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Commentaire de easy

sur À propos du livre d'un africain sur l'Afrique


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easy easy 14 janvier 2013 14:36


**** Son coût est énorme et met en difficulté notre économie comme celle de nos voisins. C’est le signe d’une fraternité donc la dimension et la motivation dépassent celles d’une famille africaine, si généreuse soit-elle. Qui doit s’inspirer de l’autre ? ****

Dans cette assertion, je remplacerais d’office le mot fraternité par le mot collectivisation.



J’ignore tout du livre dont vous parlez.

Mais je considère des arguments auxquels ont été soumis tous les peuples depuis la circumnavigation.

Dont le plus conséquent aura été, à mon sens, celui de l’anonymat.
L’anonymat est né du principe de la cité (ou village de plus de 1000 âmes)

Dans le village, aucun homme ne se voyait anonyme, ne concevait d’anonymes. 
Chacun se voyait considéré par son habitus et considérait les autres selon leur habitus tel qu’il le percevait directement et pendant des années de vie commune. 

Tant qu’elle était encore castiste, la cité anonymiste compartimentait les masses entre elles et il n’était pas envisageable de pot commun général. Les pots communs n’étaient que communautaires. Le communautarisme avait donc été longtemps l’extension du champ de solidarité originel qui était familial, Familial et tribal ou totémique. 


Mais dès que le principe des castes de naissance a diminué de pertinence, a surgi le principe de totale communauté, de total anonymat, donc de pot-commun absolu (mutualisation nationale des risques). De nos jours, l’assurance santé, retraite, d’un parisien vient d’un pot commun planétaire. 
(ce sont des bureaucrates qui font et gèrent cette mondialisation hyper anonymiste des Caisses. Les mutualisés ne s’en rendent même pas compte et peuvent le dénier si ça les arrange)




La solidarité originelle mère-enfant (ajoutons-y le père pour faire gras), c’est une chose qui n’a pas que des rigolades ou câlins. Elle est fondée sur la disposition à se tuer (au combat ou au travail) pour sa progéniture, ce qui n’est pas rien (surtout lorsqu’on a conscience des risques à accoucher ou à travailler dans une mine) 

Le lien familial Familial, tribal, communautaire, national a toujours enchaîné les gens entre eux et n’a pas été que rigolo en dépit des kermesses et des bals car il y a eu aussi les guerres où il fallait accepter de crever en tout anonymat.

Dans cette évolution des obligations, depuis celles envers la mère ou le père jusqu’à celles envers la nation et réciproquement, il est de toute logique qu’apparaissent des gens considérant ce qui les oblige envers le petit (vers la mère, vers la grand-mère) et ce qui les oblige envers le grand anonyme.

Quand un individu se sent trop contraint par sa famille et protégé par le pot commun, il peut être tenté d’insulter père et mère en « Famille je vous hais » 
Mais quand à l’inverse un individu se sent lynché par une masse d’anonymes, il trouve plus opportun de caresser ses parents en « Gens je vous hais ».



Je pose donc cette première grille de lecture lorsque je regarde un cas de personne, un individu. Je considère chacun opportuniste (sur deux plans, matériel et moral avec des déchirements automatiques entre ces deux considérations).

J’illustre avec un cas réel :
C’était il y a environ 10 ans, dans le sud Algérien.
Dans un village, une nuit, déboulent des gens du GIA qui massacrent tout le monde.
Dans une des maisons, pendant qu’un vilain abat sa hache sur la tête de la fillette, le père s’enfuit par la fenêtre. La fillette est la seule à survivre de ceux qui sont restés dans la maison. Et c’est elle qui raconte cela en disant sa stupéfaction devant la fuite de son père.

Le lien familial oui mais jusqu’à quelle limite ?
En sachant que beaucoup de parents, de mères quasiment toujours, sont restés à protéger leur progéniture jusqu’au bout. 

C’est donc cette question terrible qu’il faut interroger et au strict cas par cas des individus.

Pour qui, à cette minute-ci serais-tu le plus disposé à mourir quasiment pour rien (ou mourir avec) ?

Tout le reste passe après.
Et quand on examine ce qui se passe à l’échelle des masses, il faut d’abord tenir compte de ce qui se passe à l’échelle de l’individu.

Or, s’il est plutôt certain que l’individu ait du mal à se soustraire aux obligations envers sa matrice génitrice, il lui apparaît toujours possible de ruser pour éviter les contraintes imposées par la très grande collectivité (d’où les innombrables émigrations lorsque la cité est attaquée ou ruinée).

Disons qu’il semble toujours possible de parier sur la cité tant qu’elle protège et la déserter quand elle contraint alors que c’est plus difficile d’échapper aux obligations morales envers l’utérus ou le nid.
 

Aussi bien pour les Parisiens restés à Paris que pour les colons partis profiter des colonisés que pour les colonisés ayant découvert le jeu de l’anonymat, la tendance est, lorsque chacun a découvert la cité, de jouer plutôt la carte de l’anonymat ou du Grand pot commun et à relativiser de plus en plus le lien utérin au fur et à mesure que la cité offre des avantages matériels et que la morale citoyenne devient prestigieuse.

Quelle que soit l’ethnie ou la région du monde, ce phénomène subsume tous les autres.

(Si vous connaissez de près la vision villagiste, vous aurez remarqué qu’on n’y connaît pas le NOUS similaire au ON anonyme. Quand un villageois dit NOUS ou ON, il parle d’un groupe de personnes bien précises et a le droit de parler en leur nom, Il ne parle jamais d’anonymes sinon en EUX. Alors qu’un Parisien peut très bien dire NOUS en parlant au nom de millions ou milliards de personnes qu’il ne connaît pas)

Il n’est pas obligatoire, chaque fois qu’on tente d’expliquer ou analyser le monde de dire ce que je viens de dire là. Mais il faudrait au moins que cette considération transpire dans le texte.
Ici, j’ai beau écarquiller les yeux, je ne le vois pas plus que dans millions d’analyses que j’ai pu lire. 


Je vais le dire autrement.
D’une façon générale, dans les analyses que j’aurais lues sur le Monde (et sur ce site il en pleut mille par jours), je vois des gens mouliner de considérations de toutes sortes mais jamais ils n’évoquent leur propre opportunisme-facilité-lâcheté. Tous se posent en professeurs non concernés par les turpitudes humaines (ou alors ils se posent en victimes)

Tous ces conférenciers qui expliquent le monde et disent ce qu’il faut faire dissimulent leur habitus ou le donnent à supposer excellent.



Je le redis encore autrement

Lorsqu’un ethnologue va étudier des tribus, les examinés ne peuvent rien faire d’autre que d’exposer leurs deux habitus, entitatif et opératif.
Ils sont entiers.

Alors que l’ethnologue-docteur-professeur, expose certes son habitus entitatif (encore qu’il se mette rarement à poil) mais pas son habitus opératif. Il ne montre rien de son comportement vis-à-vis de sa mère, de ses voisins de palier. Il n’expose pas la réalité de son éthique
Cette dissimulation de l’habitus opératif lui confère automatiquement une sorte de virginalité morale qui permet alors le surgissement de l’arrogance, de la supériorité.

Comme nous avons été nourris à ce regard d’ethnologue, de psychologue, de professologue, nous adoptons tous, surtout sur le Net, une posture très proche de celle d’un dieu au sens abrahamiste. Nous regardons, nous observons, nous jugeons autrui et même des gens très lointains que nous ne connaissons pas mais nous sommes hors de portée de toute critique.
D’autant que même notre corps est invisible. 

 


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