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Commentaire de sasapame

sur Nous, on veut ! Pourquoi il faut quitter l'euro et démanteler l'Union européenne


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sasapame sasapame 24 juin 2012 10:04

Merci à vous.

Cela ne vous étonnera pas si je dis : ce sont deux excellentes questions que vous posez. ;)

Je commence par la deuxième. Et je crois que ça finira pas mal de répondre à la première.

Pour le principe d’une monnaie commune, tout d’abord, je conseille vivement de lire la présentation qui en est faite ici : http://www.chomage-et-monnaie.org/2010/02/fiche-n%C2%B0-13-une-monnaie-commune-comment-ca-marche/

La monnaie commune est véritablement l’instrument adapté à une (bonne) organisation internationale, autrement dit à un système fondé sur la coopération de nations souveraines. Tandis que la monnaie unique, qui n’a rien à voir, ne peut fonctionner qu’au sein d’un État. Pour marquer la différence, je voudrais noter simplement quelques aspects essentiels.

Sur le plan opérationnel, je vois deux points absolument décisifs. D’abord, dans le cas d’une monnaie commune, le problème ne se pose pas de savoir comment (par quel miracle) contrôler une agence supranationale qui aura le pouvoir de créer de la monnaie ex nihilo, pour la bonne raison que ce pouvoir n’existe pas. En effet, la monnaie commune n’est créée qu’en contrepartie de la mobilisation de monnaies nationales qui son bloquées en vis-à-vis. Autrement dit, aucune agence supranationale souveraine ne peut augmenter la masse monétaire de son propre chef ; la monnaie commune n’est qu’un instrument d’échange, et la masse monétaire en monnaie commune n’est que le reflet d’une somme de monnaies créées par les États.

Ensuite, la question est de savoir comment assurer à la fois une bonne orientation du crédit et un équilibre juste entre la création des monnaies par chacun des États. Autrement dit, comment combiner la souveraineté de chacune des nations et un ordre international équitable ?

Avant de parler du procédé, je fais une remarque sur le fond. Parler de la finalité sociale d’une institution, c’est sans doute, bien sûr, le meilleur moyen d’inciter les gens intéressants à se mêler d’institutions... Vous ne manquerez pas de remarquer, dans la présentation citée, qu’au-delà de l’aspect institutionnel ressort l’idée de justice. Et on peut se demander si cela est nécessairement inclus dans le principe d’une monnaie unique. Je répondrais que oui, et je voudrais au moins esquisser une bonne base d’explication à cela. Au premier degré, il ne peut s’agir que de viser une forme d’équité entre les États mais au-delà, naturellement, il devrait s’agir de poursuivre un but de justice sociale. Entre les deux, comment poser le problème ? Ça peut paraître un peu bourrin, peut-être... mais disons qu’il s’agira d’orienter la monnaie vers les activités productives. Mais avant même de passer à cette échelon, quel principe d’orientation au plan international ?

L’un des plus célèbres projets de monnaie unique est probablement celui du Bankor de Keynes. Et on doit faire remarquer que l’un de ses fondements essentiels est également celui de ce qui devait être l’Organisation Internationale du Commerce (projet conçu à la même époque, et qui fut également saboté) : l’équilibre de la balance des paiements.

On redécouvre assez bien ce problème actuellement, en particulier avec la zone euro, quand on voit la politique « non coopérative » de l’Allemagne, qui consiste, pour un pays, à exporter beaucoup plus qu’il n’importe. Or, sur quoi reposent ces comportements « non coopératifs » sinon sur la tendance à moins rémunérer le travail pour mieux rémunérer les rentiers ? Voilà, en somme, pour ce qui est d’appréhender le mécanisme du côté de sa finalité.

Comme il est expliqué dans le lien cité, donc, l’idée est d’édicter une « règle d’or » qui consiste à faire en sorte que, si un pays exporte trop, l’avantage financier qu’il en retirera sera automatiquement annulé et le produit redistribué aux autres. Ce qui permet à la fois un rééquilibrage et une dissuasion des comportements « non coopératifs ».

Revenons-en au mécanisme, pour pointer un deuxième aspect fondamental. J’ai conscience qu’il faut du temps et de la patience pour se mêler sérieusement d’institutions, aussi je souhaite marquer un repère en soulignant que nous en revenons là à un aspect central de l’analyse que j’ai faite dans mon texte. Souvenez-vous du passage allant de la Lozère à l’Allemagne et à la Grèce.

