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Commentaire de easy

sur Un smartphone ne se fume pas, ce n'est qu'un doudouphone


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easy easy 23 juin 2012 16:59

Un vrai sociologue serait allé au-delà de la seule analyse de l’autre. Il en aurait profité pour s’observer lui-même et analyser alors pourquoi la téléphonite des autres le touche.
Le doigt, c’est le doigt qui est intéressant pas la lune qu’il désigne.

Moi, je me souviens qu’à 15 ans, je jalousais un peu (ce n’était pas aussi clair que je le dis aujourd’hui) les bidules qui traînaient dans le sac de ma mère. Ils en avaient de la chance ces objets sur lesquels elle se précipite tout le temps et qui ne doivent donc jamais se trouver loin d’elle. Ils en avaient de la chance de pouvoir s’imprégner de son parfum (surtout les stylos à bille Bic bleu et transparent, ils prennent bien les odeurs). Il y avait aussi son paquet de clopes mais je les enviais tous ces objets.


Ainsi, celui qui regarde le dépendant aux objets se demande toujours s’il ne serait pas moins précieux ou important que ce verre de whisky, que ce komboloï, que ce bâton de rouge à lèvres, que ce clavier que tiennent et caressent les autres à longueur de temps.

L’observateur peut même vouloir être à la place des cheveux que se caresse tout le temps son père ou quelque belle. Etre à la place d’un volant poli, à la place d’un levier de vitesse, à la place d’un peigne, d’une cigarette, d’un bonbon, d’une chaussure...
A la place d’un objet placé dans une précieuse vitrine et que caressent des yeux des milliers de regards.

En frustration ou compensation, cet observateur va chercher à son tour à s’aliéner un objet et à s’y aliéner.

Dans les cités qui sont tellement matérialistes, chacun sait qu’en caressant une poignée de porte ou une rampe d’escalier, on peut rendre jaloux celui qui nous désire (au sens large).

Esay Rider montre incidemment cet effet, l’objet culte étant la moto.
Et In the mood for love s’y attarde. le fume cigare, les jetons, la robe, le tissu, l’escalier, le bol, la vapeur, la soupe, les baguettes, le rimel, le rouge à lèvres, la goutte de pluie, la musique, tout ce que caresse la belle est jalousé.

Chacun le sait, chacun sait que pour une part il souffre de voir les autres aimer autant des objets et qu’à son tour, pour ne pas se retrouver en reste, pour ne pas faire tapisserie, il sort un objet fétiche et l’exhibe aux autres ainsi qu’à lui-même.

Quand on passe aux chiens et chats qui sont tellement câlinés par certains maîtres, qui sont enterrés avec 80 000 $ de diamants autour du cou, ce phénomène s’accentue.

Mais là, nous en sommes arrivés à quelque chose de plus « grave docteur » puisque nous avons réussi à inventer le premier objet quasiment personne humaine qu’est le téléphone.

(la radio et la télé étaient déjà sur ce créneau)

Maintenant, comme vous l’avez remarqué cher Bernard, ce n’est plus un objet 100% objet avec lequel on s’aliène-s’attache. C’est avec un étonnant objet medium qui peut transmettre la parole d’une vraie personne qui est quelque part, n’importe où, n’importe quand et surtout, qui n’est pas unique. Il y a des milliers de personnes potentielles au bout de ce medium.

Autrefois, on caressait ostensiblement un objet personnalisé par sa belle marque, Dupont, Zippo, Cartier.
Maintenant, ne n’est plus la marque du smartphone qui rend l’objet vivant mais les personnes qui y parlent et s’y montrent. Toutes interchangeable au besoin.

La jalousie de l’observateur est alors à son comble. D’autant qu’il peut subir cette interférence alors qu’il est en train de baratiner la belle.

De frustration en compensation, chacun va à renchérir « Oh la la, pas maintenant Bernard. Paske là je suis sur booké et surfacebooké ! »

Ce manège en hyperchaises musicales crée de la tension sociale puisque chacun se sent minimisé.

Le calumet de la paix reste le seul objet précieux qu’on se passait entre personnes désirant s’appaiser mutuellement. Ca ne veut pas dire que les sauvages emplumés ne s’excitaient pas mutuellement de jalousies mais ils en avaient compris les mécanismes et les limites acceptables afin que la hache de guerre restât enterrée.


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