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Commentaire de volt

sur « Flatland » - Fantaisie en plusieurs dimensions


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volt volt 22 mai 2013 16:39

Bonjour,


en conséquence de cette formule de Lacan, les soixante-huitards avaient justement énoncé le fameux « soyez réalistes, demandez l’impossible ».

revenons sur ce Larousse : 
« 3* intérêt, avantage, utilité ; 5* affaire judiciaire, litige ; 6* actes, faits [militaires] ; 7* cause, raison »
voilà bien quatre définitions du réel qui comportent déjà un regard, déjà et surtout. 
ainsi, la question que vous posez (« ne devrions-nous pas, nous être humain dont les progrès techniques ont atteins une apogée à nulle autre pareille dans l’histoire de l’humanité, connaître cette « nature » ? ») comprend peut-être sa réponse incluse : 
au sens où le premier étage du réel que nous puissions appréhender c’est justement ce regard, car la technique, en termes heideggeriens, après avoir vaguement flotté avec le statut d’« application de la science », commande aujourd’hui le discours de cette dernière, aussi bien dans l’industrie qu’en biologie et médecine, qu’en psychologie...
Il ne s’agit pas seulement d’une question ou affaire de « résultats », car cela est le visible au bout de la chaîne, il s’agit de désubjectivation galopante, c’est-à-dire du remplacement d’une logique du « qui » par une logique du « quoi », vaste logique, très rapide, et dévastatrice.
car si c’est un progrès (et encore...) face à une montagne de passer de « qui est cette montagne ? » à « qu’est-ce que cette montagne ? », il n’est pas sur que l’évacuation du « qui » appliquée aux humains soit de bonne augure.
si je vous dis « qui êtes-vous ? » vous commencez à penser, 
si je vous dis « qu’êtes-vous ? » vous criez à l’insulte... 
or la médecine, en évacuant l’anamnèse au profit du labo, est en bonne voie là-dessus.
l’embryon, c’est un qui ou un quoi ?
nous sommes tous susceptible de valser entre ces deux-là.

Lacan, pose le concept de « Nom-du-Père » comme centralisant l’idée que le symbole, nécessitant le désir, donc l’interdit, donc la loi, suppose la figure du père comme fonction sécante de l’imaginaire qui serait maternel ; mais ailleurs, il dit : 
nous sommes en train de passer d’un univers des « nommés de » (donc descendance, ancêtres, discours, histoire) à un monde des « nommés à » (vous êtes nommé à telle fonction, vous n’êtes plus un « qui », oseriez-vous y prétendre ? passage du discours au performatif pur, et de l’histoire à la géo, pas d’histoire svp !). 
A relire sur ce fil le texte lacanien de 35 « le déclin de la fonction paternelle en occident », c’est non seulement le fait qu’un mamouth fabrique désormais 25% d’illétrés qui serait éclairé, mais c’est aussi le fait que tout le discours politique se trouve assigné au médiatique si bien illustré par votre citation « documentaire » de Morin.

mais pas d’illusions, cette logique n’est pas nouvelle, l’histoire d’une sortie d’egypte se conte d’une manière très précise : 
les tous premiers mots du Livre de l’Exode sont bien très exactement, Exode 1.1 :
« Voici les noms... »
ainsi toute l’histoire de Moïse est celle du passage d’un univers pharaonique où l’on n’est que des « quoi », vers un autre univers, où l’on va devenir des « Qui », on va entrer dans l’Histoire, la faire, s’inscrire, etc. - SubjectivationS...

Reste Guy Debord qui pose tout de même l’équation que : 
le contraire exact de l’Histoire n’est rien moins que le Spectacle 
spectacle au sens large, donc bien plus que ciné et télé : 
la manière dont je me déroule et représente ma propre vie étant devenue spectaculaire, elle induit d’office l’injonction « oui, mais attention, pas d’histoire(s)... »
Or une rue, comme dit Kafka, raconte déjà toute cette mort, 
lorsqu’il s’étonne de n’y voir que des individus isolés se hâtant de quitter continuellement la place où il se trouvent, sans se croiser, dans un univers de cotillons fanés...

un dernier point sur l’espace que vous évoquez longuement : 
revenant à la mise en place par descartes de la notion de « substance-étendue », Heidegger choisit de forger le concept nouveau de « dimensionnal », c’est-à-dire de « dimension de la dimension »... 
le fait selon lui de penser l’espace d’abord comme mesurable, et selon trois dimensions, est déjà une réduction, avant même de passer du 3D au 2D. 
Je n’aurais pas le temps de développer, ni même de vous ramener des liens, mais vous saurez y faire.

à plus tard, le réel, en 2D, et en mode « quoi », m’appelle à sa géographie, sans histoire...

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