Chapitre 1
Incompréhension de l’injustice
faite aux femmes
dans la tradition musulmane
par Faïza
I. Ma vision de l’intérieur
Je suis née dans une famille musulmane, je suis donc
née musulmane, parce qu’on hérite des croyances de sa
famille, jusqu’au jour où l’on devient quelqu’un et alors
on choisit de perpétrer cet héritage ou de le faire évoluer.
Mes grands-parents paternels sont nés dans les
montagnes algériennes. Ils ont vécu dans un petit village et
ils se sont dévoués corps et âmes à leur religion et à leur
culture qui restent, pour ainsi dire, le seul point d’attache à
leur pays d’origine. Aujourd’hui, ma grand-mère vit seule,
mon grand-père étant décédé, dans une cité minière. En
sociologie, j’ai étudié, durant ma première année de DUT,
un texte de la sociologue Zahia Zeroulou dans lequel il est
question de la réussite scolaire des enfants d’immigrés.
Elle y explique que les personnes qui ont grandi dans leur
pays d’origine au sein d’un milieu rural ont plus de
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difficultés à s’intégrer dans leur pays d’accueil que des
personnes issues d’un milieu urbain lesquelles acceptent
plus facilement l’évolution des moeurs1.
Je l’ai constaté tout au long de mon enfance et de
mon adolescence et j’en ai subi les conséquences.
I.1. Apprentissage à la soumission
Depuis que je suis enfant, on m’apprend à me
soumettre à l’homme. Je n’ai jamais compris et
aujourd’hui je ne comprends toujours pas pourquoi, mais
pendant longtemps j’ai accepté sans me poser de
questions. Je devais me soumettre aux volontés des
hommes de mon entourage. Peu importe ce qu’ils me
demandaient, je n’avais pas le droit de me rebeller, je
devais leur apporter ce qu’ils désiraient, même si ce qu’ils
désiraient se trouvait à leur portée. Je devais avoir ce
comportement, par exemple, avec un de mes cousins qui
est mon aîné de quelques années. Lorsque je me disputais
avec lui et que j’allais me plaindre à un membre de ma
famille, on me répondait que c’était de ma faute, que
c’était un homme et que je ne devais pas me révolter s’il
m’ennuyait. J’en étais révoltée et frustrée. On m’a appris,
dès mon plus jeune âge, à servir l’homme sans discuter.
Lorsque ma famille avait des invités, ces derniers
étaient accueillis dans une pièce autre que celle où l’on
mangeait habituellement et je ne pouvais manger que
lorsque que les hommes avaient terminé leur copieux
repas parce qu’il fallait que je sois disponible au cas où
l’un d’entre eux aurait eu besoin de quelque chose. Cela
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1 G. Abou Sada, B. Courault, Z. Zeroulou (sous la dir. de),
L’immigration au tournant, actes du colloque du GRECO 13 sur Les
mutations économiques et les travailleurs immigrés dans les pays
industriels, Vaucresson, 28-30 janvier 1988, Paris, L’Harmattan,
1990.
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n’est pas particulier à ma propre famille, dans beaucoup de
familles musulmanes il en est ainsi. Bien sûr, je n’étais pas
la seule à subir ce genre de vexations : mes cousines, mes
tantes, ma mère… toutes nous les subissions de la même
manière. L’une des choses les plus étranges est qu’on ne
mangeait pas dans la pièce où les invités dînaient mais
dans une autre pièce où les enfants avaient mangé avant
nous et où ils s’amusaient pour digérer, ce qui nous
obligeait à prendre notre repas (si on avait encore faim)
dans une ambiance électrique, avec les cris des enfants qui
ponctuaient chaque bouchée de nourriture avalée. Jamais
les femmes de ma famille, quand des invités étaient
présents, ont pu manger tranquillement, hormis les
doyennes qui recevaient le même respect que celui dû aux
hommes.
En outre, il fallait manger vite afin de préparer le
plateau de fruits qui suit généralement chaque repas ainsi
que le thé à la menthe et/ou le café selon la volonté des
invités. Plus d’une fois durant ces repas, je me suis agacée
envers une cousine, une tante ou même ma mère parce que
je ne supportais plus d’attendre pour pouvoir manger, de
devoir me rendre dans la pièce des invités pour
débarrasser leur table. Le fait de servir ne me dérangeait
pas vraiment et j’avais même plutôt un certain plaisir à
aider, mais je me suis aperçue que, toujours, seules les
femmes servaient et ne mangeaient pas sereinement. Je
n’ai jamais vu un homme de ma famille participer aux
tâches ménagères (même pas mettre le couvert) et durant
ces repas, j’avais plutôt l’impression d’être l’hôtesse d’une
autre famille que la mienne. De plus, j’ai rarement
entendu, voire jamais, un homme me remercier, prononcer
un mot de politesse, comme on le fait lorsque que
quelqu’un nous sert ; ce que je faisais leur paraissait
normal. Et c’est vraiment ce comportement qui
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m’exaspérait. Dans la culture maghrébine, une femme qui,
par exemple, vient ramasser un verre d’eau renversé par
un homme ne sera pas remerciée parce que c’est normal,
c’est son rôle, en tous cas celui que sa culture lui impose.
Et puis, je m’efforçais de débarrasser, tête baissée
afin que mes yeux ne croisent pas ceux d’un homme,
parce qu’on m’avait expliqué que cela ne se faisait pas et
sans comprendre les réelles causes, je me soumettais à
cette volonté, parce que c’était comme ça et que toutes les
femmes autour de moi se comportaient ainsi. Aujourd’hui
je constate qu’en fait j’imitais les femmes de mon
entourage, la soumission s’enseigne par imitation.
C’est devenu une psychose qui me hante toujours. Je
me rends compte qu’aujourd’hui encore, lorsque je croise
un homme d’origine maghrébine dans la rue, le métro ou
le bus, j’ai tendance à éviter son regard et à baisser le
mien. J’ai été conditionnée à la soumission. Comme je l’ai
appris cette année en psychologie sociale, c’est ce qu’on
appelle la soumission à l’autorité. Ce terme se définit
ainsi : comportement de quelqu’un devant une exigence
visant à obtenir de lui soit une approbation, soit un
comportement, soit un changement cognitif ou perceptif.
J’ai été victime de cette soumission à l’autorité durant des
années jusqu’à ce que je réfléchisse véritablement par
moi-même, que je me libère de cette pesante autorité et
que je me rende compte que ces situations sont
intolérables de nos jours. (...)
24/04 10:04 - Nico
23/04 11:42 - Fantômette
Très fort et très parlant, l’extrait ! Tout y est expliqué, en particulier cette « (...)
23/04 06:15 - Blé
La soumission à l’autorité est un principe qui a été appliqué aux femmes en Europe comme (...)
22/04 23:20 - FRIDA
Merci à l’auteur pour cet extrait, cela ne m’apporte pas grand-chose, il confirme (...)
22/04 23:05 - CHALOT
Chapitre 1 Incompréhension de l’injustice faite aux femmes dans la tradition (...)
22/04 23:04 - CHALOT
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