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Commentaire de Michel Tarrier

sur Qui a peur des écologistes ?


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Michel Tarrier Michel Tarrier 9 octobre 2011 09:54

Réponse documentée à l’intox de l’interlocuteur mal intentionné précédent…
(En deux partie en raison de la longueur...)

PARTIE 1

Faire de l’écologisme un crime contre l’humanité

La légende de l’intégrisme écologique nait le plus souvent d’une infâme désinformation. En voici un piètre exemple qui prétend faire incomber le regain du paludisme à la prohibition du DDT (dichloro diphényl trichloro-éthane) pour cause d’une lubie écolo remontant au temps innocent des seventies.

Le paludisme, ou malaria, affecte l’homme, les singes et les oiseaux. Connue depuis plus de 50.000 ans, la maladie est identifiée comme un agent pathogène humain antédiluvien. Elle est causée par un parasite protozoaire du genre Plasmodium dont la femelle du moustique anophèle est le vecteur. La malaria était depuis l’Antiquité commune en des contrées où elle a désormais disparu, comme en Europe et en Amérique du Nord. En Angleterre, la mortalité qu’elle provoquait était comparable à celle que l’on connaît actuellement en certains pays africains. Des 400 à 900 millions de cas contemporains de fièvres, on dénombre plus de 3 millions de décès annuels survenant en Afrique subsaharienne, équatoriale et australe, en Asie, ainsi qu’en Amérique latine. 40 % de la population mondiale habitant des pays tropicaux parmi les plus pauvres du monde sont ainsi exposés au paludisme. Accuser l’écoconscience fraîchement débarquée d’un tel fléau, d’une telle hécatombe relève donc de la plus haute gravité, si ce n’est de la calomnie la plus infecte.

Les prêcheurs de l’apocalypse (1907) est un livre qui ne ménage pas sa mauvaise fois pour accabler le grand réveil de conscience universelle qu’est l’écologisme. Le parti pris du livre n’a rien d’étonnant puisque son auteur, Jean de Kervasdoué, est un thuriféraire de l’establishment, titulaire de la chaire d’économie et de gestion des services de santé au Conservatoire des arts et métiers, membre de l’Académie des technologies, ancien directeur des hôpitaux publics en France. De tels galonnés sont de ceux qui peuvent tout autant inciter au déni du sang contaminé, du scandale des hormones de croissance, des maladies nosocomiales, que de cautionner la dictature vaccinale qu’on nous inflige au détriment de notre immunité naturelle…, liste interminable portant sur la santé publique prise en otage par les gardiens du grand capital.

