il te plaît ! L’uniformisation des connaissances que tu vilipende n’est que le minimum que les professeurs doivent donner... et les professeurs donnent bien plus à leurs élèves que ce qui est demandé. Ensuite, l’uniformisation de la société... elle n’a pas besoin de l’école pour ça, la télévision des années 80-90 dominée par TF1 y a réussi toute seule et très bien.


Tu dis encore :

« Uniformiser les programmes et donc les connaissances n’est jamais souhaitable dans une société, en quête de diversité et de multiculturalisme. »

—> Encore une fois, je te demande des preuves de ce que tu avances. Les sociétés ont plutôt tendance à vouloir s’uniformiser et à rejeter le multiculturalisme. Il n’y a qu’à voir le succès électoral des politiques prônant des mesures contre l’immigration ou le besoin de tous les jeunes de s’habiller identiquement (ok, il existe 4-5 catalogues distincts : le style racaille, le style J-Lo, le style bogoss, le style gothique...).


Tu rajoutes :

« Le système d’options ou d’emploi du temps à la carte avec un nombre très restreint de matières obligatoires, qui a prouvé son efficacité aux Etats-Unis d’Amérique, assure un très large choix de disciplines potentiellement enseignées qui correspondent aux goûts de chacun. »

—> De la même façon, je veux tes preuves ! A ma connaissance, Obama a déclaré priorité nationale la réforme de l’éducation américaine tant c’est devenu catastrophique pour les classes populaires et moyennes. Seuls les riches et les bons élèves peuvent jouer avec l’autonomie que tu cites, pas les élèves en difficulté ou issu de milieux défavorisés (et je compte comme défavorisés les enfants des classes moyennes américaines liée par la culture télé américaine et la junk food). D’ailleurs, les populations Born Again de la Bible Belt ne s’y trompe pas vu qu’une grande partie de leurs enfants étudient à la maison jusqu’à l’université.


Tu rajoutes :

« A l’âge de 13-14 si ce n’est 11-12 ans, les préférences d’un élève pour telle ou telle thématique sont d’ores et déjà tranchées. Une vocation peut d’ailleurs s’être ouverte chez un élève (poterie, danse, sport, journalisme, cuisine, jardinage etc...) qui, plus tôt ses connaissances progresseront dans son domaine de prédilection, plus ses compétences dans son métier seront riches, et ne sera pas ainsi contraint de rattraper le retard accumulé au collège par un travail soutenu et acharné en école supérieure ou en apprentissage. »

—> Je veux voir tes études sur le sujet. En 10 ans d’enseignement, je retire surtout un truc : la majorité des gamins de 13-14 ans ne savent pas ce qu’ils veulent faire plus tard. J’en parle assez avec eux lors du choix de leur orientation. La spécialisation tardive est une très bonne chose comme les études québécoises, françaises et espagnoles l’expliquent. En effet, plus le bagage culturel et intellectuel d’un gamin est étendu, plus sa capacité d’adaptation et de compréhension dans la branche qu’il choisira sera meilleure. Plus on spécialise tôt un gamin, plus son adaptation sera sclérosée. En plus, dans une société où on nous explique qu’au cours de notre carrière, on changera plusieurs fois de métiers, ta proposition est un suicide de masse.


Par contre, je te rejoins sur l’hétérogénéité des classes. Sous des prétextes fallacieux, on nous a servi cette obligation qui n’est qu’un cheval de Troie pour une logique comptable de l’Education nationale.

De même, tu parles des options. Mais tu t’égares. La logique comptable et marchande qui mène l’école actuellement a tué les options (j’ai commis un article ici même à ce propos). On assassine actuellement le latin, le grec et l’allemand. Les autres options ont trépassé depuis longtemps. Ce sont les dernières à résister (pour des raisons culturelles et historiques) mais je vous rassure, leur mort est planifiée.

De la même façon, tout le monde donne son avis sur l’Education nationale. Nos ministres les écoutent... Et au final, les seules personnes qu’on ne consulte pas et à qui on interdit même de prendre des décisions sont les personnes dont c’est le métier : les profs.


Combien de profs ont entendu des excuses bidons pour supprimer les classes de 3e insertion ? Combien de profs ont vu les principaux/proviseurs casser leur décision de conseil de classe ? Combien de professeurs de lettres classiques ont été soumis à des pressions pour réduire peu à peu leurs heures et leurs classes de latin/grec ? Combien de professeurs doivent se battre avec une paperasse et des démarches administratives toujours augmentées pour faire des voyages et des sorties ?


C’est là la vérité ! Le collège unique était une bonne idée mais il a été saboté car on a écouté tout le monde sauf les professeurs.

Je rêve de classe de 20 élèves maximum, composés uniquement d’élèves moyens et bons. Je rêve d’une base de cours obligatoire accompagnés d’une cohorte d’options (minimum 5 proposées par établissement). Je rêve de pouvoir enfin avoir des classes de 8 élèves uniquement composées d’élèves en difficultés afin de travailler efficacement avec eux. Je rêve qu’un jour, moi, professeur, on me considère comme un professionnel de l’enseignement qui sait ce qu’il faut faire et non pas considérer que la parole du premier trouffion qui passe a plus d’importance et de vérité que la mienne donc c’est le métier !


Maintenant, j’ai vu que le mot Finlande a été lâché. Ah ça oui, ils sont forts pour les tests de l’OCDE... mais vous avez déjà entendu du niveau universitaire finlandais ? Ah bah non ! Normal, les études actuelles montrent que les élèves finlandais sont peu aptes par ces fameuses méthodes extraordinaires à suivre un cursus universitaire. La même étude point la culture générale et le niveau de réflexion écrite des étudiants français largement supérieurs à la moyenne européenne (et pitié, pas de classement de Shanghai dont la méthodologie et le but sont des affaires politiques internes chinoises et non une véritable étude scientifique impartiale).


Bref, Alex, pardonne-moi ma prose colérique mais tu ne fais qu’avancer des potins de bar de commerce (certes, serinés tous les jours à la télévision) sans fournir aucune preuve à tes dires. Je te soupçonne d’être un excellent élève qui ne supporte pas que des élèves en difficulté le ralentissent. J’en ai déjà eu des élèves comme ça... et je les ai vite remis à leur place en leur rappelant que la société n’est pas un repaire de loups qui laissent mourir les plus faibles et qui dévorent les moutons. Mais que nous tentions de fonder une société civilisée et fraternelle. Maintenant, tu es peut être un prête-nom mais j’en doute.

Je te conseille de relire Condorcet. Cela te ferait du bien, je pense plutôt que de nous ressortir ce que Meirieu serait capable de débiter comme connerie (j’ai encore en travers de la gorge son « Faites de la pédagogie différenciée ! » et quand on demandé à ses thuriféraires ce que c’est, personne ne sait répondre !).



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