Depuis l’envoi de cet article, la nuit portant conseil, je voudrais ajouter le dernier chapitre ci-dessous. Je prie les lecteurs d’en tenir compte pour juger l’ensemble
Mais que sauver exactement ?
Au
delà de la question de la survie de l’humanité sous sa forme actuelle,
la planification de la survie envisagée ici pose une question
essentielle : celle des valeurs, entendues au sens large, que cette
démarche aboutirait à préserver et le cas échéant à propager dans
l’univers. S’agirait-il de la vie en général, sous sa forme
unicellulaire ? Mais on suppose aujourd’hui que celle-ci serait déjà
présente très abondamment dans de nombreuses planètes. Inutile de se
donner beaucoup de mal pour la sauver. S’agirait-il de la capacité de la
vie à donner naissance, dans le cadre d’une évolution de type
darwinien, à un nombre illimité d’espèces imprévisibles au départ ? Là
nous sommes en présence d’un processus beaucoup plus intéressant – étant
entendu qu’en ce cas, il ne faudrait pas se limiter au sauvetage de la
vie biologique telle que nous la connaissons, mais à celui de toutes
formes de structures réplicatives, physiques, chimiques ou
informationnelles, existantes ou potentielles ?
S’agirait-il enfin de sauvegarder l’esprit ou si l’on préfère,
l’intelligence, sous la forme que nous connaissons au sein de
l’humanité, ou sous des formes à définir ultérieurement, existant
d’ailleurs déjà peut-être dans l’univers ? Là devrait être, dira-t-on
généralement, le véritable objectif à atteindre.
Pour la
plupart de ceux qui réfléchissent à ces questions, l’humanité sous sa
forme actuelle, prédatrice et destructrice, ne mériterait guère d’être
étendue à d’autres planètes. Mais qui aujourd’hui sur Terre serait
habilité à définir puis répandre des formes d’organisation biologique et
sociale plus intelligentes, c’est-à-dire plus « amicales » à l’égard du
cosmos ? On pourrait craindre que de nouveaux pouvoir, aussi injustes et
dangereux que celles dominant la Terre aujourd’hui, ne s’expriment à
cette occasion. Les auteurs de science-fiction ne s’y trompent pas. Les
civilisations extraterrestres qu’ils imaginent, à tort ou à raison, ne
sont guère plus recommandables que les nôtres.
Par ailleurs, il
convient de ne pas s’illusionner sur les capacités d’un volontarisme
humain à contribuer à la création de nouvelles organisations améliorées,
par rapport à celles que nous connaissons. La science moderne croit de
moins en moins au volontarisme. Elle s’efforce seulement de prendre au
mieux conscience de processus matériels, biologiques ou cognitifs
apparaissant spontanément, sur le mode chaotique, au sein de l’évolution
globale caractérisant l’histoire de la Terre.
Cette dernière
réflexion peut conduire à se demander si le cosmos tout entier ne serait
pas engagé, au moins depuis la fin de la période dite de la
reionisation, estimée à 700 millions d’années après le Big Bang, dans un
processus de génération de structures atomiques et moléculaires
obéissant à des contraintes de type darwinien, sur le mode dit Hasard et
Nécessité. Dans ce cadre, l’évolution du cosmos pourrait faire émerger,
au sein des nuages de gaz, d’étoiles, de galaxies voire de trous noirs,
des structures ou organismes capables d’ « intelligence ».
On
pourrait définir celle-ci comme la capacité pour certains organismes de
construire des modèles ou cartographies de leur environnement, de se
représenter eux-même au sein de ces modèles et de générer des actions
visant à leur survie et à leur développement. On nomme généralement ceci
la conscience. Les humains sont dorénavant très proches de pouvoir
mettre en place des organismes conscients artificiels de ce type,
pouvant éventuellement les remplacer dans certaines circonstances,
notamment l’exploration spatiale. Ces actions mettront en oeuvre les
ressources actuellement disponibles au sein du cosmos (énergie et
matière) afin de créer à terme des formes de vie et de consciences plus
efficaces, plus durables et finalement plus exportables que celles
existant sur Terre.
Mais dans cette optique, les humains ne
seraient pas pour grand chose dans ce que l’on pourrait appeler une
« conscientisation » de tout ou partie de l’univers. Il s’agirait d’un
processus quasiment obligé au sein sinon de l’univers tout entier, du
moins de l’univers tel que nous les connaissons. Les spécialistes de la
cosmologie du multivers pourront alors supposer que ce processus de
conscientisation serait, pour l’univers dans lequel nous nous trouvons,
une formule lui permettant de s’imposer à d’autres dans un cosmos élargi
au multivers.