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Commentaire de CANDYMAN

sur Sahel : petite lettre ouverte à monsieur le président


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Relka CANDYMAN 29 juillet 2010 10:13

@ Manusan
Tu lis peut-être un peu trop les infos et voyage pas assez.
Le Sahel a besoin des ONG (et de certaines d’entre-elles) sur un point crucial. Jusqu’à présent tous les projets de développement mis en avant ont été initiés par les occidentaux où les gouvernements à leurs soldes, sans y associer les populations. Il existe des tonnes de projets (où personne ne parle de démocratie ou de quoi que ce soit) qui sont le fruit d’une collaboration étroite entre des porteurs de solution africains qui ne demande qu’une seule aide (le transfert de savoir faire) à savoir qu’on leur permette de réaliser des choses dont ils sont maître d’oeuvre et qu’ils pourront ensuite transmettre sans l’aide de personne. Ce sont ces projets que nous défendons (et que je suis au quotidien - doc à paraîttre sur france 5 en octobre pour expliquer) et qui sont souvent torpillés. Ce sont aussi grâce à cela qu’il y a encore des gens vivants comme tu dis. Mais le mot Sahel n’a aucun sens. Le Sahel c’est un territoire qui s’étend du Soudan au sénégal. Là où je travaille (entre Sénégal et Mauritanie)k, il y a dezs choses qui marchent vraiment et ce sont pourtant certaines des régions les plus pauvres. Quant aux luttes claniques et autres (plus réelles à l’EST), elle n’ont rien à voir avec le problème et restent très marginales (elles sont néanmoins encouragés par les luttes d’influences entre pays occidentaux, chine et courants islamistes (eux mêmes souvent développés par les conneries des précédents).
Mais on vit certes avec le sourire dans le Sahel (où il y a hélas la télé et internet, qu’est-ce que tu crois....) mais imagine toi reconstituer des véritables villages vivants en plein déserts quant il fait 45° au mois de mai (date ultime des récoltes) et que chaque année la sécheresse gagne plusieurs semaines.
Alors, si, même si les médias parlent à 90% de l’Afrique pour en dénoncer les travers, on a besoin de gens qui témoignent de ce qui marche. Après, tu as effectivement le droit de rester derrière ton écran et d’attendre....

Quant à l’arrivée des européens elle n’a rien à voir avec tout ça.... La sécheresse commencé en 68 avec un pic devenu endémique en 73 est la principales raison de la catastrophe, à partir du moment où elle rendait caduque le nomadisme traditionnel et les méthodes agricoles qui furent ensuite testés. Depuis le sable a gagné l’équivalent de la surface de la France. C’est de cette réalité là, de régions où l’on se bat avec succès contre la fatalité, le paludisme, la sous éducation (et non la sous éducation occidentale ne te trompe pas dans mon propos) et tout cela dont il faiut parler.
Avant le Sahel était un coin très vert où l’on mangeait à sa faim où les luttes claniques existaient déjà et blabbla et blabla....

Et si tu as le courage, voilà comment on peut avoir une véritable collaboration entre occident et Sahel, dans le respect et l’apprentissage mutuel, si tu as le courage de lire, cette histoire, qui est celle que nous tentons de suivre depuis plusieurs années....

