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Commentaire de Christophe

sur La réapparition du loup en France


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Christophe 11 novembre 2011 00:48

Ce sujet sera toujours un lieu incompréhension entre ceux qui vivent sur la montagne de génération en génération, et les autres.

Il y a plusieurs manques dans cette présentation. Tout d’abord, pour les alpes, des inversions de faits sur le boisement/déboisement. La désertification n’est pas évoquée. Les difficultés de l’élevage du mouton non plus. Je ne pense pas que ca soit très différent dans les pyrénées. (s’il y en a qui ont des données....)

Pour avoir de la famille dans les hautes alpes (Champsaur, Devoluy, Valgaudemar), voici l’historique pour les hautes alpes
Les vallée étaient surpeuplées jusque dans les années 40, avec une très grande pauvreté. Le surpeuplement est très ancien, et est lié au fait que les alpes ont été de sanctuaires de liberté pour des peuples parfois pourchassés. (catarrhes, guerres de religion) Des communes très peuplées vivaient en autarcie complète, et en communauté (terres indivises, répartis chaque année, sans propriété individuelle, justice communautaire locale. Parfois des sortes de petites républiques issues du moyen age, et qui ont été intégrées très récemment dans le droit français). L’élevage du mouton était généralisé, et quasi seule source de revenus, le reste étant vivrier (autarcie). La déforestation était massive. Les pentes étaient broutées jusqu’en haut. Il y avait un maque de bois (surtout de bois d’œuvre, planches, charpente, etc...) Le Dévoluy, qui parait très boisé aujourd’hui était quasiment plat comme un golf sur les photos anciennes. Les routes d’aujourd’hui qui ne mènent parfois a rien, menaient a des villages, aujourd’hui expropriés et rasés, dont il subsiste parfois la seule chapelle.
Cette situation de surpeuplement et d’utilisation intensive a entrainé deux grandes déstabilisations des pentes, une première fois dans les années 30, une deuxième dans les années 40 (de mémoire). Dans la vallée du Valgaudemar, en un épisode, plus de la moitié des terres cultivables sont parties. Deux automnes pluvieux ont ruiné la vallée.
Des plans d’expropriation généralisés ont rayé de la carte des communes entières, à la demande des habitants. Exode qui a peuplé Gap et Grenoble. Les villages ont été rasés, et les pentes entièrement plantées par l’ONF. Cette organisation a permis de stabiliser la montagne.
Aujourd’hui, quelques éleveurs de moutons subsistent. Ce nombre est infinitésimal par rapport à ce que ca a été. Les vallées sont boisées, alors que ca n’était pas le cas depuis des générations.

On a donc obtenu une désertification de grands espaces, et un boisement assez massif. C’est une situation nouvelle.

Le loup était resté présent du coté italien, c’est une région boisée et peu peuplée ou il a toujours été présent. Suite a l’exode rural il s’est déplacé de plus en plus largement du coté alpin italien.
Le versant français s’étant désertifé et boisé dans les années 60, le loup s’y est répandu facilement en quelques années. Il n’y avait jamais été présent dans les vallées agricoles peuplées, depuis 1900 jusqu’à récemment. Ça c’est fait doucement au début, c’était assez furtif. Puis on a commencé a ramasser les moutons. Ça ne va pas au delà de la presse locale. Mais en faisant le bilan des articles du Dauphiné pendant l’année de mon service militaire comme chasseur alpin, 3 bêtes mordues par la, mais 10 dans le ravin, deux autres le lendemain etc etc..semaine après semaine, ca n’était plus négligeable sur les vallées du Champsaur. Chiffres confirmés par la suite. Si un loup se fait canarder par un local, on en parle davantage.

L’élevage en 2011 n’a rien a voir avec celui d’avant guerre. Pour des raisons économiques, on ne peut garder les bêtes comme autrefois. Elles ont été livrées a elles mêmes. Un raison est le prix ridiculement bas du mouton, soumis à la concurrence des moutons de nouvelle Zélande et autres.
La laine est devenue invendable, nous ne portons plus trop de pull en laine. (on préfère le PP recyclé, c’est plus écolo)
Pire encore, il faut tondre les moutons quand même (et couper les ongles), sinon ils sont malades. C’est très dur, ca prend du temps. Ça se paye. C’est un cout supplémentaire.
Le prix du mouton ne permet plus de payer un berger.