Il est essentiel de noter que, dans ce schéma d’une monnaie commune, il ne s’agit surtout pas de réunir chaque année autour d’une table les gouvernements des différents États pour décider si on va procéder à des compensations, combien, pour qui, et par quel mécanisme. Non ! Comme j’ai tâché de le démontrer dans mon texte, on aurait forcément là une situation tyrannique, qui implique que la règle sera celle de l’arbitraire, que les gros États l’imposeront aux petits et, surtout, qu’elle sera décidée par les puissances privées du moment, au bénéfice d’aucun des peuples ainsi « représentés ».

Non, justement, la « règle d’or » en question est fixée une bonne fois pour toutes et n’est surtout pas révisable chaque année. Sinon, on se doute bien que les gros États, sous la pression de grosses puissances privées, quelles qu’elles soient, vont tout remettre en cause quand ces dernières le voudront. Mais pardonnez-moi d’insister, une fois de plus : c’est très exactement ce schéma qui caractérise un État, par opposition à un foutoir soi-disant « régulé » par un machin supranational : le fait que les « représentants » de la Lozère et ceux du département du Rhône ne peuvent pas eux-mêmes décider de remodeler quand ils veulent la constitution française...

Une fois que vous avez compris ça (enfin, si je me trompe, qu’on me le démontre...), pensez-vous franchement qu’il me faille revenir sur la première de vos deux questions ? Arrivé à ce stade, il me semble évident qu’on peut déjà conclure : une monnaie unique ne peut tout bonnement pas tenir dans le cadre d’une confédération. Je m’appliquerais volontiers à reprendre quelques aspects car, même si la démonstration me paraît rigoureuse, les « non économistes » auront peut-être manqué un ou deux jalons, de sorte qu’ils penseront ne pas pouvoir boucler eux-mêmes l’équation. Mais d’une part, si l’on veut des démonstrations économiques, elles abondent et, même si je pense les avoir plutôt bien assimilées, je ne suis pas le mieux placé, bien sûr, pour les exposer en repartant d’une feuille blanche ; d’autre part, faut-il être économiste pour comprendre que la monnaie est une institution dans toute sa splendeur et qu’elle est donc entièrement déterminée par des conditions politiques ?

C’est pourquoi j’ai préféré me restreindre, s’agissant d’aspects économiques, à un seul aspect et à un exemple simple, en partant de l’idée de la balance extérieure de la Lozère vis-à-vis du département du Rhône. Car n’importe qui peut comprendre ça. Vous parler ensuite de « chocs asymétrique », pourquoi pas, mais mieux vaut partir de l’idée qu’il y aura toujours, nécessairement, déséquilibre comptable (sauf à vouloir une uniformisation et une organisation terrifiante des comportements humains), puisque une monnaie unique signifie référentiel comptable commun, ce qui n’est pas du tout le problème, et d’en conclure qu’il doit nécessairement y avoir des transferts financiers entre « régions » pour que ce système tienne. Des transferts qui doivent être des dons / compensations et non pas, bien sûr, des prêts, et qui doivent se faire de manière automatique vu des « régions » concernées.

Je voudrais quand même évoquer deux ensembles de chiffres pour que le lecteur, au besoin, puisse s’assurer de l’importance et du caractère chronique des transferts financiers eu jeu.

D’abord, si vous prenez n’importe lequel des État fédéraux de la planète, vous pouvez constater que la part du budget public qui se situe au plan fédéral, comparée à celle qui est gérée par les États fédérés, Provinces, Cantons, Länders, etc. varie de 2/3 - 1/3 à 55% - 45%. Bref, le budget commun est énorme. Or il n’est pas besoin d’être économiste ni matheux pour en conclure que les transferts financiers entre « régions » sont proportionnels à la part commune du budget.

Ensuite, et il semble que ces graphiques vous montrent instantanément que le problème de l’euro n’est pas du tout dû à un trop grand écart des niveaux de vie (moyens) entre les pays concernés (étendre l’euro à l’UE dans son ensemble accroitrait certes fortement le besoin de redistribution, mais ne nous égarons pas), je vous invite à visionner cette petite série de graphiques de mon cru : http://www.hostingpics.net/viewer.php?id=929981PIBparhabitantUEetzonevsUSAvsCanadavsFrancevsAllemagne2.jpg

Au premier degré, on pourra évidemment conclure qu’il faudrait accroître considérablement le budget européen. Avec un tel raisonnement « apolitique », on en arrive à prescrire des « euro-bonds »... ou même à vouloir confier une planche à billet soi-disant « publique » à la BCE. Mais toute la question est bien sûr de savoir comment contrôler les pouvoirs qui vont « gérer » ce budget et cette arme monétaire considérables. Bref, elle est purement politique et institutionnelle, et pour cela la technique économique ne nous est d’aucun secours.

Voilà, je m’arrête là pour le moment, disposé à revenir sur cette question si vous aviez des interrogations sur tel ou tel aspect.


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