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Commentaire de ZEN

sur La faim de la crise


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ZEN ZEN 23 novembre 2009 17:16

L’Afrique vue autrement...Par les causes, non seulement les effets

... endettement croissant malgré le remboursement de montants importants ; échange inégal entraînant un déficit commercial croissant. Si l’on additionne les effets négatifs de cet ensemble, il n’est pas exagéré de dire que les bulletins de santé positifs qu’exhibent pour l’Afrique les médias et les institutions financières internationales sont purement mensongers.

La preuve : dans ses documents internes, le FMI est quelques fois amené à poser un diagnostic qui est très éloigné des proclamations optimistes de mise dans les communiqués officiels : « Le poids de la dette reste extrêmement élevé et l’accumulation d’arriérés de paiement augmente encore ce poids ; cela est démontré par le fait que la plupart des pays du continent ont atteint un stock de dette qui dépasse 400% des revenus annuels d’exportations (ou 4 années d’exportations).

Seuls quelques pays semblent avoir un espoir de réussir à payer le service de la dette d’une telle ampleur. Pour la plupart des autres, cependant, le service de la dette effectivement payé représente le double des nouveaux flux de la part des bailleurs de fonds et des donateurs. Il y a un risque que le poids excessif de la dette empêche l’arrivée des investissements directs et des autres flux privés » (IMF-FMI, 1995, p. 44).

Ajustement structurel : le fiasco

La Banque mondiale et le FMI prétendent que l’application des politiques d’ajustement structurel (rebaptisées depuis 1999 “ Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté ”) permet d’attirer les capitaux privés indispensables au décollage économique.

Afin d’attirer les capitaux privés, les gouvernements africains sont priés de réduire à sa plus simple expression l’impôt sur les bénéfices réalisés par les entreprises étrangères et de permettre la libre sortie (= rapatriement) des bénéfices vers la maison-mère (située dans 95% des cas dans les pays les plus industrialisés).

S’y ajoutent d’autres incitants : on prie les gouvernements d’offrir gratuitement les terrains et l’infrastructure de communication aux entreprises étrangères qui désireraient s’installer dans le pays. Si cela ne suffit pas, on leur recommande de créer des zones franches dans lesquelles aucun impôt n’est prélevé et où le code du travail et les contrats collectifs, en vigueur dans le pays, ne sont pas d’application.

Pour obtenir un flux d’investissements étrangers, les Etats africains renoncent donc à des recettes d’impôts, augmentent certaines dépenses d’infrastructure, offrent des parties du patrimoine national (terrains, etc.) et permettent le non respect de certains aspects de la réglementation du travail.

Après au moins dix années d’application de ces politiques, quel est le résultat ? Assiste-t-on à un afflux de capitaux privés étrangers (ce qu’on appelle les IED - Investissements Etrangers Directs) ?

Non, il n’y a pas d’afflux de ces capitaux privés. Cela est confirmé par la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) dans un rapport publié en juillet 2000 sous le titre “ Les flux de capitaux et la croissance en Afrique ”.

Ce que révèle le Rapport est édifiant : non seulement il n’y a pas d’afflux, mais il y a une baisse (CNUCED, 2000, p. 4). Dans la période 1975-82, les entrées de capitaux privés représentaient 3,9% du Produit National Brut des pays d’Afrique subsaharienne ; en 1983-1998, période de généralisation de l’ajustement, ils ne représentaient plus que 1,8% du PNB, soit une chute de plus de 50% par rapport à la période 1975-82 (période qui a précédé la crise de la dette et le début des politiques d’ajustement).

Le constat est sans appel : échec pour le FMI, la Banque mondiale et les gouvernements africains qui ont appliqué cette politique.

Non seulement les capitaux étrangers privés n’affluent pas mais les capitaux privés nationaux quittent les pays concernés en quantités de plus en plus grandes. La levée des contrôles sur les mouvements de capitaux ordonnée par le FMI et la Banque mondiale permet en effet aux capitalistes africains de placer, plus facilement qu’auparavant, “ leur ” argent à l’étranger. Cela s’appelle, dans le jargon, “ achat d’actifs étrangers par des résidents africains ”. La CNUCED ne dit pas autre chose dans le passage suivant : “ Au cours des dix dernières années, certains pays africains ont eux aussi libéralisé les sorties de fonds, ce qui facilite l’acquisition d’actifs à l’étranger ” (p. 12).

Seuls quelques pays n’ont pas libéralisé ou ont durci les contrôles tels le Soudan, le Zimbabwe ou la République démocratique du Congo.

L’extrait suivant indique que la CNUCED, certes de manière prudente, fait un constat négatif de portée générale : “ Les données concernant l’Afrique tendent donc à confirmer la conclusion qui avait été formulée à propos des marchés émergents à savoir que la libéralisation des mouvements de capitaux à court terme non seulement ne contribue que très peu aux apports nets de capitaux, mais est une source importante d’instabilité ” (p.19). Autrement dit, les politiques d’ajustement dans leur dimension “ libéralisation des mouvements de capitaux ” n’apportent aucun résultat positif durable pour les pays qui les appliquent. 

Rubens Ricupero, secrétaire général de la CNUCED, dans l’introduction d’un précédent rapport intitulé “ Le développement de l’Afrique : une approche comparative ” (CNUCED, 1998, p. 129) faisait, de manière plus pointue, le même constat et interpellait les gouvernements des pays les plus industrialisés sur le secret bancaire, qui permet la dissimulation de capitaux quittant légalement les pays du Sud, alors qu’ils sont le produit du vol : “ La libéralisation des opérations en capital a peu de chances de faire revenir les capitaux fugitifs qui, selon certaines estimations, représentent 70% de la richesse privée non foncière dans les pays subsahariens. Ces capitaux semblent constitués surtout de deniers publics détournés illicitement, plutôt que de revenus industriels et commerciaux à la recherche de stabilité économique ou de rendements élevés à l’étranger. La modification de la réglementation bancaire des pays développés où ces capitaux sont dissimulés pourrait avoir des résultats positifs à cet égard ” (CNUCED, 1998, p. XVII).

Quelles conclusions tirer de cet extrait ? D’abord, l’ajustement structurel, loin de lutter contre la corruption, la facilite et l’augmente. Ensuite, les autorités des pays les plus industrialisés devraient modifier la législation bancaire, comme le demande l’Appel de Genève lancé par sept magistrats européens (cité par Jean de Maillard, Un monde sans loi, la criminalité financière en images, Stock, 1998, p. 136-137) notamment pour réprimer les détournements, le recel... ce qui implique la levée du secret bancaire....


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