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Commentaire de Jafar Spitilik

sur « The Artist », film de bon élève


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Jafar Spitilik Jafar Spitilik 27 octobre 2011 09:46

Personne, dans le concert de louanges unanime, n’a prétendu que Hazanavicius était Murnau ou Dreyer et que son film était digne de l’Aurore ou de Ordet...

Effectivement, c’est un film de bon élève, un bon film d’artisan, et c’est déjà pas si mal. On passe un moment agréable, léger, un peu hors du temps, souriant souvent. Pas de grandes émotions mais une empathie pour les personnages qui dépasse la simple identification habituelle.

Donc, je rejoins assez l’avis de JL1 : ce film ne mérite pas une palme mais pas non plus l’indignité. C’est juste un bon petit film du milieu, très malin, qui attire les foules grâce à Dujardin et H. et à un marketing efficace. Oui, ma salle était pleine, aussi. Et alors ? Ce n’est pas désagréable, de temps en temps. Et si ça peut donner envie d’aller faire un tour du côté des chefs d’oeuvre de l’époque, pourquoi pas ?

J’ai donc passé un moment agréable, sans plus. Et j’ai été assez stupéfait par le jeu des acteurs. Dans certaines scènes, avec leurs démarches mécaniques et leurs gestes trop appuyés, on croirait vraiment qu’il y a un problème dans la vitesse de la bobine.. Je retiens les mêmes scènes que vous, en gros ; celle du mari tentant de faire sourire sa femme à table, alors qu’elle vient de le découvrir avec une jeune femme en une est aussi assez touchante.

En fait, si j’avais décidé de l’attaquer comme vous le faites, j’aurais poussé un peu plus loin le propos. Il y a dans ce film, et dans la stratégie marketing qui l’accompagne, non pas quelque chose de l’artisanat - les bons faiseurs, à ce niveau, restent très rares en France - mais un vieux goût rance de « bio », de retour aux origines, de fausse pureté, de tentative de recréer la magie des soupes de grand-mère. Vous savez, toute cette mode du « c’était mieux avant », d’habitude attachée aux années 50 et 60, et là transposée aux années 20 et 30. C’est à mon avis le seul angle sur lequel on peut vraiment démonter ce film : celui de la falsification du passé, de la régression post-adolescente, de la liqueur de Petit-Lu et du Rhum-Carambar. Essayez donc de vous saouler avec de la liqueur de Petit-lu, vous verrez l’état de votre tête le lendemain... C’est juste bon sur un dessert, pour créer l’illusion, le temps de quelques bouchées. Ce film, c’est un peu les boutiques urbaines haut-de-gamme à la portée du peuple - vous savez, celles où on paye 50 euros pour une boîte de sardines dans de l’huile, avec nom du chalutier et surnom de la fille du propriétaire de l’oliveraie marqués en petit, en violet, sur l’étiquette, d’une fausse écriture enfantine en script.

Donc, pour résumé : survendu, oui. Film de bon artisan, oui,mais c’est plutôt un compliment. Bon moment, sans « prise de tête » mais avec assez d’esthétique pour hausser un peu le niveau habituel. Plein de petites trouvailles rigolotes et l’ensemble emballé dans un paquet avec marqué « je suis un gros malin ». Sourires un peu forcés mais agréablement mélancoliques. Pas de quoi se réveiller la nuit, mais de quoi passer une bonne soirée de divertissement entre amis sans regretter les dix euros du ticket d’entrée.


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