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Commentaire de

sur Rémunérations des grands patrons : too much


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(---.---.110.34) 26 juin 2006 10:44

STOCK-OPTIONS : LE SCANDALE DEMEURE

Grâce à ce système, 28 000 hauts dirigeants de société, en France, se partagent 45 milliards de francs. Contre un engagement de transparence sur ces primes pharaoniques, le MEDEF aimerait obtenir un allégement fiscal.

Le système vient d’outre-Atlantique, et il fait maintenant fureur en France. Nom de code : stock-option. En clair, il s’agit de la possibilité offerte aux hauts dirigeants d’une société « d’acheter à un tarif promotionnel des actions de leur entreprise, et d’en lever l’option », selon le terme convenu, au moment le plus propice, c’est-à-dire lorsque l’action a atteint des cimes. Par les temps qui courent, temps d’ascension incessante de la Bourse, c’est un « véritable bingo ». En annonçant, la semaine passée, sa recommandation de pratiquer la transparence sur les rémunérations des dirigeants, le MEDEF a précisé que cela recouvrait l’ensemble des revenus, stock-options incluses. C’est heureux ! Selon une enquête du magazine l’Expansion, quelque 28 000 dirigeants et hauts cadres se partageaient en septembre dernier, grâce à ce système, une plus-value potentielle de 45 milliards de francs. Huit mois auparavant, cette fortune n’atteignait que 27 milliards. Les stock-options représentent de 100 % à 200 % et plus du salaire de leurs bénéficiaires.

Les 230 millions de francs empochés par Philippe Jaffré, l’ex-patron d’Elf, lorsqu’il a dû, à l’automne dernier, rendre son tablier après avoir perdu la guerre des OPE avec Total, ont donné une idée du rendement possible du système pour un individu. Le pauvre Jaffré, jeté en pâture à une opinion publique médusée, fait toutefois presque figure de nain à côté du recordman de la discipline : Claude Bébéar, PDG de l’assureur Axa, crédité, lui, d’un gain de plus de 1 milliard de francs. À comparer avec les quelque 15 millions de francs annuels de salaire qu’on lui prête.

Dans les milieux patronaux, on défend la légitimité, quasi naturelle en somme, de ces super-bonus : il s’agit d’inciter à la performance, et de récompenser l’efficacité en la matière. Par performance, on entend la fameuse « création de valeur », la montée de l’action (et donc des dividendes), qui est désormais l’alpha et l’oméga, LA mesure de la bonne gestion des grands groupes. Et il va de soi, pour les mêmes, que cette création puisse se solder par la destruction d’emplois. En revanche, et suivant le fil de la même pensée, il est injuste de taxer les stock-options comme le fait l’État aujourd’hui. « Attention ! les 230 millions de Jaffré, le milliard de Bébéar, c’est avant impôts ! », pleurent de bonnes âmes patronales. À l’heure actuelle, ces revenus sont imposés à 40 %, bien moins que les revenus (54 %). Il y a un an, Dominique Strauss-Kahn avait projeté d’abaisser ce taux à 26 %, moyennant un effort de transparence des patrons sur ces rémunérations. Le projet avait avorté et, neuf mois plus tard, renversement de vapeur à la suite du scandale Jaffré, l’Assemblée nationale était saisie d’une proposition d’amendement à la loi de finances 2000 visant, cette fois, à relever le taux d’imposition. Las, à peine déposé, l’amendement Jaffré était enterré. Pour la moralisation des stock-options, on était désormais prié d’attendre la présentation, au premier semestre 2000, d’un projet gouvernemental sur l’épargne salariale.

Le MEDEF a choisi d’attaquer toutes affaires cessantes. Son calcul : jouer la transparence sur les méga-revenus des patrons, en défendant vigoureusement leur prétendu bien-fondé, pour mieux obtenir un allégement fiscal. La publication, dans les prochains jours, du rapport du député socialiste Balligand-Foucault sur l’épargne salariale et la perspective du projet de loi sur le sujet vont relancer le débat. Au-delà de la taxation des stock-options, faut-il, d’une manière ou d’une autre, au nom d’une plus juste répartition des richesses, étendre le système à l’ensemble du personnel des entreprises ? « En somme, traduit-on à la CGT, opposée au principe même du projet, faut-il renforcer une logique de revenus patrimoniale », axée sur la seule recherche du meilleur profit financier, de la plus forte valeur pour la société des actionnaires (avec les conséquences que l’on sait sur les salaires, bridés, et l’emploi, comprimé) ? Ou bien soutenir une logique salariale, profitable, elle, à la société en général, celle des citoyens ? Toutes les cartes, tous les éléments d’une problématique qui met aussi en jeu la protection sociale et son financement, devront être mises sur la table.

Yves Housson

Article paru dans l’édition du 29 janvier 2000.source ! l’huma


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