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Commentaire de Denis COLLIN

sur Ecole, mensonge et vidéo


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Denis COLLIN (---.---.96.20) 24 novembre 2006 09:42

Ce qui ne manque pas d’intriguer, c’est la presque impossibilité en laquelle nous sommes de discuter sérieusement d’une question aussi importante que celle de l’instruction publique.

Il y aurait beaucoup à dire sur le ressentiment, l’amertume et la bêtise de toutes ces injures envoyés aux « profs » : au fait, si on appelait les consultants « cons », les ingénieurs « inges », les médecins « méds » etc. Le lexique courant en dit long. La haine des professeurs est devenue un fonds de commerce des politiques il y a déjà un certain temps - peut-être depuis que les énarques ont pris le pouvoir et détrôné les normaliens. Un précédent ministre, M. Allègre les avait déjà traités de fainéants et avait stigmatisé, sur la base de statistiques fausses, les congés de maladie à répétition - fausses puisque les professeurs ont moins de congés de maladie que la moyenne, entre autres choses parce que, comme je l’ai expliqué, ils n’ont pas de congés de maladie pendant leurs vacances... Quant aux horaires, même annualisés, le ministère lui-même les situe au-delà des 40h hebdomadaires. Mais évidemment, avec la haine des professeurs, on est dans la même situation qu’avec la haine raciste : les arguments rationnels sont impuissants, parce que les affects sont trop tenaces, adhèrent trop à l’individu qui hait ses professeurs de longue date, depuis l’école et qui les rend responsables de tous ses échecs ou de ceux de ses enfants.

Quant à ceux qui donnent acte à Mme Royal d’avoir « secoué le cocotier », ils montrent qu’ils ignorent tout de la réalité de l’éducation nationale. Il n’est guère de secteur où l’on ait autant « secoué le cocotier » depuis 40 ans. Les « réformes » succèdent aux réformes à un rythme frénétique. Il n’est guère de secteur où les principaux acteurs - les professeurs - aient ignorés aussi « royalement ». Tout le monde sait ce qu’il faut faire pour instruire, sauf les professeurs !

Il est remarquable que la haine des professeurs soit professée, de manière un peu articulée, essentiellement dans la classe moyenne. Elisabeth Altschull émet une hypothèse : la classe moyenne ne veut plus que ses enfants soient jugés (voir la revue « Perspectives républicaines » n°3, octobre 2006). Elle a tant investi dans sa progéniture qu’elle estime que tout lui est dû. Il est même fréquent que les professeurs, en tant que parents d’élèves, partagent ce « point de vue de classe », ce qui expliquerait l’enthousiasme avec lequel une partie du corps enseignant et des appareils syndicaux a accueilli toutes les innovations pédagogiques, « l’élève au centre », « l’apprenant construisant lui-même son savoir » et autres balivernes de la même farine, alors même que ces réformes allaient et vont toujours dans le même sens : dégrader le professeur, dévaloriser sa parole et donc ruiner son autorité - au sens originel du terme.

Si internet était vraiment un lieu de discussion, peut-être pourrions-nous débattre ici ou ailleurs de l’appel pour le refondation de l’école signé par Laurent Lafforgue, Marc Le Bris, Jean-Pierre Demailly, Michel Delord et quelques autres. On peut toujours rêver.


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