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Commentaire de Pierre Victurnien

sur Revolution dans l'édition littéraire


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Pierre Victurnien 13 octobre 2011 17:33

Article intéressant à plus d’un titre....


Pour commencer, je suis heureux de pouvoir me faire l’avocat du diable et de défendre les éditeurs, moi qui pourtant n’essuie que des refus de leur part depuis quelques années, que cela concerne mes romans ou mes poèmes. 
Pour autant, je trouve votre article quelque peu naïf... Il est évident qu’une maison d’édition est avant tout une entreprise et à ce titre, doit faire du chiffre d’affaire et du profit, d’abord pour payer ses charges et ses employés, ensuite pour gagner de l’argent. Comment leur reprocher cela ?

Auparavant, des mécènes finançaient les artistes (monarques, empereurs, élites) sans demande de rentabilité mais il faut voir à quel prix et les auteurs y perdaient également en liberté de parole et de ton. 

Depuis la prise d’indépendance de l’artiste vis-à-vis des puissants (le fameux 14 juillet de Mozart), l’artiste est en théorie libre d’écrire ce qu’il veut, mais à sa charge de se faire connaître. Ne disposant plus des fonds illimités de mécènes, l’écrivain doit aujourd’hui présenter des livres « qui se vendent », ce qui me paraît normal. D’ailleurs, l’exigence ne vient pas seulement de l’éditeur, mais l’auteur a-t-il envie d’écrire des livres qui ne se lisent pas ? 

Il est tout aussi naïf de votre part d’épingler des sociétés d’édition telles que Flammarion ou Gallimard dont un éditeur me disait récemment au téléphone qu’ils sont « connus » pour rater tous les grands manuscrits. On sait bien que ces maisons ne publient que des grands auteurs du passé et concernant le présent, des livres très vendeurs, d’écrivains célèbres... A vous de refuser cela et de ne pas présenter vos manuscrits à ces éditeurs. On ne peut critiquer par frustration de ne pas avoir eu la porte ouverte chez eux. En tous cas, je ne rêve pas d’être publié dans ces maisons d’édition qui sont les chantres du système actuel. C’est ça aussi l’éthique de l’écrivain. 
Vous parlez de « Révolution de la littérature », je crois que la première consiste dans la morale de son auteur et que rêver d’être publié dans ces énormes entreprises ne doit pas être la préoccupation première du créateur. 

Quant au site dont vous parlez, il en existe de nombreux qui proposent de vendre sur commande, l’initiative est assez bonne mais elle pose le problème de la « valeur » littéraire. Tout et n’importe quoi peut être publié et je ne pense pas que ça rende toujours justice à l’auteur.

Etre publié par un éditeur reste une marque de choix et montre que l’oeuvre a attiré un oeil, aussi subjectif soit-il.
La solution consiste souvent, donc, à trouver une petite maison d’édition, qui partage l’éthique de l’écrivain.
L’histoire d’un livre, c’est souvent l’histoire d’une rencontre entre un auteur et un éditeur, comme Poulet-Malassis et Baudelaire par exemple. 

Après, je ne cache pas qu’il est extrêmement difficile de se faire publier, que toutes les initiatives sont bonnes (ainsi la vôtre), mais de toute façon, c’est un luxe, il faut le comprendre ainsi, et ce ne doit jamais être la préoccupation première de l’écrivain, qui doit avant tout créer, réfléchir le monde et mettre la littérature en mouvement. Le passage à l’édition est certes l’étape la plus dure, je crois qu’il faut accepter que cela puisse nécessiter plusieurs années, plusieurs dizaines d’années... Je ne sais plus quel écrivain disait à ce propos : « Ce sont les cent premières années les plus dures, après ça va ! »

Bien à vous. 

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