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Commentaire de jack mandon

sur Le chaos africain, Parole de femme, « L'aide fatale »


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jack mandon jack mandon 6 mai 2010 16:35

Graindesable,

Au fond l’espèce humaine témoigne de beaucoup d’intelligence et de faculté d’adaptation.
Cependant, l’éthique, les valeurs humaines, l’ambition d’être en soi-même font cruellement défaut.
La gratuité du geste n’existe pas. En son temps, j’avais tenté de montrer le mécanisme de l’amour.
S’intéresser à l’autre, c’est une manière de s’aimer chez lui ex. évangélique :

Le Samaritain à l’époque virtuelle

Évangile de Luc X, 29-37

Un docteur légiste se leva.... « Qui est mon prochain ? »

Jésus lui dit :

« Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba entre les mains de brigands qui le dépouillèrent, le battirent et s’en allèrent le laissant à demi mort.

Voici un prêtre qui passait par là, il vit cet homme et prit l’autre côté de la route.

De même un lévite qui arrivait près de là, il vit l’homme et passa. Mais, un Samaritain en voyage vint à passer près de cet homme, il le vit et fut touché de compassion. S’étant approché, il versa de l’huile et du vin sur ses plaies et les banda. Puis il le mit sur sa monture et l’emmena dans une auberge où il prit soin de lui.

Le lendemain il sortit deux deniers et les donna à l’aubergiste en lui disant : « Prends soin de cet homme, et tout ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour. »

A ton avis, lequel des trois s’est montré le prochain de l’homme tombé entre les mains des voleurs ? »

Le docteur légiste répondit : « C’est celui qui a pratiqué la miséricorde envers lui. »

Jésus répondit : « Va et fait de même. »

Cela m’intrigue d’autant plus que cette métaphore est un enjeu majeur, c’est l’un des principaux gages d’éternité.

Le héros central est un paria. En Galilée, à l’époque de Jésus, les Samaritains étaient aussi méprisés qu’un Palestinien aujourd’hui en désaccord avec la politique d’Israël. En somme tous les Palestiniens.

Les Samaritains avaient des pratiques barbares aux survivances païennes.

C’étaient des gens de la nature et de modeste condition.

Paysans, commerçants, gens pratiques, peu intéressés par le Grand Livre, au fond incultes dans la lettre et ignorants du message mosaïque.

Contrairement au prêtre et au lévite qui contournent l’homme blessé à demi nu, pensez donc, la nudité, l’émergence de la sexualité, à cette époque, quand on vit dans l’abstraction de la foi, dans le Livre, dans sa tête, si loin de son ventre et de ses besoins physiques, ses désirs.

Le réflexe le plus naturel dans ce cas, c’est la peur, le recul, la fermeture et il serait mal venu de porter un jugement sur cette évidence.

Revenons à notre homme providentiel, le Samaritain, je l’imagine un peu rond, avec un turban rouge sur la tête, pour égayer un peu. Il marche d’un bon pas, c’est un solide gaillard qui semble déterminé, peut-être un modeste commerçant qui se rend au marché pour son petit commerce mensuel.

Les chemins de l’époque ne sont pas sécurisés, il est donc courageux.

A travers l’expérience de la roue de médecine, de ses frères les Amérindiens qui ont pratiqué le courage, ailleurs, beaucoup plus tard, je sens qu’il est bien présent, vigilant, à l’écoute, bien centré.

C’est un guerrier spirituel, il ne le sait pas et c’est sans importance. Dans cet état d’esprit, il est attentif à tout, au danger, à la misère, aux autres, à l’autre.

C’est un homme pratique, il agit. Peut-être qu’il possède, dans les sacs posés sur le dos de son âne, du vin pour désinfecter les plaies du malheureux, de l’huile pour masser ce pauvre corps meurtri étendu sur le chemin.

L’homme qui vit dans la nature a le geste juste, le bon réflexe, son efficacité est naturelle et se transmet d’instinct de père en fils.

La gratuité du geste s’inscrit dans l’empathie. Il sait que cet homme au-dessus duquel il pratique les premiers soins ce pourrait être lui. Il est plein de compassion comme une mère qui fait son enfant, comme elle il sait d’instinct que cet homme le prolonge, comme la mère il s’aime dans ce geste vital.

Tout ça est tellement simple, tellement sain que les théologiens eux-mêmes n’en perçoivent pas l’essentiel en s’égarant dans des considérations morales qui écornent, voire déforment le message.

Bon ce n’est pas tout, le Samaritain a un projet, une activité, il remet maintenant le blessé dans les mains d’un hôtelier en lui donnant des consignes. Il a materné, il paterne et promet de repasser. Il poursuit sa route, il assume sa vie.

Quel est le sens du message ?

Donner du temps à la personne en difficulté et, pour la personne qui reçoit, le souvenir attendri, une pensée d’amour ?

Ce Samaritain est étranger au cadre du savoir biblique, étranger au caractère apostolique formel et conventionnel. Intentionnellement, c’est un étranger.

Pas de réelle gratuité du geste. Entrer en contact avec l’autre c’est voir chez lui notre miroir. L’autre est un autre nous-même. S’aimer chez l’autre.

Le Samaritain a donné de son temps, de son affection, de son aide sans rien recevoir en retour... le blessé pourra faire de même en pareilles circonstances.

Au hasard des chemins, si nous rencontrons un être en difficulté, tentons de nous reconnaître.

J’ai le souvenir que dans un train qui revenait d’Italie, j’ai rencontré un prof qui rentrait d’un séminaire consacré à l’iconographie. Il me révéla que dans une présentation médiévale, relative à la parabole du Samaritain, les illustrations successives présentent la particularité suivante : le Samaritain apparaît sous les traits présumés de Jésus, assume les soins et disparaît. On le voit de dos s’éloignant.

Maintenant, c’est l’hôtelier qui occupe la scène, curieusement, il a le visage présumé de Jésus, puis il disparaît avec le blessé dans sa maison.

Plus tard, sur le seuil de l’hôtellerie, notre convalescent se présente... devinez l’empreinte de son visage ? Eh oui bien sûr, c’est comme une chaîne de solidarité dans sa permanence et sa continuité, il a le visage de Jésus.

« Aime ton prochain comme toi-même. »

La pensée d’éternité s’inscrit dans cette attitude d’esprit et dans l’élan et le positionnement actif du Samaritain qui ouvre une voie, une perspective vers un autre lui-même.


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