Je comprends ce que
vous voulez dire en parlant de « voter avec le cœur », et pourtant, je
ne suis pas du tout sûr que cela soit opportun, au contraire. Voter "avec
le cœur", cela renvois à un acte émotionnel (le cœur = l’émotion ; la tête
= la raison), et c’est précisément en jouant avec les émotions (notamment, la
peur du F.N.) que l’on arrive à imposer le « vote utile », qu’il soit
« utile » à la gauche ou la droite (cf. les 80% de Chirac face à Le
Pen).
Il serait bien plus
judicieux d’inviter les électeurs à voter avec la tête, c’est-à-dire en
connaissance de cause, donc après avoir évalué les différents programmes des
divers candidats.
Ce qui mène à un autre
problème inhérent à la gouvernance par représentants : les programmes partisans.
Lorsque l’on vote pour tel ou tel candidat, celui-ci est, dans 99% des cas,
issu d’un parti politique. Déjà, c’est le parti qui décide qui sera le
candidat, et non les électeurs. On aboutit déjà à un choix biaisé, puisqu’on en
arrive à devoir voter pour des candidats que les électeurs n’ont pas choisis
eux-mêmes. C’est le premier point.
Second travers, cette
logique de parti veux que pour parvenir à gagner une élection, il FAUT en
passer par un parti, à moins d’être soi-même immensément riche. En France, pour
des raisons culturelles, cela ne passe pas (on n’est pas encore au USA). Car
seul le parti, avec les moyens de financement dont il dispose, peut permettre
de se poser en candidat « sérieux » (lire "vainqueur
crédible") : par conséquent, le dictat du parti devient le passage obligé
de tout candidat à l’élection présidentielle (ou à n’importe quelle élection,
d’ailleurs, ceci valant pour les députés ou autres représentants).
Troisième problème, le
programme lui-même : voter pour un candidat revient à voter pour un programme.
Or, dans un programme, il est extrêmement rare que l’on soit favorable à CHAQUE
point du programme. Il est beaucoup plus probable que l’on soit en faveur de
tel ou tel point du programme (dont certains points jugés plus importants, et
cela varie évidemment d’une personne à l’autre). Il est même tout à fait
possible que tel point de programme nous déplaise grandement, tandis que tel
autre point du programme du parti adverse nous semble bien. Mais en votant pour
un candidat de parti, on n’a pas le choix : c’est tout ou rien.
De plus, quelque soit
le candidat, dans le système de gouvernement représentatif, on se retrouve face
à des personnes qui sont professionnels de la politique. Celui signifie que la
politique représente leur plan de carrière : ils doivent durer toute leur vie
dans le milieu politique. Cela conduit inévitablement à des compromissions. Et
qui est trahis par ces compromissions ? Les électeurs, inévitablement,
puisqu’en dehors des élections, il n’existe aucun contre-pouvoir. Ce qui, il ne
faut pas être grand clerc pour s’en rendre compte, est un bien maigre « contre-pouvoir »
(si tant est qu’on puisse encore parler des élections en ces termes).
Cela nous mène à nous
interroger sur la notion même de suffrage universel. Personne ne contestera que
le suffrage universel (une personne = une voix) représente un pas déterminant
dans la définition d’une démocratie véritable. Mais cette seule notion ne
suffit pas à déterminer si un régime politique est démocratique ou non : après
tout, l’URSS avait aussi adopté le suffrage universel, et le Chili de Pinochet
en faisait pareillement usage ...
La chose que l’on a
trop souvent tendance à oublier (à faire oublier), lorsque l’on parle de
démocratie et de suffrage universel, c’est CE POUR QUOI LE PEUPLE VOTE.
Vote-t-on pour des « représentants » (= programme / paquet) ? Ou
vote-t-on pour des mesures précises (= [pléonasme]démocratie directe[/pléonasme]
?
A y réfléchir de plus
près, la démocratie, ce serait plutôt l’implication directe des électeurs dans
la prise de décision sur telle ou telle mesure, point par point, bien plus que
sur des « paquets de mesures » que sont des programmes. De plus, même
en élisant programme à travers la désignation d’un « représentant »,
nous n’avons aucune garantie que le dit programme soit respecté (aucune forme
de reddition des comptes dans les structures actuelles) : dans la réalité, les
promesses électorales restent bien souvent ... de belles promesses.
En conclusion :
- le choix de la raison
demeure encore préférable - de loin - à celui des émotions (du cœur).
- le suffrage
universel n’a vertu démocratique que pour choisir des mesures, non des
individus représentant des « paquets de mesures ».
Problème : aucun
candidat n’est favorable à un changement radical du système, à savoir faire de
la France une démocratie dans le véritable sens du termes.
N’est-il pas merveilleux de se sentir piégé ?