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Commentaire de exocet

sur Sanofi délocalise sa recherche en Inde


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exocet exocet 4 septembre 2012 19:50

Dans cette article on voit que Sanofi déploie des trésors d’imagination en propagande pour se donner l’image d’une entreprise vertueuse.

Bien que je ne parle en général pas de moi sur AV, je vais relater ici, l’occasion est trop belle, mon expérience professionnelle avec cette société.

En 2005, j’ai travaillé une première fois quelques mois dans l’usine Sanofi Sisteron, en « contrat à durée indéterminée de chantier » (si.si.ça existe), pour un sous-traitant.

j’étais sous les ordres directs de la maîtrise Sanofi, qui m’a envoyé dans diverses unités en fonctionnement et hors fonctionnement effectuer des relevés pour mon travail.

Quelques mois après l’arrêt de mon travail sur place, des analyses prescrites par mon médecin traitant ont révélé des modifications de mon bilan sanguin, sans que je ne fasse le lien avec cette activité passée.

Il faut dire que, contrairement, je l’ai su plus tard, à la législation concernant les sites pharmaceutiques et chimiques, je n’ai eu aucun suivi médical durant mon travail, aucune analyse à l’entrée et à la sortie de cette activité, et la « fiche d’exposition » indiquant les produits particulièrement dangereux (produits dits CMR, Cancérigènes, Mutagènes, toxiques pour la Reproduction, pour les connaisseurs) auxquels j’avais pu être exposé durant ce travail, cette fiche d’exposition qui aurait dû m’être remise en partant par mon employeur n’avait tout simplement pas été faite.

 Mes responsables Sanofi n’avaient pas, au fur et à mesure de mon travail dans les unités collecté et reporté les données indiquant sur quels produits j’avais travaillé.

Mais celà, je ne l’ai appris que bien plus tard, après mon deuxième séjour dans cette usine.

En 2008, mon employeur de l’époque m’a envoyé travailler à l’usine de Sanofi Sisteron : Cette fois j’étais en CDI chez cet employeur, et je travaillais dans un bungalow sur le site avec les collègues du même employeur.
Nous venions d’avoir le contrat en remplacement de travailleurs indépendants virés comme des malpropres du jour au lendemain car « jugés trop chers » par Sanofi.

Bien que le coût de revient et de fonctionnement de l’usine de fabrication de produits actifs représentait environ 3% (bien trois pour cent) du prix de vente du médicament, et bien que les bénéfices de Sanofi aient été au plus haut à ce moment, le mot d’ordre était « le moins cher possible », et si la société qui m’employait avait été retenue, c’est parcequ’elle avait donné des gages de ce côté-là..

Nous étions encadrés par une maîtrise tellement choisie pour sa brutalité et tellement sous pression, que les comportements dangereux étaient devenus quotidiens, en même temps qu’une sournoise forme de harcèlement, qui consistait, tant nos chefs avaient peur de perdre leur job, à rejeter toutes les erreurs, tous les errements, toutes les pertes de temps systématiquement sur les exécutants que nous étions.

Un exemple parlant : devant effectuer des relevés au rez de chaussée d’une unité en fonctionnement, j’étais revenu au bungalow en indiquant que des gouttes tombaient un peu partout à cet endroit-là et semblaient provenir du réacteur situé au-dessus.
La réponse de notre responsable avait été : « vous n’aurez qu’à passer à travers les gouttes », alors que lui-même ne savait strictement pas s’il y avait ou non du danger.

Quand on commence à faire des entorses avec la sécurité, après on est sur un mauvais chemin. j’ai fini par commettre l’erreur qui fait mal :

envoyé pour effectuer des relevés dans une cellule de fabrication de produits particulièrement dangereux, je l’ai trouvée à mon arrivée barrée par de la rubalise de couleur, ce qui signifiait qu’il ne fallait pas y entrer.
 Normalement je n’aurais pas dû insister, mais j’ai hélé un des personnels de l’équipe de nettoyage qui se tenait là, et sur sa seule indication verbale de ce que « les cellules venaient dêtre nettoyées » j’ai pénétré à l’intérieur et ai effectué mon travail.
En regagnant le bungalow, l’un de mes collègues a remarqué que ma veste et mon pantalon de bleu étaient trempées d’une grande tâche de liquide dans le dos, et je ne me suis pas inquiété, lui répondant que de toutes façons, la cellule ayant été nettoyée il n’y avait pas de danger.

Parti le ledemain sur une nième dispute avec un responsable pour retrouver le siège de la société, j’ai commencé à avoir des démangeaisons et des boutons sur les épaules et les reins. Comme je venais de retrouver le gîte ou je logeais, qui avait été loué entre temps, j’ai attribué celà à des bactéries anodines laissées dans le lit par l’occupant précédent et ne m’en suis pas soucié. 

Deux mois plus tard, alors que j’avais quitté cette société, j’ai eu subitement une terrible éruption de boutons sur tout le dos et la poitrine. mon médecin ayant opté pour la gale éventuellement, je me suis traité à plusieurs reprises sans résultat, et ai commencé à errer de dermatologue en dermatologue, avant d’atterrir pour analyses à l’hôpital, sans qu’on trouve ce que j’avais.

Ce n’est qu’un an plus tard que j’ai retrouvé mon bleu de travail, jeté derrière le siège de la voiture lors de mon départ de l’usine Sanofi : ce bleu était percé d’un énorme trou dans le dos, constellé tout autour de trous plus petits
C’est là que j’ai pensé à mes deux séjours chez Sanofi, aux problemes sanguins ayant suivi le premier séjour, et à l’incident de la cellule pendant le deuxième séjour.

En écrivant celà, je me fais l’effet d’avoir été un niais, un naïf, de ne pas avoir fait le rapprochement plus tôt.
Il faut dire, qu’à l’entrée de l’usine, l’imposant panneau à leds annonçant selon les cas « 354° jour sans accident », le comportement dédaigneux et je m’en foutiste de nos chefs quant à la sécurité, tout celà incitait à penser que nous étions environnés d’inoffensifs et sympathiques produits.

Et non, les principes actifs de médicaments, ainsi que les produits qui servent à les obtenir sont souvent de foudroyants toxiques même à de faibles doses.

Epilogue : après avoir contacté la médecine du travail et mon ex-employeur, j’ai pu obtenir à postériori une fiche d’exposition là encore non faite à ma sortie...la surveillance médicale renforcée, n’en parlons pas, même pas une visite ni un questionnaire, rien.
Fiche d’exposition inexploitable car mentionnant des produits « sanofi research » inconnus des médecins de ville.
Je me suis alors tourné vers le service médical de l’usine, qui lui, connaît ces produits.
Je me suis entendu dire au téléphone par la médecin chef de l’usine, sans qu’elle m’aie vu ou examiné, sans une analyse : « Monsieur, ce n’est certainement pas chez nous que vous avez attrapé ça ! »

Comme quoi, le panneau près de l’entrée dit vrai : il n’y a pas d’accident du travail chez Sanofi.



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