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Commentaire de Morpheus

sur Commuer le vote blanc en « députés citoyens » tirés au sort


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Morpheus Morpheus 13 juillet 2012 17:09

@ Scual

Vous dites « Vous voulez me faire passer pour un type suffisant qui s’estime supérieur à ses concitoyens ? » En réalité, j’ai titillé votre amour propre en vous faisant remarquer que votre attitude, en effet, pouvais être arrogante. Votre réponse montre que j’avais raison : vous êtes arrogant et vous le dites d’emblée : « Effectivement je me sens largement plus compétents que 99% de la population ». Je crois que l’essentiel de votre intervention trouve dans cette première phrase tout son sens.

Mais le problème, voyez-vous, c’est que je ne vous crois pas, moi, plus compétent que 99% de la population. Et il semble même que vous-même, inconsciemment, ne vous croyez pas si supérieur que cela aux autres. Si vraiment vous vous estimiez si supérieur, vous ne perdriez pas votre temps à venir vainement faire la leçon à tous les cancres qui hantent si effrontément les blogs et autres forum du net. Mais vous êtes là, et vous passez beaucoup de temps pour vous défendre, notamment de mes attaques (pas si méchantes que cela, au vrai).

L’arrogance et la vanité ne sont toutefois pas des défauts incorrigibles. Ces tares sont avant tout l’expression d’une impuissance, l’expression d’un besoin ignoré et non conscientisé que chacun se montre à vote niveau, ce que ne rencontrant pas dans vos échanges avec vos voisins et voisines, vous fait dire - à tort - que vous êtes supérieur.

Notez que vous êtes prudent : vous précisez que vous êtes supérieur à votre voisine dans le domaine de la politique, mais qu’elle l’est sur vous dans le domaine de la coiffure. C’est dire la hauteur de votre morgue et de votre mépris à l’égard du peuple. Je pourrais me contenter d’en terminer là, car il va sans dire que ce constat vous disqualifie d’office pour exercer un quelconque mandat dans une démocratie (mais pas, bien entendu, dans une oligarchie). Mais ce ne serait pas suffisant pour vous clouer le bec.

Votre rhétorique n’a en effet absolument rien d’original : chacun sa spécialité et les vaches seront bien gardée. La spécialisation. Ainsi, chacun étant compétent dans son petit pré carré, tout le monde est incompétent dans les domaines de la gestion de l’organisation sociale, puisque celle-ci requiert une vision d’ensemble, une compréhension des interactions et des interdépendances, et une capacité d’appréhender sans cesse des angles de perception des phénomènes différents : la porte ouverte aux incompétents, donc ... Seuls quelques « experts » autoproclamés seraient en effet à même d’accomplir cette tâche, bien entendu pour le plus grand bienfait de tous et de façon totalement vertueuse et désintéressée. Quel tableau idyllique ! Mais un tantinet féodal, tout de même.

En effet, qu’est-ce qui différencie votre ordre social de celui imposé par la noblesse et le clergé féodal ? Rien. Une classe gouvernante élue (on choisit nos maîtres, quelle avancée démocratique, rendez-vous compte ...), une classe cléricale (les experts « conseillers économiques » de l’orthodoxie néo-libérale prêchant le catéchisme enseigné dans les temples capitalistes de l’école autrichienne, à Londres, Paris ou Chicago), ... et le tiers état, cette classe taillable et corvéable à merci qui ferait mieux de la fermer et d’écouter ce que les bons maîtres disent, car ils savent, eux.

Le catéchisme de la spécialisation et de la compétence dont vous faites l’étalage n’est que le prolongement de cette rhétorique élitiste qui soutient, depuis toujours, les principes de l’oligarchie. La spécialisation, dans un monde intrinsèquement interdépendant, doit être bannie de la connaissance holistique, car elle est le nerf de toutes les perversions de notre société. Voilà bien là une réalité qui échappe, hélas, à votre conception paternaliste et étriquée.

La démocratie n’a non seulement pas besoin de votre prétendue compétence, mais elle a, au moins, la sagesse de la considérer comme nuisible à l’intérêt général, non dans les connaissances dont vous pourriez faire étalage (encore que j’attends de voir), mais dans la prétention de savoir mieux que les autres - et a fortiori de savoir mieux que les autres ce qui est bon pour eux. Car, cher Monsieur, oui, le quidams du peuple peuvent vous en remontrer en matière de gestion de l’intérêt général, et ce sur des domaines aussi pointus que la question des OGM, des centrales nucléaires ou de la géostratégie. Bien entendu, il faut pour cela leur en donner l’occasion, et pas pour la galerie ! Commissionnez les avec un réel pouvoir d’action, et ils se feront compétents, en dépit de toute votre prétendue supériorité, et en dépit de tout votre mépris.

La démocratie n’a nul besoin de « représentants compétents » : elle a besoin d’institution solides (une Constitution écrite par une assemblée constituante tirées au sort, dont les membres se rendent de facto inéligibles aux fonctions qu’ils instituent, de telle sorte qu’il n’y ait aucun conflit d’intérêt) qui garantissent que les représentants seront vertueux et s’appliqueront à remplir leur mission de façon compétente et pour le grand bien de tous. Voilà ce dont la démocratie à besoin. Des personnes compétentes ne sont ni vertueuses ni fiables par construction. La compétence n’est nullement gage de droiture. Et l’attitude consistant à considérer que la vertu (des représentants) serait la norme et le vice l’exception, voilà bien là une énormité abyssale, pour reprendre vos mots.

Il n’y a plus guère de remède au mal, quand les vices d’hier sont devenus les mœurs d’aujourd’hui, écrivit Sénèque. En effet, lorsque le système est la corruption, inutile d’attendre de lui qu’il corrige la corruption.

Votre défense de l’oligarchie aurait à la rigueur son sens, notamment dans votre dernier paragraphe, si elle ne faisait la confusion entre la politique au sens de politikè et la politique au sens de politeia. Mais visiblement, vous ignorez - ou vous feignez d’ignorer (volontairement ?) cette différente fondamentale. Cet « oubli » est coupable. En démocratie, seule la politeia est de rigueur, et elle seule définit le sens politique. Et ce sens est la compétence directe et inaliénable du peuple, dans son ensemble, à gérer les affaires publiques, non celle d’une clique de prétendus experts.

Comprenez donc bien, cher Monsieur Scual : nous, les démocrates, nous ne voulons plus de vos principes oligarchiques, et si vous refusez de nous laissez le droit d’exercer notre citoyenneté, nous n’aurons d’autre alternative que de vous bannir de la vie politique.

Cordialement,
Morpheus


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