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Commentaire de Alain SOULOUMIAC

sur Création, croissance et responsabilité


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Alain SOULOUMIAC Alain SOULOUMIAC 31 août 2014 15:07

Lettre de Philippe Berna à Edith Cresson



LETTRE OUVERTE

DE

L’ASSOCIATION DE DEFENSE DES INVENTEURS FRANCAIS

A

Madame Edith CRESSON

Premier Ministre

Hotel Matignon

75007 PARIS


Paris le 5 juin 1991


Madame le Premier Ministre,

Il faut remonter loin dans le temps pour trouver un Premier ministre qui a montré, comme vous, à sa nomination, autant de détermination et autant d’ardeur à vouloir redresser la France. Tant de souci du bien public et de l’intérêt national encouragent les inventeurs que nous sommes à vouloir vous alerter.

A l’aube de son premier septennat, le Président François MITTERRAND avait prescrit :

"Il nous faut mettre en oeuvre une volonté industrielle grâce en particulier au développement de la recherche et de l’innovation."

Il est bien connu en effet que sans innovations, dont la principale source sont les inventeurs (voir en particulier INNOVATION AND ENTREPRENEURSHIP de Peter F. DRUCKER), une entreprise ne peut légalement s’affranchir de la concurrence, et, par conséquent, est vouée à une mort plus ou moins accélérée, avec le cortège des conséquences qu’endure aujourd’hui notre pays :

- inflation du nombre des chômeurs ;

- augmentation du déficit commercial ;

- incapacité croissante à supporter les charges sociales.

C’est dire que si vous ne parvenez pas à mobiliser maintenant les inventeurs français, et pas seulement les quelques inventeurs que compte notre organisation, votre grand plan de redressement est condamné d’avance. Et vous risquez à terme de perdre toute crédibilité et, avec vous, la majorité présidentielle toute entière.

Et que faudrait-il pour mobiliser les inventeurs ?

Tout simplement adopter les deux mesures de propriété industrielle sur lesquels s’appuie l’économie de notre plus grand concurrent : le Japon. Comme l’a rapporté le député Claude GERMON au retour de sa mission dans ce pays en 1985 :

"Les Japonais pensent presque unanimement que le système de propriété industrielle a été le facteur essentiel de la croissance économique de leur pays après-guerre ... Le système de propriété industrielle a joué le rôle de stimulant vis à vis de la concurrence en matière d’innovation, et a permis d’élever le moral des travailleurs japonais et de favoriser la pensée créatrice."

Plus précisément, le Professeur Teruo DOI, de l’Université WASEDA de Tokyo, a déclaré :

"The remarkable achievements of Japanese companies in terms of technological advance during the past three decades after the war, could not have been made without adequate incentives for employees’ inventive activities. Such incentives include the legal protection of the rights of employee inventors and the provision of compensation for their inventions".


Depuis trente ans, les Japonais appliquent tranquillement un cocktail de deux mesures, une sorte de fusée à deux étages :

- premier étage : le système du premier inventeur (alinéa 6 de l’article 39 de la loi japonaise sur les brevets)

- deuxième étage : intéressement des inventeurs salariés aux profits générés par leurs inventions de mission (alinéas 3 & 4 de l’article 35 de loi japonaise sur les brevets).

Grâce à cette fusée la courbe des dépôts de demandes de brevet s’est envolée au rythme de 8,5% l’an et le Japon est devenu le premier producteur d’innovations du monde (50 fois plus de dépôts de brevets au Japon qu’en France). A coté de cela, aux USA avec seulement le premier étage et en Allemagne avec seulement le second étage de cette fusée, la courbe stagne et ces deux pays, qui ont encore de bons résultats économiques, commencent à souffrir sérieusement de la concurrence japonaise.

En France, sans aucun de ces étages, la courbe des dépôts régresse et l’économie s’effondre.

Pays des droits de l’homme, la France manque à son destin. Le 7 janvier 1791, l’Assemblée Nationale avait voté, dans le cadre de l’article 17 de la Déclaration de 1789, une loi sur les brevets qui conférait à l’inventeur la propriété de son invention (ce que respecte la loi japonaise en vigueur).

En 1844, cette loi a été remplacée par une loi contraire, qui a introduit le système du premier déposant, système consacré par la loi actuelle (de 1968, modifiée en 1978 et 1990). Parce qu’il expose les inventeurs salariés ou indépendants au pillage de leurs inventions par les entreprises, ce système les incite à garder secret le fruit de leurs découvertes.

Le plus fâcheux c’est qu’en appliquant la loi actuelle des brevets, la France viole un Pacte de la Charte Internationale des Droits de l’Homme que le Parlement français a approuvé le 4 novembre 1980, Pacte qui a une autorité supérieure aux lois en vertu de l’article 55 de notre Constitution. L’article 15.1.c du Pacte des Droits Economiques, Sociaux et Culturels, accorde en effet aux créateurs industriels les mêmes droits moraux et matériels sur leurs créations qu’aux créateurs artistiques car les Etats parties au présent pacte reconnaissent à chacun le droit de :

"bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur".

Ce qui fait que si la France respectait vraiment les Droits de l’Homme, ses entreprises industrielles pourrait caracoler aux premières places mondiales comme le font leurs homologues artistiques, en particulier dans le domaine de la Haute Couture.

"Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des Droits de l’Homme sont les seules causes des malheurs publics", nous restons évidemment à votre disposition pour vous fournir tout éclaircissement, référence, ou détail supplémentaire.

Le passé a largement démontré que vouloir redresser l’économie à coups d’aides financières aux entreprises sans que celles-ci disposent réellement d’innovations, revient à vouloir relancer la production d’un champ par des apports massifs d’engrais en oubliant les semences dans le sac.

Vous pouvez être assurée, Madame le Premier Ministre, de toute notre considération

 Philippe BERNA


2 rue du Clair Soleil - 86130 JAUNAY CLAN


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