"C’est au coeur du Sahel sénégalais, près de la frontière mauritanienne, à 30
km de Saint-Louis et de l’océan Atlantique que se situe le village peul de
Guélack.
Pendant longtemps, les peuls ont été des bergers nomades dont les caravanes
tournaient d’un point à l’autre du Sahel en quête de pâturage pour leurs
animaux.
Guélackh -qui veut dire « îlot de verdure » en peul- était naguère une oasis
luxuriante, qui pouvait largement nourrir hommes et animaux qui s’y arrêtaient.
Au moment de la grande sécheresse des années 70, le Sahel fut gagné par
les sables et les oasis n’offrirent plus suffisamment d’herbe et d’eau, obligeant
les hommes à se sédentariser avec leurs bêtes.
C’est ainsi qu’un millier d’entre eux se répartirent en une dizaine de petits
villages dans la zone de l’ancienne oasis de Guélackh.
À cette époque il n’y avait que sable, arbustes desséchés, très peu d’eau,
pas de route, pas d’école, pas de médecin, juste des familles et leurs troupeaux
qui survivaient difficilement de la vente de lait et de viande. De fait, nombre
d’entre-elles gagnèrent les villes en quête de travail et d’un quotidien plus
confortable.
Parce que leurs pères avaient obtenu un emploi dans les chemins de fer,
deux enfants du village, Ousmane et Doudou eurent la chance d’aller à l’école
jusqu’au bac puis de suivre une formation complémentaire à Saint-Louis.
Ce bagage aurait pu leur permettre de se faire une bonne situation à Dakar ou
même en France mais ils ne pouvaient détacher leurs pensées de leur village
abandonné à la misère.
De leurs longues discussions naquirent des idées, des rêves et des projets pour
rendre Guélackh autonome et prospère. Ils finirent par s’associer, sur les conseils
d’un vieux sage qui conditionna leur succès à leur union.
Ainsi, les deux cousins fondèrent rapidement le Groupement des Jeunes
Eleveurs de Guélackh ainsi que le Centre de Développement Intégré afin de
mettre en place une exploitation agricole.
Très difficilement, un ou deux puits furent creusés et des cases retapées, tandis
que les femmes transportaient le lait quotidiennement pour le vendre sur les
marchés des grandes villes.
L’argent recueilli permettait d’acheter quelques condiments. Les animaux, quant
à eux, servaient de monnaie d’échange pour avoir du mil et du riz.
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La vie, ici, tenait à un équilibre fragile. Une saison des pluies en retard et
les animaux, faute de trouver quantité de nourriture suffisante dépérissaient et ne
produisaient plus assez de lait.
Malgré les difficultés matérielles, Ousmane et Doudou mirent sur pied
une école de fortune et y firent eux-mêmes la classe. Au début, il n’y avait
qu’une dizaine d’enfants, certaines familles étant réticentes à laisser leur enfants
en classe tandis que la conduite des troupeaux réclamait leur présence. Mais
Ousmane et Doudou persévérèrent tant pour eux, éradiquer l’ignorance était
aussi vital que nourrir les ventres. Ils mirent ainsi sur pied un roulement horaire
permettant de concilier travaux agricoles, d’élevage et classe.
Durant cette période le village reçu l’aide de plusieurs ONG, en dépit de la
légitime méfiance d’Ousmane et Doudou tant les méthodes de ces structures « ne
tiennent pas compte des réels besoins et créent souvent des
dépendances incompatibles avec un développement durable ».
L’histoire du village prit soudainement un autre tour avec l’arrivée d’un
couple de français, Jean-Pierre et Martine qui faisaient un circuit de découverte
dans le Nord du Sénégal. Le thé traditionnel fut servi tandis que le chef du
village, Ousmane, Doudou et les français faisaient connaissance, essayant de
communiquer au-delà de leurs à priori respectifs, les uns ayant l’habitude du
passage d’occidentaux en quête d’étendues désertiques et d’exotisme, qui
promettaient de vaines aides, les autres de villageois affluant en tendant les
mains sans autres mots que : « donne, donne... »
Et là, Guélackh, pas d’attroupements, pas de demandes de cadeaux, mais un
accueil discret, attentif.
Ousmane leur a simplement dit : « Ne faites pas de cadeaux aux enfants car ces
cadeaux-là ne produisent rien de bon pour l’avenir, par contre nous avons besoin
d’apprendre, il nous faut des conseils pour transformer le lait en formage et
d’autres choses encore qui ne sont pas de notre tradition d’éleveurs nomades. »
Car pour Ousmane et Doudou, « la solution, c’est beaucoup d’échanges de
savoir-faire et un peu d’argent pour amorcer, jamais d’argent comme solution
durable ».
Touchés par les idées et les paroles d’Ousmane et Doudou, Jean-Pierre et
Martine retournèrent en France en faisant la promesse de revenir avec ce savoirfaire.
C’était en 1995 et le début d’une collaboration qui se poursuit encore
aujourd’hui.
Au bout de deux ans, le couple revint au village, accompagnés d’une
quinzaine de personnes mobilisées pour venir enseigner aux villageois leurs
compétences en matière d’élevage, de jardinage, de santé et d’éducation.
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Peu de temps après, les premiers essais de fabrication du fromage furent
très concluants, laissant espérer des ventes bénéficiaires. Quinze fromages
étaient ainsi fabriqués chaque jour puis revendus dans les restaurants de Saint-
Louis.
Les femmes furent libérées du transport du lait jusque dans les villes et purent
ainsi se consacrer à d’autres activités comme la couture et le batik qui
permettaient de fabriquer des vêtements ensuite revendus aux touristes de
