En 1789, le peuple et les bourgeois français faisaient la révolution. La
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen marquait alors (pour faire
court), un espoir sans précédent. Dès lors, et même si ces idées devaient
faire leur cheminement sinueux (l’esclavage n’aura été aboli en France qu’en
1848), pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’être humain
n’était plus considéré ni comme un objet, ni comme un animal. Pour
l’aristocratie, il s’agissait (et s’agit toujours), sans doute, d’une "anomalie
de l’histoire. Le peuple devant être au service de ses maîtres, il n’est pas
autorisé à penser, circuler librement, s’exprimer, voter... Gageons donc
que cette même aristocratie n’aura jamais digéré ni accepté cette déclaration,
ainsi que le principe de démocratie. Mais le mal était fait, les idées issues
des travaux des bourgeois du Siècle des lumières avaient fait leur chemin, et
avaient été insufflées dans les esprits.
En 1945, commencent les 30 glorieuses. L’économie de guerre laisse place à
l’économie de marché. C’est le début de la société de consommation. L’objectif,
créer des besoins dits “tertiaires” pour refourguer un maximum de produit de
consommation au petit peuple (émergence de la classe moyenne). Le but, celui qui
a toujours été le même de la part de la classe dirigeante : régner ! Il
s’agissait de persuader le commun du mortel que sa névrose n’avait d’autre
source que le manque de possession d’une voiture, de fringues dernier cri, de
magnétoscope, de variété sur vynil, de chaîne Hi-Fi, de caméscope, de téléviseur
16/9 (dès le début des années 90, alors que le format 16/9 en émission ne
commencera qu’à peine en 2006), de téléphones portables, d’ordinateurs... Tous
ces produits censés soigner nos malheurs, nos dépressions, nos tristesses, nos
névroses ; étaient également censés nous faire oublier toute velléité. Et ça
marchait bien. Super bien même. On vendait des chewing-gums qui lave les dents,
des Xantia diésel, du TF1... Le bonheur pour l’aristocratie qui avait (un peu)
retrouvé de ce qu’il avait perdu en 1789.
Puis, vint la fin des années 90, avec une erreur fatale de la part de ceux
qui pensaient nous refourguer une merde de plus, qu’ils auraient voulu briller
par son caractère débilitant. Ils pensaient nous refiler une connerie de plus du
style des forfaits GSM (faut dire que pour appeler sa meilleure amie qu’habite à
500 mètres et lui raconter qu’on est en train de marcher dans la rue, c’est
pratique). Une daube de plus qui avait l’avantage d’avoir été la possession de
l’armée, et qui permettait, comme la télé, de contrôler les espaces disponibles
du cerveau, et comme les forfaits GSM, de contrôler les échanges entre les
fortes têtes et autres récalcitrants au système. Cette chose, qu’ils voulaient
être un produit de consommation de plus, c’était Internet ! Malheureusement pour
eux, tout ne s’est pas déroulé comme prévu. Ce qu’ils souhaitaient être un
Minitel géant, se transforma en une plateforme gigantesque d’échange entre les
cultures, de partage des compétences (le boucher pouvait apprendre comment
changer une sphère d’amortisseur de sa Xantia diésel grâce aux conseils d’un
mécanicien passionné ; le technicien en CAO / DAO pouvait apprendre comment
nommer et traiter les pustules qui surgissaient ses parties intimes grâce aux
conseils éclairés d’un étudiant en médecine ; la grand-mère à la retraite
pouvait échanger ses conseils de cuisine traditionnelle avec la femme
active...), bref, l’on assistait à une mutualisation des compétences. Premier
point noir pour l’aristocratie contemporaine, son bétail allait se passer de son
outils, la société de consommation. Le deuxième point noir, était qu’ayant mis
entre les mains du petit peuple l’outil du numérique, celui-ci allait s’en
servir en tant que tel : en répliquant à l’infini. He oui, le petit peuple était
attiré par l’un des apanages de la classe supérieure, l’accès à la culture !
Ceci constituait un double danger : le petit peuple aurait moins consommé les
merdes de variétés ou de rap qu’on lui refourguait, mais pire encore, il se
cultivait et s’instruisait en téléchargeant illégalement l’Encyclopaedia
Universalis, l’intégral de Montesquieu, de La Bruyère et de La Fontaine, ou les
plus beaux films de Felini, et en échangeant non plus des conseils pratiques,
mais des idées (comme sur Agora Vox).
Ce fût littéralement intolérable, ainsi, l’aristocratie demanda à ses petits
pions habilement placés de-ci de-là, de faire “voter” des lois pour reprendre
les choses en main. Le fantasme de tous les dictateurs de l’Histoire était,
entre autres, d’avoir un “oeil” et une “oreille” dans chacun des foyers de la
nation qu’il martyrisait. Qu’à cela ne tienne, se dirent les petits pions, nous
ne sommes pas des dictateurs, mais nous allons réaliser l’un de leurs
fantasmes.
Naquirent des projets de loi et lois aussi grotesque qu’en inadéquation
totale avec le secteur qu’elles étaient censées protéger. Ces initiatives
portaient tantôt le nom de “DADVSI”, tantôt de “LOPSI« , tantôt d’ »Internet et
création" . Leur raison d’être ? Éradiquer ce qu’ils considèrent, à n’en point
douter, comme un odieux affront à leur rang, comme une erreur de parcours dans
l’Histoire des Hommes. En parallèle à ces initiatives, d’ailleurs menées par des
hommes de pailles littéralement ignares en matière de nouvelle technologie (Renaud Donnedieu
de Vabres, Christine Albanel, Frédéric
Mitterrand), les lobbyistes feront des sorties régulières pour fustiger
Internet (Séguéla ira jusqu’à dire que "le Net est la plus grande saloperie
jamais inventée par les hommes", donc je suppose que les camps de concentration,
les génocides, le Napalme, et l’Aspartame, ça vient après pour ces gens-là) ; et
l’on assistera à diverses tentatives, dont certaines extrêmement
fructueuse, visant à convertir le Net en un Minitel géant. Twiter et surtout
Facebook (Facebook, ou l’histoire des citoyens qui font le boulot des
renseignements à leur place), en est la preuve.