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Commentaire de Éric Guéguen

sur ACTIO POPULI


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Éric Guéguen Éric Guéguen 27 octobre 2012 11:58

@ Morpheus :

Les choses sont malheureusement bien plus complexes que ce que vous dites. Je retrouve dans vos propos beaucoup de ce que dit Chouard, et je pense que vous n’êtes pas insensible à son message. À un détail près cependant : vous avez employé le mot « vertu ». Ce mot nous renvoie véritablement à un autre âge, à une époque où l’on croyait vraiment à l’aura des vertus, où l’on croyait en l’homme, non pas en chaque homme, car les êtres ne sont pas tous vertueux au même degré, mais en l’H-omme, l’homme générique.
Aujourd’hui, plus personne ne croit en la vertu, abrutis que nous sommes par l’image véhiculée tour à tour par les marxistes et les libéraux, qui, les uns comme les autres, font dépendre les bonnes intentions de l’individu de ce qu’il pourra en retirer substantiellement. Croire en la vertu, c’est croire qu’un homme comme Cincinnatus ait pu exister, et qu’il puisse revenir, c’est croire en le message d’un Socrate aux pieds nus et aux richesses immatérielles, c’est croire en la capacité de certains de respecter des principes de justice sans l’épouvantail policier et sans qu’il se dise « pas vu, pas pris, tout le monde en ferait autant ».
Croyez-vous en cela, Morpheus ? Moi oui, mais j’ai bien peur que nous soyons bien peu dans mon cas, car je dois pour cela me référer à des âges reculés, que beaucoup ne connaissent que par le biais tronqué de l’Éducation nationale, qui nous apprend à consacrer aujourd’hui au culte de demain et à l’exécration d’hier.

La vertu est clivante, Morpheus, car sinon elle n’aurait jamais fait parler d’elle. C’est parce que nous avons tous en tête de véritables exemples de vertus que nous nous référons ainsi à un but à atteindre. Lire l’histoire avec les lunettes du manichéen, comme un éternel conflit entre dominants et dominés (je ne dis pas que c’est votre cas, Morpheus, mais c’est parfois l’attitude de Chouard), est vain.
Croire en la vertu, c’est mettre de côté vos démarches « horizontales ». L’horizontalité viendra si tout le monde devient vertueux, sinon elle ne viendra pas. Que l’horizontalité soit mise au service de la vertu, bien sûr, mais prétendre qu’elles puissent coïncider, là je ne vous suivrai pas. On a peu à peu atteint un nivellement dans les conditions, nivellement que je ne déplore pas, j’en profite moi-même et je n’ai pas pour habitude de cracher dans la soupe. Mais ce nivellement a fait litière d’un certain nombres de choses, des jugements de valeurs par rapport aux jugements de fait notamment, ainsi que cette sacrosainte vertu... toutes choses qui auraient pu faire barrage au capitalisme sauvage. Il est un peu tard pour y penser. Trop tard ? Je ne pense pas néanmoins. Mais ce n’est certainement pas en criant « égalité ! » que nous y parviendrons. Paradoxalement, c’est la recherche forcenée de l’égalité ubiquiste qui a profité à la société marchande. Et plus on l’invoque, cette égalité, plus elle nous file entre les doigts. L’égalité n’est pas une fin en soi. La justice l’est, mais les deux termes ne sont pas synonymes.


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