• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Paul Villach

sur Lettre secrète de dénigrement, un acte administratif loyal ?


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Paul Villach Paul Villach 29 novembre 2006 18:16

Pour éclairer les lecteurs que ce dernier commentaire, sous ses allures d’argument d’autorité, peut égarer, il importe de rappeler le problème strictement juridique posé par cette lettre secrète de dénigrement, que, malgré l’apparence, ce contradicteur semble totalement ignorer.

La cour d’appel civile a eu à répondre à la question suivante :
- cette lettre secrète de dénigrement - dont la divulgation est qualifiée de « fait maladroit » - est-il un acte au nombre de ceux qu’une administration peut s’autoriser ? Est-il un acte dicté strictement par les obligations de service ? Si oui, c’est au Tribunal administratif d’en connaître.
- ou, au contraire, bien qu’accompli à l’occasion du service. est-il dicté par des considérations personnelles étrangères au service, en donnant à ces faits non encore établis une publicité dommageable à ce professeur et en les portant devant des usagers qui n’ont pas qualité pour en connaître tant que l’autorité hiérarchique n’ a pas statué ? Si oui, on est en présence d’une faute personnelle relevant du Code Civil, articles 1382 et 1383 et le tribunal civil est compétent pour en connaître.

En résumé, qu’est-ce donc qu’ « un acte détachable du service ? »

Pour éviter évidemment que le pouvoir administratif soit détourné de ses finalités, la jurisprudence administrative a, dès 1873, fait la distinction pour les agents publics entre la faute de service et la faute personnelle (Pelletier, Trib. Confl., 30 juillet 1873, D.P. , 1874, III, page 5, concl. David). Laferrière dans ses conclusions célèbres lors de l’affaire Laumonnier-Carriol (Trib. Confl., 5 mai 1877, Rec. Lebon, 1877, p. 437) a exposé
- qu’il y a faute de service si l’acte dommageable est « impersonnel, révèle un administrateur plus ou moins sujet à erreur »,
- tandis que la faute personnelle révèle « l’homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences ... ».

La notion de faute personnelle a été ensuite définie comme étant une faute détachable du service en raison de son caractère intentionnel ou d’extrême gravité. « Il s’agit, résume un Commissaire du Gouvernement, d’une faute personnelle commise à l’occasion de l’exercice des fonctions dans trois cas :
- quand le fonctionnaire est animé par des considérations étrangères au service ;
- quand il donne à son acte une publicité non justifiée par les besoins du service et dommageable à la personne qu’il concerne ;
- en cas de faute lourde. »

En résumé, « un acte détachable du service est une faute qui, bien qu’accomplie dans le service, lui est étrangère en raison des mobiles personnels qui ont animé son auteur, de la portée donnée à l’acte qui situe celui-ci en dehors du champ d’action normal de l’administration ou des moyens employés pour son éxécution qui ne sont pas au nombre de ceux que peut utiliser une administration. »

Peut-on maintenant soutenir qu’une lettre secrète de dénigrement est un acte normal du service, fût-il maladroit ?
- L’enjeu, on le voit, dépasse infiniment ce cas d’espèce individuel et local et intéresse non seulement les fonctionnaires mais tous les citoyens.
- Oui ou non, la lettre secrète de dénigrement est-elle aujourd’hui en France un acte normal exempt « d’intention personnelle et déloyale », qui fait partie des moyens dont peut user l’administration sous un régime démocratique.
- Il va de soi que, dans toute autre sorte de régime, la question ne se pose même pas !

Pour mémoire, mon article rappelle, en conclusion, un arrêt de la Cour de Cassation qui en 1997 a eu à trancher un cas d’espèce comparable, à la seule différence près que le dénigrement n’était pas secret et qu’il était oral !


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès