Extrait de l’interview de Reza, très grand photojournaliste :
Dans ce monde où
le rôle de l’image est capital, ce qui se passe en Iran est très
intéressant. Pour la première fois dans un mouvement de contestation sociale de
grande ampleur, il y a très peu de photographe indépendants du pouvoir,
mais les manifestants jouent, grâce à leur téléphone portable, le rôle
de photo-journaliste.
REZA -
Absolument. On parle de révolution de l’informatique. La guerre du
Vietnam a marqué le début de la prise de conscience de la force des
médias sur le plan politique. Face à cette menace, les institutions
politiques cherchent à contrôler ou restreindre le pouvoir des médias
par deux moyens : restreindre leur présence sur le terrain, d’une part,
leur porter physiquement atteinte, d’autre part. L’armée israélienne a
ainsi, dans les années 1990, mis en place une unité d’élite chargée de
surveiller les journalistes et qui pouvaient même leur tirer dessus.
Par ailleurs, lors de la première guerre du Golfe, la présence des
journalistes sur le terrain a été encadrée. Seuls quelques journalistes
étaient autorisés à suivre les combattants, et évidemment les personnes
choisies n’étaient pas hostiles à l’opération. Une autre technique est
de devenir actionnaire ou propriétaire des médias. Aujourd’hui en
France, les trois-quarts des médias appartiennent à trois groupes :
Lagardère, Dassault et Bouygues. C’est antidémocratique, on ne peut
accepter que les médias d’un pays soient contrôlés par des groupes
détenant le monopole sur les industries des armes, du bâtiment, de la
communication, etc.
Mais Internet a complètement modifié la
donne. On va vers une ère de « citizen journalism ». Les nombreuses
photos des manifestations iraniennes diffusées via Internet,
notamment facebook, en est l’illustration. Le régime iranien s’est
trouvé dépassé, alors qu’il pensait contrôler la situation en empêchant
les journalistes de sortir de leurs hôtels.
(publié dans La Revue Internationale et Stratégique n°77 - Printemps 2010)
http://blackmarianne.blogspot.com/2010/04/revue-de-presse.html