« 3 h 10 pour Yuma », une Amérique de légendes...
Je viens de voir 3 h 10 pour Yuma de James Mangold, avec notamment Russell Crowe, Christian Bale et Peter Fonda. Ce film de 2 heures et 2 minutes a le goût des chiffres (3 h 10 donc / mais aussi 22 hold-up au compteur du truand Ben Wade / 200 $ de prime pour le convoyeur Dan Evans s’il réussit / 1 000 $ promis par Wade à Evans sur les 10 x 1 000 $ de son précédent coup / Wade s’est échappé 2 fois de Yuma / les desperados de la bande de Wade sont-ils 7 ou 8 ? demande-t-on à un gamin qui fait le gay, euh pardon, le guet et ainsi de suite). Ce film de chef de gare (!), à tendance train-fantôme (le train qui donne le titre au film arrivera désespérément en retard), est le remake - cinquante ans après pour être exact - d’un film de 1957 signé Delmer Daves, Trois heures dix pour Yuma, d’après un scénario d’Elmore Leonard, auteur chouchou, comme on le sait, entre autres, de Tarantino.
Le pitch est simple : il s’agit d’un « duel » entre un bandit, Ben Wade, et un fermier, Dan Evans. Celui-ci, revenu blessé de la guerre de Sécession, est un brave fermier avec femme et enfants sans le sou. Parce qu’il a besoin d’argent et parce qu’il veut coûte que coûte retrouver l’estime de son fils aîné (Will, 14 ans) qui le prend pour un branquignol, Evans accepte de convoyer Wade à la ville voisine - Yuma - où passe le train (qui) sifflera trois fois, ou presque. Mais le chemin (de traverse) est semé d’embûches et de coups bas. C’est un western se voulant psychologique, hanté par le passé, à l’instar par exemple de
A part ça, le film se laisse voir avec plaisir, c’est un cinéma de grands espaces (on va de Bisbee à Yuma via Contention) et d’acteurs cinémascopiques à souhait (face-à-face d’acteurs bankable), James Mangold étant à l’aise pour jouer, à
Pour autant, malgré ces quelques défauts (un trop-plein dans la digression scénaristique), il s’agit tout de même d’un bon western classique et ça fait du bien. Question western, on en était resté à Impitoyable (1992) d’Eastwood (chef-d’œuvre crépusculaire de l’ami Clint rendant hommage à ses pairs, Don Siegel et Sergio Leone) ou encore à l’honnête Open Range (2004) de Kevin Costner, et on prend donc plaisir à retrouver un western qui ne se perd pas trop en route. Contrairement à un Sam Raimi (Mort ou vif,1995), il ne tombe pas dans la parodie quelque peu éculée du western-spaghetti, exit ici Trinita et autres Plata (ouf !), on pense tout de même à Leone (celui qui interroge les mythes et les icônes de l’Ouest, notamment dans sa production internationale Mon nom est Personne) et on se rapproche aussi d’un traitement bouseux, bourru et vieilles charrues du western, façon les impeccables cases vintage de Blueberry signées Charlier & Jean Giraud, alias Moebius. Oui, le film n’est jamais aussi bon que lorsqu’il est à l’image des brutes épaisses qui le parsèment. Son côté charpenté, massif, façon le physique brut de décoffrage de Russell Crowe, emporte in fine le morceau. Bon, franchement, la copie (Mangold) ne vaut pas l’original (Daves), mais ça reste de la belle ouvrage yankee - donc du 2 étoiles (de shérif !) sur 4 pour moi. En outre, la fin est très bien : la scène de pétarade tonitruante dans Contention. Ca pète de partout, le décor de la ville fantôme s’apparente alors à un décorum de parc d’attraction, style jeu de Mikado ou de dominos qui s’écroulent tel un château de cartes ou un château en Espagne, et on sent bien alors que Mangold se soucie moins de vraisemblance ici que d’une post-modernité qui s’affiche comme telle : ses acteurs jouent résolument aux cow-boys comme dans un jeu vidéo virant au jeu de massacre, la légende de l’Ouest est bien une légende et, de temps en temps, pour faire rêver les (grands) gamins d’hier et d’aujourd’hui, il est encore bon de sentir souffler le vent de l’héroïsme, même inauthentique, et d’appliquer à la lettre la fameuse devise de John Ford (L’Homme qui tua Liberty Valance), possible définition de l’Amérique (de légendes), « Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende ! »
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