A ce que le quidam dans mon genre en sait, Bigeard a été impliqué fortement dans la guerre d’Indochine et en particulier à Dien Bien Phu, mais aussi en Algérie. Les exégètes des affaires militaires se régaleront à me rectifier.
Dans les deux cas, ça c’est sûr, ça s’est mal terminé pour son camp. Mais dans le cas de Dien Bien Phu, va savoir pourquoi, la France a su en tirer tout de même un certain honneur. Un peu comme si dans la bataille de Little Big Horn, on trouvait un certain honneur à ce qu’une bande 10 soldats bleus accourent à la dernière minute autour de Custer histoire de ne pas le laisser seul. (En comparaison, le suicide d’Alamo a tout de même permis une suite plus favorable au camp des Texans)

La problématique du soldat responsable qui ne doit pas abandonner ses hommes en train de se faire écraser, sans espoir de retournement, est infernale à la conscience (j’aurais été à sa place, j’aurais été incapable de trancher et je crois que j’aurais joué à pile ou face). La guerre est une folie qui n’engendre que des problématiques de folie.

Peu importe les détails des faits, il est sorti de DBP avec une certaine gloire.

On ne peut pas en dire autant de son passage en Algérie (là aussi peu importe les arguties historiques dans ce débat)

Alors entre ces deux interventions, une plutôt glorieuse, l’autre plutôt honteuse, il était logique qu’il astique la face de sa médaille la plus reluisante. N’importe qui aurait fait la même chose à sa place.

Néanmoins, quand on n’est plus soldat, quand un demi siècle a passé, quand on est sur le point de partir rejoindre les étoiles, on devrait aller vers plus de vérité. Sans dézinguer qui que ce soit d’autre que lui, il aurait pu reconnaître qu’en Indochine et en Algérie surtout, il n’avait pas été délicat dans ses manières d’interroger ses prisonniers et qu’il faut en finir avec la torture. 

Globalement, il aurait également pu dire que ces guerres coloniales étaient absurdes. 

Parce qu’il n’a pas fait son chemin de Damas alors qu’il en avait la possibilité, parce qu’il est resté identique au soldat qu’il était, je ne veux pas que ses cendres soient versées dans ce pays qui a entrepris un travail extraordinaire en termes de réconciliation pour pacifier avec ses trois grands envahisseurs, la Chine autrefois, la France pendant un siècle et les EU pour finir. 


Bigeard aurait davantage arpenté le Vietnam depuis 1976, il aurait été davantage un homme de réconciliation, Il aurait aidé le Vietnam à sortir de sa misère, ça aurait été une belle occasion de marquer plus profondément l’attachement irréductible du Vietnam avec la France.

Jamais plus, il n’y aura de guerre entre la France et le Vietnam, ni entre les USA et lui d’ailleurs. Ce petit pays, qui a plus d’habitants que la France, aurait tout intérêt à sceller une alliance amoureuse officielle avec le pays de Victor Hugo qu’il aime tant et à qui il doit son écriture (dans la mesure un peu erronée où l’on considèrerait qu’Alexandre de Rhodes était Français). Et sceller une alliance avec la France sur le linceul de Dien Bien Phu aurait été extraordinairement fort d’émotions et de symbolique. (ça aurait aussi contribué à infléchir le régime actuel vers plus de démocratie et de transparence)

Dommage, vraiment dommage que Bigeard n’ait pas été l’homme idéal autour duquel on aurait pu organiser ce geste.


Un autre soldat, US cette fois, Hugh C. Thompson Jr. demanderait que ses cendres soient versées sur My Lai, là oui, cent fois oui. 
Ce qu’il avait fait lors de cette hystérie américaine, ce geste de protection de l’Autre est tout à fait extraordinaire. 

NB : Il n’a jamais été rapporté de faits selon lesquels des soldats français auraient protégé les fils de la France qu’étaient les Indochinois français (car il a existé une vague Indochine britannique). Alors qu’il est rapporté des centaines de cas où les Indochinois ont planqué et protégé les colonisateurs français quand les Japonais ont envahi le pays, katana au clair. La France qui était censée protéger sa colonie de tout autre envahisseur qu’elle, n’avait pas levé le petit doigt (A Vichy, on versait plutôt dans la collaboration avec les fascistes)