Le chien de montagne, (le patou) qui en impose au loup, coute cher (en bouffe). Il y a une subvention pour en avoir un, elle ne couvre pas tout, et surtout pas danger que cela représente. Cependant, le patou est dangereux et peu fiable. D’abord il fait ce qu’il veut. Ensuite, il est difficile d’être sur qu’il ne va pas croquer un mouton, même si on a pris soin de l’élever chiot au milieu des brebis. Enfin, souvent seul la haut, il réagit mal en présence des hommes. (randonneurs, mais aussi les bergers). Il y a de nombreux accidents. On ne sait pas trop ce qu’ils ont dans la tête.
Le patou est un chien assez spécial qui ne dégonfle pas face à une meute de loups. Il a plus de voix et leur en impose. Par contre les autres chiens domestiques, s’il tombent sur une meute, se font égorger.
Le patou n’est pas un chien de berger, mais plutôt un chien de garde ou de défense. Ça n’est pas dans ses gènes. Il n’est pas vraiment maternel avec, si je peux me permettre cette ellipse. Donc mettre un patou au milieu d’un troupeau, c’est assez anti-naturel, sauf si on veut le nourrir au mouton. Le patou n’est pas un gros gentil nounours.
Donc l’élevage des années 80 (mouton libre) n’est plus possible. Le berger permanent est trop cher. Le chien n’est pas fiable. Le parc et les bergeries, il faut y monter sans arrêt, ce sont aussi des frais non négligeables. (déplacer les bêtes, déplacer les parcs, vérifier, réparer, ramener les bêtes, nourrir les chiens. Ça empêche juste de travailler en bas.)

Quand aux indemnités pour les moutons morts : Quand les loups entrent dans un parc (ou dans un troupeau non parqué), les moutons sautent dans tous les sens. Le résultat est parfois : un mouton mangé, quelques mordus, et 10 moutons morts en sautant par dessus une barre rocheuse ! Les moutons morts dans les ravins ne sont pas pris en compte. Seul le mouton mangé l’est. Pour toucher l’indemnité, il faut que le mouton soit mordu. (donnée qui peut avoir changé depuis, si un lecteur pour confirmer ou infirmer...)
Les moutons restants sont traumatisés, et ne veulent plus se déplacer pour brouter et maigrissent au lieu d’engraisser : La campagne est foutue. Certains ont du redescendre le troupeau traumatisé, ce qui implique de le nourrir artificiellement, ce qui a un cout, évidement non pris en charge.
Je rappelle que le principe des estives, c’est d’avoir les troupeaux en altitude l’été, qui profitent d’une prairie qu’on ne peut exploiter, tandis que les prairies d’en bas servent a faire le foin pendant ce temps, qui suffit juste a nourrir le mouton l’hiver. Si on descend le troupeau, il faut acheter des aliments, ca n’est plus rentable.
Le mouton en pays de plaine est invendable à cause de cette différence.
Le manque a gagner est donc au delà de l’indemnité pour les moutons morts ou mordus.

Au niveau financier, l’élevage du mouton est donc devenu schizophrénique. Il faudrait zéro main d’œuvre pour s’en tirer, mais avec le loup, il faut faire plein de trucs en plus.

Ceux qui trouvent sympathique de voir des loups au niveau du concept ne sont pas les mêmes que ceux qui se demandent s’il ne vont pas pointer au chomedu après avoir vendu l’entreprise de famille pour cause de faillite.

N’oublions pas non plus que dans les vallées, ce sont les habitants qui ont tout édifié de leurs mains et en communauté. Les routes, canaux d’irrigation, et leur entretien a titre d’exemple : sans monnaie et en autarcie, en faisant les comptes par barèmes horaires, en fonction des possibilités de chacun pour que ca soit équitable. L’heure de travail de celui qui venait avec une pelle n’avait pas la même valeur que celle de celui qui venait avec une charrette et un âne. L’infrastructure de l’état n’a été primordiale qu’a partir de l’entre-deux guerres. Tout cela pour dire que les habitants qui restent, vivent sur des communes façonnées par les ancêtres sur plusieurs générations, et peuvent avoir une vie difficile. Ils n’admettent pas facilement qu’on vienne leur faire une morale de plage. On a du mal a comprendre ca quand on loue son appart et qu’on est salarié. Les enjeux sont différents.

Deux monde difficilement conciliables.

Ensuite, il y a des vallées vides. Certaines boisées, non peuplées, sans moutons. Des vallées ou seule l’ONF circule. Le loup doit y être, mais on n’en parle pas trop.

Je serais curieux de savoir, moi, si on a compté combien de loup a l’hectare il y avait dans une vallée vide, et combien dans une vallée peuplée ou il y a des estives. Ça serait couillon quand même qu’il y ai plus de loups autour des moutons et des villages que dans une vallée sauvage. Si c’est le cas, peut être que le mouton, ca l’intéresse...

Un dernier détail : L’abandon du mouton, pour les zones qui ne se boiseront pas (au delà d’une certaine altitude, vent etc.. les arbres ne poussent plus ) serait problématique au niveau des avalanches.


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