Pour ce qui est du fléau du paludisme, l’auteur mandarin balance page 80 de son dernier livre la calomnie suivante : «  Qui a conscience que des dizaines de millions d’enfants sont morts parce que des ornithologues amateurs de Long Island, aux États-Unis, ont conduit à interdire le DDT pour protéger les oiseaux sauvages de cette villégiature privilégiée des New Yorkais ? » L’accusation n’est pas nouvelle puisqu’elle présida, dans les années 1960, au combat pionnier de Rachel Carson, l’auteure du célèbre Printemps silencieux, contre les pesticides de synthèse. Robert White-Stevens, biochimiste mercenaire de la société American Cyanamid vilipendait déjà ainsi l’écrivaine écologiste : « Si l’homme devait suivre les enseignements de Miss Carson, nous retournerions au Moyen-âge, et les insectes, les maladies et la vermine hériteraient une nouvelle fois de la Terre  ». Les conservateurs de l’époque n’avaient pas encore recours à une syntaxe aussi gratinée qu’aujourd’hui, calomniant leurs opposants de fondamentalistes et autres « écofachos », mais ils tentèrent de discréditer Rachel Carson en l’accusant stupidement et simplement d’être communiste ! L’anathème à l’encontre de Carson repris bien après sa mort, dès le début des années 2000, où on lui fit supporter la responsabilité de 100 millions de morts. Un détail d’importance : Rachel Carson n’avait jamais appelé à l’interdiction globale du DDT, mais seulement à une limitation de son emploi. Ce que ses enquêtes révélèrent ne portaient que sur l’inconscience des épandages à grande échelle et aux conséquences écologiques et humaines désastreuses, et donc à un usage plus soucieux. Carson accusait l’industrie chimique d’une vile recherche de profit en se livrant intentionnellement à la désinformation et les pouvoirs publics d’obtempérer aux ordres économiques sans le moindre principe de précaution. Rien n’a vraiment changé aujourd’hui, à en croire les campagnes de déni et le très puissant lobbying des groupes agrochimiques et semenciers, d’autant plus que nous ne sommes plus aussi enclins à une même remise en cause du paradigme du progrès scientifique comme c’était le cas dans la culture nord-américaine d’après-guerre. Dans la foulée de l’époque, des scientifiques américains créèrent en 1967 le fond de défense de l’environnement (Environmental protection Agency), poursuivirent les fabricants de DDT et après un long combat obtinrent en 1972 l’interdiction de sa production et de sa commercialisation de la part de l’OMS. On ne déversera plus de DDT ni sur les terres africaines, ni ailleurs. Encore en 1992, lors de la conférence de Rio, le DDT fut qualifié de grave menace et classé comme POP (polluant organique persistant). Mais le paludisme se développera de plus bel et, en l’absence d’un autre remède, l’hécatombe finalement reconnue en 1998 autorisera certains à pourfendre l’écologisme qualifié de criminel en déclarant que des millions d’enfants sont sacrifiés aux oiseaux. Quelle est la vérité ?

Si les écologistes de terrain avait certes constaté à l’époque que les hautes concentrations de DDT rendaient excessivement mince les coquilles des œufs de certains oiseaux de mer, tels que les petits pingouins, les guillemots et les pygargues à queue blanche…, mais cela n’était qu’un épiphénomène qui à lui seul ne motiva pas la condamnation du DDT. Bien d’autres aspects de la nocivité dramatique du pesticide utilisé aveuglement motivaient l’alarme. On peut lire l’anecdote édifiante des conséquences en chaîne de cet usage dans 5.000 jours pour sauver la planète d’Edward Goldsmith & al., et la résumer succinctement ainsi. Pour tenter de faire disparaître la malaria à Bornéo, l’OMS entreprit une grande campagne de pulvérisation de DDT. Le nombre de moustiques diminua vite de façon spectaculaire. Mais de nombreuses autres espèces furent intoxiquées, et parmi elles une minuscule guêpe, prédatrice des chenilles qui vivent dans le chaume des maisons locales. Une fois les guêpes décimées, le nombre de chenilles prit les proportions d’un véritable fléau : dévorant le toit des maisons, elles provoquèrent leur effondrement. Le programme de pulvérisation du DDT ne s’en poursuivit pas moins… Seconde conséquence néfaste, les cadavres des moustiques servirent de nourriture aux geckos qui, malades et affaiblis, devinrent une proie facile pour les chats du pays qui accumulèrent dans leurs tissus de fortes concentrations du DDT. Les chats trépassant par milliers, les rats de Bornéo connurent alors une véritable explosion démographique. Ces rongeurs dévorent les récoltes locales, mais sont surtout porteurs d’une menace bien pire : la peste bubonique. En désespoir de cause, le gouvernement de Bornéo demanda qu’on parachute des chats dans les régions les plus atteintes. Les moustiques, maintenant résistants aux insecticides, réinvestirent les zones vaporisées au DDT et la malaria y sévit toujours. Les millions d’enfants morts ne le furent pas à cause des ornithologues ou autres écologistes, mais bel et bien du fait de l’intégrisme chimiste ayant bombardé sans aucune retenue son poison pour se remplir les poches.


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