• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Henrique Diaz

sur Après la morale les professeurs devront enseigner « l'esprit d'entreprise » !


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Henrique Diaz Henrique Diaz 8 mai 2013 14:08

Entreprendre, c’est d’abord faire le projet de produire un bien d’intérêt collectif et se donner les moyens de le réaliser. L’entreprise est le résultat de cet acte d’entreprendre et ce qu’on appelle pompeusement l’esprit d’entreprise n’est rien d’autre que la capacité d’initier ce genre d’acte : capacité intellectuelle certes mais d’abord matérielle. A moins d’avoir trouvé un projet à très faible coût de production et à rapide revenu, un simple particulier, non détenteur d’un capital (richesse importante dont on n’a pas besoin pour vivre), ne peut avoir l’idée d’entreprendre.

L’éducation nationale est évidemment de ce point de vue une entreprise, dont l’initiative ne relève certes pas d’intérêts privés mais de la nation ou du peuple. A la différence d’une entreprise capitalistique (je ne parle pas des PME qui sont le plus souvent aujourd’hui des sous-traitances esclavagisées de grandes entreprises ou tout simplement des Banques), son objectif n’est pas le profit monétaire mais la formation de citoyens, c’est-à-dire de membres du souverain qu’est la république, aussi bien que d’êtres humains capables de participer efficacement à l’activité économique assurant la satisfaction des besoins communs. Sans l’EN telle qu’elle existe depuis l’après guerre, et avec tous les défauts qu’on ne saurait manquer de lui attribuer (surtout en termes de formation du citoyen), le niveau des entreprises privées et publiques en France serait celui de la Roumanie : il faut le rappeler.

Quant aux profs, dont beaucoup ont du travailler dans le privé ou d’autres secteurs pendant leurs études ou avant d’obtenir les concours, dès qu’ils veulent organiser un voyage pédagogique ou une conférence, ils doivent trouver des partenaires, rassembler des financements, remplir toutes sortes de papiers. Ils n’ont donc pas grand chose à envier, en termes d’esprit d’initiative, à ce qu’il est convenu d’appeler le « monde de l’entreprise ». Mais il est vrai qu’avoir pour but autre chose que le profit, cela change beaucoup de choses.

Bien sûr, j’imagine que le social-libéralisme au pouvoir n’entend pas particulièrement valoriser cet esprit d’entreprise là et va chercher dans la « société civile » des gentils chefs d’entreprise qui viendront, contre deniers de l’Etat, faire la promotion des avantages de la soumission servile à la dictature de la finance. Alors qu’on peut très bien entreprendre en vue d’autres fins, comme par exemple le savoir, la capacité de jugement critique etc.

En revanche, il y a une chose que les enseignants côtoient tous les jours et qu’ignorent l’actionnaire et ses contremaîtres, ce sont les dégâts intellectuels et sociaux que produit une société, dont les élites liées à la Vème république, ont fait un instrument animé au service de l’expansion indéfinie du capital.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès