Cher Grand Ancien,
Votre très lointain bazar s’engagea quand vous quittèrent l’institution.
L’ennemi était effectivement devenu rouge et la terre d’Afrique ressemblait
pour beaucoup déjà à un mythe ancien inaccessible à la plupart, sauf à recourir
aux services de Nouvelles Frontières. Seuls quelques privilégiés dont je fus
purent connaitre quelques contrées ayant fait partie de nos colonies, et où
finalement, quelque 20 ans après la décolonisation nous étions fort bien
accueillis par les populations. Comme quoi la France passe souvent pour plus
hideuse chez elle que chez « ses victimes ». Mais ça il ne faut pas le
dire.
Evidemment votre texte m’intéresse en tant que témoignage
d’un officier d’une autre génération sur ce qui est le sens de l’engagement.
J’ai souri quand vous avez évoqué votre départ et les raisons de celui-ci, car
les raisons du mien correspondent également à un changement fondamental de
notre posture militaire. J’ai en effet pour ma part assisté à ce phagocytage
progressif de notre défense (et donc de notre politique étrangère) par l’OTAN.
Un processus qui démarra sous Mitterrand, fut poursuivi avec zèle par Chirac,
malgré le sursaut de 2003, pour se terminer avec la réintégration sous Sarkozy.
C’est lui qui devant l’histoire portera la responsabilité d’une décision qui
lui aura finalement beaucoup échappé puisque ce n’était qu’un aboutissement
logique d’une politique visant justement à donner un point final à celles
étrangère et de défense. Après avoir abandonné les politiques économique,
financière et monétaire aux instances technocratiques européennes, c’était bien
le moins que d’abandonner ce qui nous restait de souveraineté pour que nos
hommes politiques puissent enfin se consacrer à l’essentiel, à savoir l’égalité
hommes-femmes, le mariage pour tous, le droit à l’enfant, et le statut de la
première dame autoproclamée. Le tout évidemment enrobé de moraline avec,
puisque ça semble être acquis, la prochaine impossibilité pour les déviants,
entendre ceux qui revendiqueraient certains particularismes culturels et entreraient
ainsi dans le cadre de l’apologie de la haine raciale ou religieuse, etc., de
représenter le peuple français. Cette dernière notion devrait d’ailleurs cesser
d’exister puisque si selon notre génial
président il n’y a pas de culture française, il n’y a aucune raison qu’il
existe une nation et un peuple français. Nous parlerons donc en bon
multiculturalistes de peuples en France.
Et donc voilà pourquoi j’ai souri quand vous évoquiez votre
départ. Car si vous pouviez vous interroger sur le sens de l’engagement d’un
officier de ma génération, je m’interroge également sur celui d’un jeune
officier aujourd’hui.
Mais davantage qu’une interrogation, c’est une inquiétude
qui me saisit. Comme vous l’écrivez justement et comme votre expérience
personnelle vous l’a fait découvrir, l’histoire n’a que le sens qu’on lui
donne, à comprendre évidemment comme la direction qu’on lui indique quitte à
s’appuyer sur un sens perverti du passé.
Si la place de l’esclavage, de la colonisation, en fait de toutes les
horreurs qu’on impute à la France selon une grille de valeurs très
contemporaine, s’est ainsi élargie dans les programmes d’histoires de nos
enfants, ce n’est évidemment pas un hasard. Il faut apprendre à nous haïr assez
pour souhaiter notre disparition.
Et voilà donc ce qui m’inquiète. Je pense que vous ne me
contredirez pas si je déclare que si les militaires n’écrivent pas l’histoire,
ils ont été travers les siècles un
instrument privilégié entre les mains de ceux qui l’écrivaient. En France il y
a eu en effet très peu confusion entre les pouvoirs militaires et civils. Le Consulat
et le Premier Empire sont une des rares exceptions. Il était d’ailleurs inutile
et con que Macron vienne devant les armées pour dire "c’est moi le
chef". Ridicule personnage ! Et donc ce que je vois, ce que j’ai vu à
mesure que les années passaient, quand j’étais dedans, puis dehors, c’est que
l’instrument était de plus en plus maltraité, d’autant plus maltraité que finalement
plus personne ne voulait plus écrire notre histoire, notre histoire commune,
prolongation des siècles passés. Le court terme ce sont les prochaines
élections qui deviennent l’objectif prioritaire une fois celles qui vous ont
porté au pouvoir achevées. Et le long terme, c’est la disparition, la dilution
dans quelque chose qu’on ne peut guère décrire, la mondialisation peut-être et
certainement pas heureuse pour le plus grand nombre, la fureur islamique plus
surement en ce qui nous concerne. Et dans ce processus que devient l’armée, que
deviennent les militaires et donc les officiers ? A quoi peuvent-ils encore
servir si leur rôle d’instrument de l’écriture de notre histoire est révolu ?
Leur reste-il à être les complices en tant que moyen de police internationale,
car l’intégration à l’OTAN peut conduire à cela, de l’instauration d’un ordre
mondial participant à la disparition de leur pays ? Seront-ils conduits dans un
avenir plus proche à devenir, ils le sont déjà de fait avec l’opération
Sentinelle, des supplétifs des forces de police sur le territoire ? Tout ça est
inquiétant. Et suffisamment pour que je souhaite que mes enfants ou
petits-enfants n’aient pas l’idée de suivre la voie que nous avons tous deux
suivie dans d’autres temps.