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Commentaire de rahsaan

sur Et si le Goncourt n'était qu'un « sous-non Renaudot » ?


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rahsaan 24 novembre 2010 15:33


Une discussion très riche. C’est rare. 
Je rebondis sur plusieurs points abordés.

Pour lire Nabe, on peut partir de Rideau et tourner autour. Plus qu’un pamphlet, c’est tout un programme littéraire et vital qui s’y trouve construit. Passer par toutes les formes à la disposition pour faire passer ce qu’on a à dire : roman, pamphlet, nouvelle, poème, tout est bon... C’est ça qui est moderne. 
Et le livre, quel que soit son genre, n’est qu’une conséquence, pas un but en soi. Un livre pour Nabe est un acte, « et tant pis cet acte a encore l’air d’être un livre ». La Littérature, c’est de ne pas tomber dans les livres, de se complaire narcissiquement dans leur écriture. Pensée directe, qui a besoin de toutes les transpositions pour s’exprimer. 
Alors bien sûr, en ce sens, tout est Journal, oui. Mais Journal du passé lointain, Journal du présent le plus immédiat ou Journal de l’Eternité... Il faudrait préciser pour chaque oeuvre. Par exemple, de quoi Loin des Fleurs« est-il le Journal ?

Réciproquement, c’est le même effort que doit fournir le lecteur, pour arrêter de se prendre pour le lecteur. 
Chaque livre doit ainsi être la conséquence de ce processus de renouvellement de l’écrivain par son écriture. Ce n’est pas un hasard si Nabe aime Les métamorphoses d’Ovide : il en vit plusieurs à chaque nouveau livre. Et c’est au lecteur de se métamorphoser en conséquence, de ne pas se reposer sur son confort de lecture, parce que le livre n’est pas fait pour lui ! C’est au lecteur de se disposer à lire le livre, pas à l’auteur de lui servir sa ration annuelle de »culture« . 

A chaque livre, Nabe cherche à en finir avec quelque chose, à le »tuer" : Au régal des vermines, ce sont les années 80 ; le Bonheur, c’est la fin de Marseille ; Rideau, le Spectacle ; Je suis mort, c’est l’écrivain ; Alain Zannini, l’identité etc.
A chaque livre, il faut retrouver la victime. 
Et en même temps qu’il y a cette mort, il y a une naissance ou une résurrection. Le Régal, c’est l’écrivain qui pousse son premier cri ; Le Bonheur, c’est l’enfance retrouvée avec le soleil ; Alain Zannini, c’est la révélation de soi etc. 
Au lecteur de savoir pour chaque livre ce qui doit mourir et naître en lui, s’il veut comprendre quelque chose à ce qu’il lit. C’est là qu’est la littérature : personnages, intrigues et structure sont au service de ce dévouement à une beauté et une vérité dont l’écrivain veut accoucher.

Donc il faudrait appliquer le même traitement à L’Homme qui arrêta d’écrire. Nabe a tué les années 2000, mais qu’a-t-il fait naître ?... Voilà une bonne question.


Dans tous les cas, il y a une transposition à retrouver. C’est le maître mot. Chaque est écrit dans un genre et en transpose un autre : le Journal est écrit comme un roman, Alain Zannini comme deux journaux superposés, L’Homme qui arrêta d’écrire comme une nouvelle, Rideau est un pamphlet qui vire au traité poétique...
Personnage, structure romanesque, châtiments, références, métaphores, citations : tout est transposé ! La littérature, c’est ce qui transpose. 
Nabe est romancier pour autant qu’il fait autre chose en même temps. Le maître-mot, l’acte vraiment libre de l’écrivain, dans son expérimentation, c’est : transposer. 

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