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Commentaire de Mor Aucon

sur L'Islande : Après la crise, le beau temps


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Mor Aucon Mor Aucon 12 novembre 2011 15:55

Incroyable de voir comment l’’extrême-droite française tire de la couverture islandaise dans le seul but d’essayer de démontrer qu’il vaut mieux abandonner la Grèce et les dettes, faire défaut et passer à autre chose. Il serait bon, je pense, de rappeler quelques faits et leur chronologie.

1984 : Milton Friedman, conseiller en économie de Reagan, se rend à Reykjavik et séduit en quelques conférences, le Parti de l’Indépendance et Davíð Oddsson qui va inclure dans le programme de son parti les recettes miraculeuses de l’école de Chicago, libéralisme à outrance, privatisations massives, affaiblissement du pouvoir d’intervention de l’économie par l’État donc destruction de l’État providence dont l’Islande s’était doté et qui faisait quelques jaloux, surtout un peu plus au sud de l’Europe.

À ce moment la situation économique en Islande présente un tableau paisible malgré la pression fiscale sur les entreprises ( 45 % environ ). Oddson fait campagne, populiste bien entendu, en chevauchant les idées de Milton le magicien. Pourquoi se contenter de rester bien au chaud dans un igloo si on peut, grâce à Milton, Reagan et Thatcher, se transformer en tigre de la jungle économique ? 45 % d’imposition fiscale sur les entreprises est un mur de glace trop épais qui, s’il protège parfaitement du froid, restreint beaucoup trop l’agilité du tigre en lequel Oddson aimerait convertir son pays.

1991 : Oddson est nommé premier ministre et applique la potion de Friedman : privatisations à tour de bras, baisse de la pression fiscale sur les bénéfices jusqu’à atteindre 18 %, dérégulation et libéralisation du flux des capitaux.

2004 : 13 ans que ça dure et le suivant, Geir Haarde, remet plusieurs couches du même traitement. C’est le miracle. Les revues économiques américaines n’ont suffisamment de mots pour exprimer leur admiration et parlent de miracle islandais. L’Islande devient l’une des économies les plus libres du monde. De l’à peu près, 50ème place elle passe à la 9ème puis à la 5ème dans le hit parade des économies libres - là où les capitaux sont libres, ne confondons pas les libertés - et la finance tourne à plein régime.

2008 : Elle tourne tellement à plein régime qu’elle crée la situation d’hypertrophie financière qui sera, plus tard, trop tard, pointée du doigt comme la principale responsable de la facilité avec laquelle la vague du tsunami des subprimes submerge toute l’économie de l’île. Merci Milton.

septembre 2008 : l’état islandais se voit forcé à racheter 75 % des actions de la banque Glitnir ( ancienne Íslandsbanki formée à partir de la fusion de deux banques privées et une publique nationalisée en 1990 ). La dette extérieure est de 9500 milliards de coronnes, le PIB est de 1300 milliards et le secteur bancaire détient 80 % de cette dette faramineuse. Merci Milton.

octobre 2008 : le gouvernement se voit forcé à nationaliser Icesave, filiale de Landsbanki, qui vient d’annoncer la suspension des comptes bancaires qu’elle gère. C’est la panique non seulement chez les clients de la banque, islandais, britanniques et hollandais pour la plus grande part, sinon aussi et logiquement sur les marchés financiers. Les anglais veulent leurs sous, bloquent les avoirs de Icesave et demandent des comptes au gouvernement islandais qui lui, préférerait rembourser ses compatriotes d’abord. Britanniques et hollandais utilisent leurs fonds de garantie bancaire pour couvrir le désastre et éviter la panique bancaire qui précipiterait les épargnants aux guichets. Puis, se tournent vers l’état islandais pour réclamer le remboursement de ces fonds qu’ils ont déboursé en lieu et place du fonds de garantie islandais. La tension monte entre les trois pays. Merci Milton

2009 : les islandais se réveillent, enfin mais en nage, du cauchemar friedmanien, virent les apprenti-sorciers et Jóhanna Sigurðardóttir, socialiste, tente de reprendre les choses en main.

Quelques péripéties et référendums plus tard, les islandais décident de ne pas payer le trou de Icesave. C’est cela que les souverainistes de tout poil, extrême-droite française inclue, saluent comme un défaut souverain courageux et ne manque pas d’essayer de faire un parallèle avec le merveilleux et salvateur défaut argentin, une arnaque intellectuelle de plus mais pour des raisons évidemment différente.

2011 : Landsbanki accepte de rembourser 8 milliards aux britanniques et aux hollandais.

Les islandais pendant ce temps ne font pas leur deuil de l’état providence et cherche à reconstruire le modèle social qui leur fut volé par le libéralisme aveugle. Merci Milton.

N’y aurait-il pas là une étrange coïncidence, autant dans la chronologie que dans les méthodes appliquées, entre ce démantèlement de la démocratie sociale à l’islandaise et le démantèlement, par les mêmes acteurs principaux soutenus cette fois par des seconds rôles différents, des idéaux sociaux qui impulsèrent la construction européenne ?

Comment font les franchouillards xénophobes et totalitaires du FN pour présenter tout cela comme une évidence que leur théorie du repli sur soi et du défaut souverain si ou si, est digne d’être retenue ? C’est un mystère que seules les voix qu’entend Marine d’Arc peuvent expliquer.


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