passage ou sur les marchés.
Puis, très vite, la mise en stabulation des animaux permis de mieux gérer le peu
d’herbe disponible, et d’améliorer la qualité et la quantité de lait produit.
Grâce à un agriculteur, les villageois apprirent à cultiver un potager de légumes
en zone désertique avec des engrais naturels nés des fosses à composte.
Djeynaba, la femme d’Ousmane, appris les bases des soins médicaux à donner
aux villageois et en particulier aux enfants et aux femmes enceintes.
De plus en plus d’enfants allaient à l’école et des cours pour adultes furent
organisés afin de lutter contre l’analphabétisation.
Des bâtiments en dur furent construits avec un peu de ciment et des
coquillages comme gravier afin d’accueillir les différents ateliers de fabrication
(maçonnerie, ferronnerie, ébénisterie, batik, etc.)
Les relations d’amitié entre les peuls et les Français se fortifièrent et c’est
dans un élan commun que des projets furent pensés et discutés, la maîtrise
d’oeuvre étant toujours laissée aux villageois.
Deux ans plus tard, en 1999, Jean-Pierre et Martine retournèrent à nouveau au
village, accompagnés de dix-huit personnes afin de planter un millier d’arbres
avec les habitants de Guélackh pour faire barrière à l’avancée du désert.
Les années passaient et, petit à petit, le village se transforma et s’organisa
progressant sans cesse dans ses techniques agricoles et éducatives.
Le gouvernement sénégalais d’Abdoulaye Wade appris ce qui se passait
dans ce petit village peul perdu au milieu du Sahel et porta un intérêt croissant à
l’expérience. Des ministres rendirent visite au chef du village et bientôt
Guélackh fut promu village pilote.
De proche en proche, c’est une dizaine de villages de bergers peulhs qui
commencèrent à profiter de cette évolution.
Et c’est ainsi que toute une zone du Sahel commença à sortir peu à peu du sable
et de la misère.
Par ailleurs, l’amitié grandissante avec les Français permis à Ousmane,
Doudou et leurs femmes de venir en France approfondir auprès d’experts
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l’apprentissage de techniques relatives à l’élevage des animaux, à l’agriculture, à
la santé et à l’éducation.
Ils apprenaient ainsi les techniques et les transmettaient aussitôt afin de les
mettre en place au sein du village avec les moyens dont ils disposaient.
Au bout de six ans, en 2001, accompagnés de dix personnes, Jean-Pierre
et Martine revinrent à Guélackh afin d’installer avec les villageois une pompe à
eau solaire qui permis d’arroser les jardins qui se multipliaient, sans la
contrainte de devoir tirer l’eau à la main.
Un centre de formation pour adultes ouvrit permettant aux populations des
villages voisins de venir apprendre des savoir-faire et des techniques qu’ils
pourraient à leur tour appliquer aux besoins de leurs propres villages.
Depuis, le village ne cesse de se développer dans tous les domaines, l’eau
ne manque plus, l’hygiène a progressé, la mortalité diminuée, et l’avancée du
désert a été considérablement freinée.
Tous les enfants de Guélackh et un grand nombre de ceux des villages
voisins sont scolarisés, c’est-à-dire environ deux cents enfants. De plus, une case
éveil s’occupe de l’éducation des plus petits grâce à des jeux d’éveil et
d’adresse. Voulant encourager l’expérience menée à Guélackh, le gouvernement
sénégalais a nommé un, puis deux, puis quatre instituteurs.
L’internat accueille désormais une quarantaine d’enfants défavorisés et le centre
de formation permet d’enseigner différentes techniques aux jeunes et adultes des
villages environnants.
Une épicerie ainsi qu’une case de direction avec un comptable et une
bibliothèque ont ouvert.
De leurs côtés, les Français continuent régulièrement à venir aider les
gens de Guélackh. Ils savent qu’un jour, le village n’aura plus besoin de leur
aide. Ils ne viendront plus alors que pour le plaisir de rendre visite à leurs amis.
Mais pour le moment, le travail continue là-bas et de nouveaux projets se
mettent en place.
Du fait de la multiplication du nombre de jardins, les besoins en eau augmentent
encore. C’est pourquoi, la population a décidé de trouver une solution pour
pomper de l’eau dans un bras du fleuve Sénégal qui passe a proximité.
Par ailleurs, afin de renouer avec leurs traditions, le village a le projet de
mettre en place un jardin de plantes médicinales traditionnelles qui permettrait
de soigner un certain nombre de maladie de manière naturelle et peu coûteuse.
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De plus, pour la première fois, le village va voir trois des jeunes éleveurs
formés à Guélackh, retourner dans leurs villages respectifs afin de s’installer et
de mettre en place leur propre exploitation agricole.
Aujourd’hui, Guélackh est véritablement un village ressuscité du sable et
de la pauvreté et son exemple se répand dans toute cette zone du Sahel.
En tout, ce sont environ deux mille personnes dont le destin se transforme
progressivement.
Certains villageois, partis il y a longtemps pour les villes reviennent au village et
ceux dont le seul espoir avait été d’envisager d’envoyer un des leurs en Europe
renoncent à ce genre de projet pour tenter de construire ici, chez eux.
Plus que jamais, Ousmane et Doudou conçoivent le développement de
leur village (et des autres) « dans des rapports d’homme à homme, et non dans
des systèmes dans lesquels les hommes d’en bas restent broyés sans liberté
d’entreprendre. »


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