Ça, ce n’est pas une information à prendre à la légère !
Quel que soit le sentiment que l’on nourrisse à l’égard des militaires, il ne
fait pas de doute que l’État-Major a pris toute la mesure de sa dépendance au
pétrole et va tout faire pour en sortir afin assurer le fonctionnement des
forces armées après pétrole. Il se donne trente ans et son plan est applicable
dès aujourd’hui.
Que se passe-t-il pendant ce temps dans la société civile
face à ce même défi ? Quasiment rien ! C’est pourtant autrement plus grave sur
le plan économique et social que la paralysie qui pourrait frapper une armée.
C’est vrai, il semble qu’une timide prise de conscience
collective commence à émerger sur le fait que nous allons, un jour,
connaître l’épuisement des ressources en pétrole et, plus généralement, en
énergies d’origine fossile. Toute la question est contenue dans ce "un
jour". Pour beaucoup, concernant le pétrole, c’est dans une
quarantaine d’années. Cette idée repose sur le fait que, au rythme constant de
la consommation actuelle, nous avons des réserves qui nous permettent de
« tenir » 40 ans avant l’épuisement complet de cette ressource et donc
qu’il n’y aura pas de problème avant 2050. Ce scénario est bien sûr totalement
faux ; même si les occidentaux parviennent à réduire leur consommation tout en
tablant sur une reprise d’activité économique comme le rêvent les économistes,
la demande globale ne fera qu’augmenter, poussée par le développement des pays
d’Extrême-Orient et d’Amérique du sud. Sachant que dans les milieux bien
informés il se confirme que la capacité technique d’extraction du pétrole est proche
de son maximum et qu’elle ne peut que décroître ensuite, des tensions majeures
apparaîtront nécessairement dès que ces deux courbes (production, demande) se
croiseront. Il n’est pas possible d’imaginer un monde dans lequel la
consommation puisse être supérieure à l’offre. Que se passera-t-il à ce moment
là ? Probablement tout sauf un parcours serein jusqu’en 2050.
Le recours au charbon, nous dit-on, en négligeant les
sérieux problèmes de pollution qu’il soulève, permettra de nous passer du
pétrole et nous assurera une énergie pour au moins un siècle puisque l’on peut
tout faire à partir du charbon. Certes, mais c’est reproduire la même erreur de
raisonnement. Le charbon ne peut nous donner objectivement un répit que le
temps d’une génération, tout au plus. Est-ce suffisant pour que les énergies
renouvelables prennent le relais ? Dans les scénarios les plus optimistes,
quantitativement et qualitativement, la réponse est non. Reste une hypothèse,
qui pour l’instant relève du rêve ; que pendant le sursis qui nous reste, le
génie humain ait le temps et les moyens (techniques et financiers) de mettre au
point et de mettre en application généralisée des techniques exotiques (énergie
du vide ? énergie contenue dans l’eau ? fusion nucléaire ? et j’en passe ….) dans
lesquelles le bilan énergie entrante - énergie sortante soit positif en
quantité et en qualité suffisante, en complément des renouvelables, pour compenser l’immense déficit d’énergie
laissé par l’épuisement des énergies fossiles. Je vous laisse deviner les
chances de réussite d’une telle conversion si l’on attend le dernier baril de
pétrole et la dernière tonne de charbon pour entreprendre ce gigantesque
chantier.
Sans faire de catastrophisme, le réalisme, le simple bon
sens voudrait que nous prenions en compte ces contraintes physiques dès
aujourd’hui et que nous nous efforcions de devancer la crise annoncée. En
prenons-nous le chemin ? Apparemment non. Ce ne sont pas des correctifs
symboliques à la marge dans un monde inchangé qui résoudront le problème.
Réorganiser complètement la vie économique et sociale paraît inévitable. Il
nous faut procéder différemment, concevoir autrement nos biens matériels et
leur usage, notre habitat, notre urbanisme, notre façon de nous déplacer, notre
organisation de production et d’échange. Oui, c’est bien une révolution dans
nos habitudes et nos mentalités dont il s’agit. Les dirigeants politiques et
les responsables d’entreprises ont un système de pensée auquel on ne peut faire
confiance ; obnubilés qu’ils sont par des résultats à court terme, ils sont
pour la plupart inaptes à se projeter dans le long terme. En ne prenant pas
volontairement l’initiative de ces mutations, nous prenons le risque qu’elles
nous soient imposées par une succession de crises de tous ordres, avec en prime
comme par le passé, de possibles conflits armés. Nous regretterons alors
d’avoir été des spectateurs passifs aux résolutions que prennent les militaires
aujourd’hui.
Conclusion : la même que celle à laquelle parvient l’auteur
de l’article. Ne pouvant faire confiance aux dirigeants, le meilleur pari
paraît être de commencer maintenant à un niveau où la démocratie peut encore avoir un sens
concret et une pleine légitimité, à
savoir au niveau local, au contact même du citoyen recouvrant à cette occasion
sa capacité à prendre son avenir en charge.