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Commentaire de Grégory Chidiac

sur Appel pour l'intelligence


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Grégory Chidiac (---.---.230.40) 3 mars 2007 12:04

Monsieur Bilger,

Sans partager vos opinions, j’apprécie généralement vos billets, fluidement construits, et intelligemment écrits. Mais il semble que vous vous êtes laissés aller, dans celui-ci, à une auto-contradiction flagrante, doublée d’une certaine posture anti-intellectualiste assez décevante dans son caractère généralisant.

Concernant votre contradiction, vous raillez quelque peu ces personnalités parce que précisément ils soutiennent Ségolène Royal, et que vous soutenez ouvertement Nicolas Sarkozy. Vous êtes donc dans une démarche strictement identique ; symétrique plutôt. Vous stigmatisez le caractère partisan de tout engagement politique de gauche, mais vous-mêmes ne cachez pas le fait que vous avez tranché pour un camp, et pas pour un autre. Tout choix est discriminant. D’autre part, vous prenenez la parole sans que l’on vous la demande pour exprimer votre point de vue, et c’est exactement ce que font ces personnalités. Rien de mal à ça, c’est la démocratie. « La démocratie d’opinion », vous entends-je déjà murmurer.

La démocratie d’opinion n’est que la forme contemporaine de la démocratie, cette démocratie comme processus, insupportable à Monsieur Finkelkraut, mais que j’appelle processus d’émancipation, permise par les moyens technologiques, dont ni vous, ni Monsieur Finkelkraut ne se privent d’usage. J’admet que certains des aspects de cette démocratie vont trop loin, notamment dans le caractère médiocre de certains commentaires ou de certains articles de blogs. Mais elle n’est certainement pas à jeter. Jamais les citoyens n’ont pu s’exprimer si librement, qu’ils soient artistes, intellectuels, juristes, avocats à la cour de cassation, ou simples étudiants comme moi. Jamais par ailleurs, nous n’avons eu une vision aussi précise et aussi claire de ce que « les gens pensent et veulent ».

Permettez-moi de noter par ailleurs, non sans un léger sourire, que Nicolas Sarkozy ne rechigne jamais de son côté à s’afficher auprès de ses « stars », Doc Gyneco (que vous devez beaucoup apprécier), Stevee Boulay, et autres « amis », bref à utiliser cette démocratie d’opinion lorsque l’opportunité médiatique est ouverte. Le soutien public des personnalités à Ségolène Royal vous choque-t-il plus que les rapports d’amitié étroits, et jamais affichés, qui lient NS à certains grand patrons de groupes de presse ou de chaînes de télévision ?

Alors ceci dit, j’admets que cette débauche de moyens médiatiques mis en oeuvre dans la perspective de promouvoir un candidat n’a au fond aucune autre utilité que de créer des évenements afin de structurer « l’actu » scénarisée d’aujourd’hui. Que voulez-vous, c’est le jeu, et NS n’a jamais fait oeuvre de la discrétion médiatique que vous souhaiteriez pour Ségolène Royal.

Il n’empeche que ni ces personnalités, ni les militants des divers partis politiques ne méritent la critique assez acerbe, que dis-je, le réquisitoire que vous faites.

Vous stigmatisez les militants de partis politiques comme étant idéologiquement rigides, d’affreux dogmatiques incapables de pragmatisme ou de réflexion construite et contradictoire. Etant moi même adhérent à un parti, je vous remercie des qualificatifs dont je me suis vu, par ricochet, affublé dans votre article.

Désolé de vous le dire, mais je ne m’y reconnais pas. Un militant a simplement choisi une famille politique pour un ensemble de sensibilités, ou d’insensibilités avec les méthodes et les idées affichées par des partis politiques au terme d’un parcours comparatif. Il essaye de réflechir rationnellement aux solutions à apporter aux problèmes de notre temps, économiques, politiques, sociaux. Un parti n’est pas une religion, et je pense que tous les militants que vous regardez avec une certaine hauteur ne sont certainement pas les zombies idéologiques que vous décrivez. Pour preuve un parti (de gauche en tout cas) est parcouru de courants, d’oppositions, de tensions internes, qui aboutissent à des délibérations contradictoires, puis des compromis. La gauche n’est pas plus idéologique que la droite. Ni moins pragmatique.

J’ajoute pour conclure que rien n’empeche ces personnalités de s’exprimer. En critiquant leur « légitimité » à s’exprimer un point de sur une question politique, vous signalez implicitement la philosophie politique qui guide ceux qui soutiennent Nicolas Sarkozy : celle de l’expression publique « capacitaire », c’est à dire fondée sur le principe que « n’ont le droit de s’exprimer sur la cité ou sur leurs choix politiques que ceux qui sont des experts »légitimes« , à savoir les fonctionnaires, les technocrates, les juristes, les économistes, et les hommes politiques. Tous les autres devraient-ils se taire ? La démocratie ouvre justement le droit à la parole à tous. Vous ayant un peu lu, j’entend déjà votre réponse. »Qu’ils s’expriment certes, mais qu’ils ne fassent pas passer leur point de vue comme une panacée, amplifiée par le haut-parleur médiatique". C’est vrai, mais ça vaut pour tout point de vue subjectif, tout choix, le votre comme le mien, intrinsèquement discriminant.

L’intelligence que vous appellez ne consiste-t-elle pas justement à relativiser et à voir que, dans la démocratie, et à fortiori dans notre République, vous mêmes autant que ces personnalités êtes légitimes à exprimer votre point de vue (liberté), que votre légimité est identique à la leur pour l’exprimer (égalité). Et que c’est enfin la fraternité qui permet que, dans la différence d’idées et d’opinions, on puisse continuer à vivre ensemble, à débattre respectueusement, sans stigmatisations globales.

Cordialement.


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