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Commentaire de Serge LEFORT

sur Rue89, agent de propagande


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Serge LEFORT Serge LEFORT 19 juin 2010 23:22
Faire l’histoire de l’humanitaire, Le Mouvement Social n°227 :
L’œuvre de l’abbé Rodhain met en lumière une troisième clef de lecture plus large, appréhendant l’histoire de l’humanitaire sous l’angle du fait religieux. Cette histoire a en effet été largement façonnée en Occident par la pensée chrétienne, et ce doublement. D’abord, dans la solidarité nationale aux plus démunis ; à la suite d’actions largement initiées par les protestants des pays anglo-saxons, des œuvres catholiques comme la Caritas en Allemagne ou les conférences Saint-Vincent-de-Paul en France adoptent dès le XIXe siècle le discours humanitaire pour justifier et transformer leurs modes de lutte contre la pauvreté.
Aujourd’hui encore, la plupart des organisations humanitaires portent, explicitement ou plus discrètement, trace de leurs origines ou de leur proximité au religieux, ainsi Emmaüs dont l’article d’Axelle Brodiez analyse les générations successives de militants, montrant comment l’humanitaire dit « interne » constitue pour beaucoup, jusqu’aux années 1980, une concrétisation sociale de convictions confessionnelles.
Mais le fait religieux est également nodal dans l’humanitaire international de développement, avec la transformation de l’ancien modèle missionnaire. L’article de Guillaume Lachenal et Bertrand Taithe, recontextualisant le parcours du Dr Louis-Paul Aujoulat, insiste sur cette continuité profonde entre monde missionnaire et humanitaire médical, le travail du médecin catholique palliant aussi les limites de la pastorale missionnaire. Après-guerre, les orientations du Vatican se confirment, permettant la naissance de nouvelles institutions – ainsi Misereor en Allemagne ou en France le Comité Catholique Contre la Faim, devenu Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement.
Mais le poids du religieux doit aussi être recherché dans des organisations résolument laïques, ce que montre l’article de Johanna Siméant analysant les ONG comme des « entreprises de biens de salut » : l’humanitaire apparaît comme un moyen contemporain d’actualisation de dispositions religieuses ne reposant pas tant sur la foi que sur des pratiques vécues comme positives (don de soi, vie de groupe, entraide, ascétisme, confrontation à l’extrême, etc.) et ainsi réactivées.
Enfin, l’humanitaire peut aussi être lu comme une forme d’expression de la laïcité, où peuvent se côtoyer respectueusement foi religieuse et engagement politique d’un nouveau type.

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