Napoléon fut certes
un despote relativement éclairé, mais ce qui veut dire au final, un
despote. Et il était animé d’une volonté de conquête militaire
inextinguible. Il a voulu amener les idées du rationalisme
révolutionnaire (libéral pour l’époque) en Europe, contre le
passéisme des monarchies absolutistes, mais par la violence et la
contrainte, comme les révolutionnaires qui l’avaient précédé. En
fait, il a agi comme les néo-conservateurs qui ont amené par la
force leurs idées libérales en Irak contre une dictature fermée.
Au bout d’un moment, les européens ont fini par en avoir marre qu’on
les oblige par la violence à changer dans le sens des idées des
Lumières. Alors, on eut une Europe du congrès de Vienne qui fut
certes conservatrice, mais pacifique et relativement éclairée et habitée
de l’esprit des Lumières, à l’image de Napoléon, quoi...
De Gaulle, lui, fut
un Napoléon frustré. Encore pourvu d’un empire extérieur, il dut
se résoudre à le diriger en sous-main à l’époque des
décolonisations. Ce qui fut encore assez réussi, le
néo-colonialisme se révélant même à bien des égards plus facile
pour le colonialiste. Mais en Europe, il ne fut jamais doté d’aucune
influence, et ne joua qu’un rôle très secondaire dans la seconde
guerre mondiale. Il ne cessa de récriminer pour qu’on laisse à la
France une grande influence, alors qu’aucune ne lui était due sur le
terrain, et ne cessa de grandir son influence. Sans les alliés, De
Gaulle n’était rien. La France était un pays vaincu en 1940, et qui
le serait resté sans le rôle essentiel des USA, tant dans le
débarquement que dans le soutien logistique à l’URSS. Que cela
plaise ou non, c’était ainsi. La France, et De Gaulle qui avait
tendance à se confondre avec elle, n’obtint un strapontin que grâce
à l’influence de Churchill craignant de se retrouver isolé face aux
deux grands (USA et URSS), Churchill qui pourtant n’appréciait pas
De Gaulle et que ce dernier haïssait pour ne pas "reconnaître
l’importance de la France". Il pouvait se montrer un peu ingrat.
Ne réussissant ensuite pas à faire passer ses idées politiques en
France après la guerre, n’appréciant pas de devoir composer avec
une Assemblée, alors qu’il estimait que sa seule stature historique
lui donnait le droit d’occuper la tête de l’Etat, comme son illustre
modèle quoi, il se retira de la vie politique et ne revint qu’à
l’occasion d’une grave crise politique qui aurait pu déboucher sur
un régime militaire. Cela n’arriva pas, mais à la place on a quand
même eu une Vème République aux tendances autoritaires
indéniables.
Dans tous les cas,
les dirigeants français ne se seront pas grandis en ne se rendant
pas à la commémoration de Waterloo, et en s’opposant à la sortie
d’une pièce belge commémorative. Non seulement ils auront montré
qu’ils étaient mauvais perdants, ce qui ne provoquerait encore
qu’hilarité sur leur immaturité, certes sérieusement préoccupante,
mais plus grave, ils auront semé le doute sur la persistance de
sentiments impérialistes chez eux. L’Europe est bien partie...