Et en guise de post-scriptum, concernant l’Armée française, voici ce que j’écris, par exemple, dans L’Amor est morte, De la « décolonisation » et de l’avenir franco-africain :
" (...)
L’Armée et l’Afrique
Aux Africains, leaders
et populations, et aux Français de métropole, pour aussi étonnant que
cela puisse paraître, s’ajoutait une troisième force favorable à l’unité
dans l’égalité : l’Armée. Car mère de l’Empire, l’Armée soutenait
d’instinct l’unité franco-africaine.
Il est vrai
qu’historiquement, de Faidherbe à Lyautey en passant par Savorgnan de
Brazza, les innombrables commandants de Cercle dont Amadou Hampâté Bâ a
dressé une galerie de portraits haute en couleurs subtiles et ravageuses
dans ses ouvrages de souvenirs (23), l’Empire était, dans une large mesure, le « bébé » de l’Armée (24).
Pour
cette raison, en plus de la fraternité des armes dont elle était le
meilleur témoin, l’Armée des années 1950 était, par idéalisme ou par
pragmatisme, ralliée sinon ouverte à l’idée d’égalité.
Davantage encore, elle était favorable à la justice sociale au profit des « indigènes » (25). (...)
Notes :
(...)
(23) Lire en particulier Oui Mon Commandant ! et L’étrange destin de Wangrin.
(24)
Au premier rang des fondateurs conquérants de l’Empire français, deux
figures atypiques, Savorgnan de Brazza et Louis Faidherbe. Ce dernier, «
républicain (…), sympathisant avec les mouvements antiesclavagistes
de surcroît, (...) offre une personnalité complexe, à mi-chemin entre
Bugeaud dont il reprit les méthodes et V. Schœlcher avec qui il se lia
d’amitié. » in L’Afrique occidentale au temps des Français, Monique Lakroum, p. 164, La Découverte, 1992. « Louis
Faidherbe (1818-1889), gouverneur du Sénégal (1854-1861 et 1863-1865),
chef militaire et administrateur de haute valeur, il organisa la
colonie, pacifia le haut Sénégal, où il (...) reconstruisit Saint-Louis
et fut le véritable créateur de la ville et du port de Dakar
(1857). » (Larousse) Faidherbe recruta des esclaves qu’il avait
affranchis en les arrachant à leurs maîtres africains, et créa le corps
des tirailleurs sénégalais, fer de lance de la conquête de la future
AOF. Car l’Empire français en Afrique occidentale et saharienne fut en
grande partie, aussi, une œuvre sinon de l’Afrique, en tous cas de très
nombreux Africains, puisque les troupes qui conquirent la plus grande
partie de l’AOF, jusqu’au Maroc, étaient essentiellement composées de
soldats noirs.
(25) « Nous pouvions conserver dans la France une
Algérie, indépendante, sorte de dominion sans apartheid, sans
exploitation de l’Arabe par l’Européen, sans favoritisme, sans
paternalisme, quelque chose qui n’aurait plus été une province mais un
pays libre où deux races auraient pu vivre dans l’égalité sinon dans
l’identité, dans la compréhension sinon dans l’amitié, chacun étant
citoyen français comme au temps d’Auguste où Grecs, Hébreux, Gaulois,
Ibères et Germains étaient, au même titre qu’un Italique, citoyens
romains » Raoul Salan, « Pourquoi ai-je rejoint le putsch d’Alger ? » in Historia n° 293 avril 1971. (...) «
A chacun de juger si cette analyse cherche à »salir" l’Armée française, ou à rendre compte, le plus objectivement possible, de ses positions de l’époque sur la question ultramarine.