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Commentaire de Sylvain Reboul

sur Comment a-t-on pu canoniser Heidegger ?


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Sylvain Reboul Sylvain Reboul 28 mars 2006 09:41

Le style de Heidegger est tellement boursouflé, amphigourique et dramatique, ses arguments, si l’on peut les appeller tels dès lors qu’ils ne se donnent pas comme rationnels et critiques, sont tellement liés à une interprétation éthymologique fantaisiste de l’allemand considéré par lui comme la langue révélante (après le grec ancien) de la philosophie et de la vérité de l’être en tant qu’être de tout les étants (alors que ce terme n’a rationnellement aucun sens déterminable) ; être qui, selon lui, à notre époque, se dispense, en s’absentant... que l’on en oublie l’essentiel, à savoir qu’il refuse l’individualisme théorique de la pensée critique , la démocratie philosophique et politique et plus généralement toute philosophie de la représentation qui est la tradition le plus féconde de la pensée philosophique occdentale, bref le libéralisme philosophique des Lumières, au profit d’une mystique négative sécularisée (directement issue de la théologie négative) de l’être révélé par lui même contre les prétendus errements ontico-ontologiques de la modernité et de la technique ; sauf, bien entendu, lorsque ces dernières lui semblent liées dans le projet hitlerien, véritable incarnation de l’être destinal de notre époque. « Ein Volk, ein Reich, ein Fürher »...

Certains à ce sujet parle de retour à l’ontologie, sans voir que ce retour est une régression intellectuelle, dès lors que sous couvert de l’être comme fondement des existants on peut dire n’importe quoi et surtout refuser de prendre les existants humains en tant que qu’individus singuliers sentants et désirants (donc empiriques) en considération. Il s’agit bien là d’un anti-humanisme pratico-idéologique (je ne dirais pas théorique) qui a ouvert la porte, voire accompagé et légitimé le génocide. Il n’ y a pas d’éthique de la relation aux autres en tant qu’individus concrets chez Heidegger : le souci de l’être est l’expression d’un refus de se soucier des autres êtres.

Que certains à gauche se réclament de cette parodie para-philosophique romantisée et anti-moderne, dépourvue de tout concept opératoire rigoureux , et de toute argumentation trationnelle, montre seulement que la haine de la démocratie et de la modernité n’est pas l’apanage de l’extrême droite.

Ceci dit certains propos de Heidegger, sur la technique, la poésie et le temps, peuvent susciter la réflexion et il serait peu philosophique de la refuser au nom du fait que cette prétendue philosophie n’est pas rationnelle, de même qu’il est non philosophique de refuser d’examiner d’une manière critique les différentes idéologies religieuses en ce qu’elles peuvent apporter de questions et de réponses philosophiques possibles à la réflexion critique. Mais, pour ce faire, il convient de s’arracher à l’effet de sidération ou de fascination pré voire anti philosophique que provoque le rhétorique neo-romantique, voire neo-religieuse (« seul un Dieu, après Hitler, a-t-il dit, peut nous sauver ! ») de cet auteur.

Dieu l’être et la nature ; dialogue autour de Heidegger et de Spinoza

Heidegger, les sciences et la technique

Le rasoir philosophique


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