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Commentaire de crazycaze

sur La maltraitance des jeunes enfants : composante principale de la bombe à retardement qui explose si souvent à l'adolescence ou à l'âge adulte


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crazycaze 10 février 2012 00:07

Les questions soulevées par votre article sont nombreuses et complexes, et il serait difficile d’y répondre en quelques lignes.

Pour ce qui est des études scientifiques sur ces questions il en existe, et un domaine précis de la psychologie s’y intéresse, la psychologie du développement. Malheureusement, quand il s’agit de faire appel à des supposés spécialistes de ces questions, on convoque bien souvent des pédopsychiatres surmédiatisés (Ruffo, Clerget, Naouri) qui assènent leurs croyances en lieu et place des connaissances reposant sur des études tangibles, ou carrément des psychanalystes ou des psychologues cliniciens d’obédience psychanalytique.

De part leurs formations, les pédopsychiatres sont avant-tout des médecins-pédiatres, spécialisés en psychiatrie infantile et ayant suivi quelques cours de psychologie dans une seule perspective, l’approche psychanalytique (freudienne, néo-freudienne, jungienne, lacanienne...). Aussi, les entend-on proférer comme avis d’expert des âneries et des idées complètement contraires à ce que montre la grande majorité des études sur tel ou tel sujet relevant du développement de l’enfant.

Car des études scientifiques, il y en a, des bonnes comme des moins bonnes, publiées dans des revues scientifiques telles que Social Development, Child Development, Psychological Review, Enfance, Psychologie Française... Mais elles s’adressent principalement aux professionnels... Il est souvent difficile d’en rendre compte, car la vulgarisation n’est pas valorisée et il faut avoir un minimum d’outils d’analyse pour en apprécier la portée, la solidité, etc. Un peu comme toute revue technique... pour le professionnel ou l’amateur éclairé quel qu’en soit le domaine.

Le problème en France est que nous sommes un des derniers pays, avec le Portuagl ou l’Argentine, à accorder une prépondérance au seul discours d’une perspective en psychologie de l’enfant, le courant psychanaytique, l’érigeant en cantique des cantiques, en savoir sacré dont on ne peut attaquer ni les dogmes ni les prophètes sans craindre l’anathème.

Or, les connaissances sur la compréhension de la contruction de la personne ont bien évolué depuis, et reposant sur des bases un tant soit plus rigoureuses que « l’ensemble articifiel de nos hypothèses.. » ( Freud, 1920, qui était loin d’être stupide... à défaut d’être honnête).

L’effet de certaines pratiques éducatives sur le développement de l’enfant, des valeurs familiales, des interactions sociales avec son entourage, parents, fratrie, grands-parents, amis, etc., quelles informations sont accessibles, dans quel contexte, etc, ont fait l’objet de nombreuses publications et de controverses entre différentes perspectives théoriques. Enormément a été étudié, confirmé par différentes études, réalisées sur des devis internationaux pour comparer les effets culturels, etc. Or, mis à part Boris Cyrulnik, ce qu’on entend sur ces sujets de la part des « experts autorisés » trahie leur ignorance totale de ces études.

Par rapport à ces questions, il faut se demander « quel enfant, dans quel environnement ? ». La loi peut être écrite en mots intelligibles, mais les mots ne parviendront jamais à restituer l’ensemble des informations permettant d’appréhender une situation. Qu’est ce que la violence ? On peut s’accorder assez facilement sur ce que recouvre une telle notion, pensez-vous, pourtant selon les périodes et les cultures (micro comme macro), ce qui peut être considéré comme « violence » peut différer (relativisme culturel). Mais pire encore, est-ce qu’une violence physique est plus grave qu’une violence mentale ? Quand pouvons-nous estimer que telle parole ou action constitue une violence morale ? Pour quel enfant ?

Il est évident trop réducteur de parler de l’Ecole, ou de l’Enseignement, quel que soit le programme ou les directives, sans considérer les acteurs essentiels, les enseignants, les conditions de scolarité, le contexte socio-économico-culturel. Nous avons eu pour la plupart d’entre nousdes maîtres, maîtresses, des profs, mais aussi des matières que nous avons appréciés, moins détestés, ou détestés. Et même des matières que nous avons détestés sauf avec tel prof...

Pour faire très court, l’enfant grandit dans un système (la famille, avec les différents sens plus ou moins larges que revêt la notion de famille), dans lequel il construit des modes d’interaction plus ou moins efficients, dans lequel il affine sa capacité de discrimination d’informations lui servant à anticiper les réponses qu’il devra donner aux variations environnementales. Lorsqu’il change de contexte, les règles d’interaction avec les individus, les informations accessibles, sont plus ou moins différentes de celles du contexte familial. L’enfant doit donc s’adapter à de nouveaux contextes. Or, effectivement, ces contextes peuvent être plus ou moins respectueux du rythme de l’enfant.

Malheureusement, nos arbitraires culturels, idéologiques, politiques, se moquent bien de nos connaissances sur la chronobiologie et les incidences d’une telle méconnaissance sur le développement « optimal » de l’enfant, sur les bienfaits d’une pratique éducative « démocratique » vs. « autoritaire », sur l’importance de l’estime de soi, de l’existence d’une relation collaborative parents-enseignants, etc. 

Il faut égélement éviter aussi les généralisations stupides du style « si votre enfant regarde la télé plus de 1h par jour, alors... ». Non pas que je veuille les encourager à regarder la télé, mais ce genre de raccourci est tout le contraire d’une attitude scientifique. Quel enfant, dans quelle famille, qui regarde quoi, et qui fait quoi à côté, etc. Autant de variables qui peuvent peu ou prou contredire ce genre d’affirmation. Il y a un réel danger à exposer le très jeune enfant devant la télé - ça le neutralise !! smiley ! - au point de vue neurobiologique, mais plus âgé d’autres variables doivent être considérées. Mon gamin de 10 ans ne regarde pas la télé tous les soirs de 18h à 21h... il est dehors avec ses copains... ils jouent au foot... avec les animateurs de quartier... après avoir fait leurs devoirs... A chaque précision votre représentation de la situation a changé. 

Une étude peut-être rigoureuse au point de vue méthodologique et statistique, ses résultats tangibles, mais répondre à des questions connes. De même, toute réponse du style « en moyenne les français » est à rejeter sans même attendre la suite. La moyenne des français a vu son revenu annuel progresser de 3 % l’année dernière, peut résulter d’un accroissement monumental des revenus de 10% de l’échantillon étudié et d’un appauvrissement plus ou moins important des 90% restant. 

Le développement individuel est complexe, il faut faire avec le complexe. Toute généralisation, toute idée simpliste, est vouée à l’échec car elle se heurte à la multiplicité de nos expériences, de nos cadres de référence. Tout comme il est idiot de vouloir prédire la délinquance à 3 ans, ou de chercher en vain dans les gènes les raisons supposées de nos comportements ultérieurs, il nous faut admettre que nos dispositions biologiques ne sont pas en grande majorité des données immuables, tout comme notre psychologie ne se joue pas à l’âge playskool, avec pour seuls partenaires interactifs déterminants une sacro-sainte mère et un père fouettard !!


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