On disait laveuse jusqu’à ce qu’une mode venue du Portugal et parfois du Sud Est en fassent des lavandières. Le mot est plus poétique, il ne correspond nullement à la rudesse de la tache. Je vous conseille un merveilleux spectacle dont je vous adresse coipe de mon compte rendu.
Paroles
de lavandières …
Elles
lavaient le linge sale des autres familles.
Pendant
qu’il en est encore temps, les membres des compagnies d’Ô et du
Battement d’Elle se sont lancées dans le collectage des souvenirs de
nos lavoirs, quand ceux-ci résonnaient des papotages des dames au
battoir et à la langue bien pendue. Elles ont recueilli de jolis
fragments de vie, de belles histoires personnelles, simples et
émouvantes. Elles nous proposent ainsi un spectacle magnifique qui
nous entraîne au cœur d’une France qui n’est plus.
Elles
sont quatre à battre le linge tout en nous prenant par la main et le
cœur. Elles cancanent, elles papotent, elles se livrent, elles se
confient, elles s’encolérent, elles se gaussent. Elles sont tout à
la fois, tous les visages de ces femmes simples qui étaient les
petites mains de nos rivières. Elles nous livrent ainsi une
quinzaine de portraits, des instants de vie, des fragments émouvants
et d’une grande justesse.
Les
quatre actrices sont tour à tour toutes les figures de la femme qui
trime, souffre, aime, pleure, rit, travaille et peine. Elles sont
archétypes d’une condition laborieuse. Elle nous livrent des
témoignages touchants, émouvants, drôles, tristes, poétiques,
intimes. Nous passons d’un tableau à l’autre autour de ce lavoir et
de ces beaux draps blancs qui volent au vent.
Il
y a Rose qui aime son bonhomme. Il lui a fait des enfants en
ribambelle ce qui ne l’empêche pas de venir s’user les mains et le
dos pour gagner une misère qui ne suffit pas à nourrir
convenablement toutes ces bouches. Il y a Juliette, louée très tôt
au service d’un bourgeois de la ville. Elle a dû batailler ferme
pour préserver son honneur et se retrouve aussi au battoir au bout
de sa vie de femme au travail.
Il
y a encore les histoires de filles qui deviennent femmes, des linges
qui rougissent et les complications qui arrivent. Les herbes qui font
passer la chose et ces hommes qui n’en ont jamais assez. Il y a les
douleurs des couches, la joie des épousailles, la douleur des décès,
le bonheur d’un petit baiser, la souffrance d’une tromperie …
Les
langues s’agitent, elles disent le bon tout comme le mauvais, elles
aiment à salir la voisine, à médire des notables, à répandre la
rumeur, à propager les secrets. Elles se plaisent surtout à se
raconter, à ouvrir la boîte à sentiments, le coffret à bonheur,
le coffre à douceur. Elles battent le linge et nous entrons au cœur
d’une conversation intemporelle qui pourtant est si datée.
Il
y a la guerre, l’exode, les travaux harassants, les enfants qui
meurent en bas âge, le poids des hommes et des conventions. Il y a
encore une vie qui allait son train au rythme des saisons, des
métiers durs comme ce n’est pas permis, des conditions terribles et
l’absence de perspectives pour ces femmes qui du matin au soir
brisaient leur dos pour faire le linge plus propre !
Je
mélange à plaisir ce que Françoise, Brigitte, Chantal et Nathalie
nous ont confié dans un jeu délicat et si simple à la fois. Elles
ont recueilli une mémoire, elles lui redonnent vie. Elles nous
offrent un spectacle merveilleux. N’attendez rien d’exceptionnel, ni
une aventure mirifique. C’est du quotidien d’un passé révolu
qu’elle font une merveilleuse page d’une histoire si proche de nous.
Vous
ne pourrez plus jamais passer devant un lavoir ou notre bateau-lavoir
sans vous souvenir de ces fragments de vie, de quelques clichés qui
vous sont restés gravés au plus profond de l’âme. Car nos
lavandières sont de troublantes sorcières, elles nous ont distillés
des potions étranges qui ont aboli le temps.
Ne
manquez pas ce spectacle. N’hésitez pas à contacter les dames
lavandières, elles vous feront tourner les sangs. Les deux
compagnies sont installées dans notre pays ligérien. Bon nombre des
anecdotes mises en mots viennent d’ailleurs de récits collectés à
la maison de retraite de Saint Benoît sur Loire.
Lavandièrement leur.