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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > A voir ou revoir : Des souris et des hommes

A voir ou revoir : Des souris et des hommes

 Depuis le 30 novembre, Des souris et des hommes, l’un des chefs d’œuvre* du génial Steinbeck est, jusqu’au 6 février 2011, à l’affiche du théâtre parisien du Petit Saint-Martin** dans une superbe adaptation de Marcel Duhamel. Á voir absolument !

Il y a déjà eu dans le passé de nombreuses adaptations théâtrales du formidable roman de John Steinbeck, mais contrairement à certaines d’entre elles, celle de Marcel Duhamel colle si parfaitement à l’œuvre de l’auteur californien que l’on pénètre totalement dans l’univers des protagonistes et au cœur du drame qui va se nouer tout au long des deux heures du spectacle. Et c’est assommé par l’émotion que l’on quitte la salle, dévasté par l’irréparable gâchis auquel un destin prévisible a condamné les deux héros de cette tragédie.

Des héros si différents et pourtant si proches ! Et tellement chargés d’humanité, chacun à leur manière : George le sage et son ami Lennie, un colosse attardé mental qui, sans la protection de George, n’aurait pas l’ombre d’une chance de survivre à la cruauté des hommes dans cette Californie rurale écrasée de chaleur et soumise aux impitoyables règles de vie nées de la Grande dépression.

Une vie rude pour tous, et particulièrement pour ces deux là, sans cesse jetés sur les routes à la recherche d’un nouvel emploi saisonnier pour survivre quelques jours ou quelques mois de plus, jusqu’à la prochaine faute de Lennie. Survivre, mais aussi alimenter le rêve aux allures de chimère qu’ils poursuivent depuis qu’ils ont quitté leur ville natale d’Auburn. Un rêve auquel ils s’accrochent et qu’ils se racontent et se racontent encore, avec chaleur pour George, avec l’exaltation d’un enfant pour Lennie : celui de la petite ferme qu’ils achèteront un jour, lorsqu’ils auront pu réunir les quelques centaines de dollars nécessaires, et dans laquelle ils pourront vivre, loin de la méchanceté des hommes et des provocations que suscite bien involontairement Lennie.

George et Lennie sont seuls en scène au début de la pièce. Lennie cache dans sa veste de toile une souris morte qu’il caresse comme il caressait naguère les souris que lui donnait sa tante à Auburn avant de les tuer, faute de maîtriser sa force. Tout le problème de Lennie est là, dans cette passion qu’il éprouve à caresser ce qui est doux, que ce soit un pelage ou un tissu, que ce soit une souris, un chiot ou la robe d’une jeune fille qui, contrairement à un petit animal, se met à hurler de peur en provoquant la panique de Lennie. Et c’est ainsi que George, une fois de plus, à dû fuir pour sauver Lennie d’un probable lynchage.

Embauchés grâce à George dans un ranch du côté de Soledad, les deux amis se retrouvent très vite confrontés à un double problème personnifié par les personnages de Curley, le fils du patron, un être veule et provocateur, et de sa jeune et séduisante épouse, trop souvent égarée du côté des hangars où travaillent ces hommes sans femme qui, le dimanche venu, vont dépenser quelques dollars au bordel.

Dix personnages se relaient sur scène : neuf hommes et une seule femme, interprétée par Gaëla Le Dévéhat. Mais si l’on prend un vif plaisir à les voir évoluer, c’est tout naturellement vers Philippe Ivancic (Lennie) et Jean-Philippe Évariste (George), par ailleurs metteurs en scène de la pièce, mais aussi vers Jacques Herlin, dans le rôle du vieux Candy, que vont les applaudissements les plus nourris. Avec une mention particulière pour Philippe Ivancic dont la composition, ahurissante de vérité et sans aucun doute épuisante, a été fort justement saluée par tous les critiques.

Il est des spectacles que l’on recommande sans la moindre hésitation et avec enthousiasme. Des souris et des hommes fait partie de ces pièces de théâtre, pas si nombreuses, que l’on peut aller voir avec l’assurance de vivre un grand moment.

 

* Pour mémoire, rappelons que Steinbeck est également l’auteur de Á l’est d’Eden et Les raisins de la colère.

** 17 rue René Boulanger, Paris 10e (près de la porte Saint-Martin)

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25 réactions à cet article    


  • Georges Yang 23 décembre 2010 11:33

    Steinbeck, « communiste et obscène » selon les mots de l’Amérique puritaine de son époque qui n’a guère évoluée avec les Bush
    Steinbeck combattit les injustices sociales, les effets de la crise de 29et la morale rigoriste de son époque, il reste d’actualité en 2010
    Moins connu, A un Dieu inconnu, intéressant pour le retour à l’animalité et au néo paganisme


    • Fergus Fergus 23 décembre 2010 12:00

      Salut, Georges.

      L’Amérique profonde ne semble en effet guère avoir évolué, en effet, et c’est consternant.

      Merci de me remettre en mémoire Au Dieu inconnu, l’un des rares livres du Steinbeck des années 30 que je n’ai pas lus. Je vais essayer de mettre la main dessus à la bibliothèque dans les prochains jours.

      Bonne journée.


    • antonio 23 décembre 2010 15:47

      Merci par votre article de rendre ainsi hommage à Steinbeck, l’auteur aussi de « Les raisins de la colère », « A l’est d’Eden », « La perle ».
      Au collège, il m’est arrivé d’étudier avec les élèves « Des souris et des hommes » ainsi que « La perle »Et ces deux oeuvres plaisaient beaucoup. Ils étaient très touchés par le personnage de Lennie et par les valeurs qu’incarnait le personnage de George..


      • Fergus Fergus 23 décembre 2010 17:28

        Bonjour, Antonio.

        Merci pour votre commentaire. Ces deux oeuvres sont, comme souvent chez Steinbeck, chargées d’humanité et d’émotion, « La perle » étant construite comme une fable dont la morale intemporelle échappe manifestement à notre oligarchie.

        Comme vos élèves, j’ai été touché par Lennie et George durant mon adolescence, et le souvenir de cette lecture ne m’a jamais quitté.

        « Des souris et des hommes », une oeuvre puissante à mettre entre toutes les mains.


      • Fergus Fergus 23 décembre 2010 17:42

        Bonjour, Egosum.

        Quel dommage que vous n’aimiez pas le théâtre ! Mais vous avez sans doute de bonnes raisons pour cela, et j’avoue que je serais curieux de les connaître, non par indiscrétion mais pour comprendre comment il est possible que l’on puisse rejeter une forme d’art et d’expression qui remuait déjà le public, tous milieux confondus, dans l’antiquité.

        Cela dit, la lecture est en elle-même un formidable moyen de pénétrer dans un univers autre que le sien. Mais peut-être préférez-vous en appeler à votre imagination pour faire vivre les personnages.

        Pourquoi pas ? mais les deux formes sont souvent complémentaires. Et le roman ne peut effacer le formidable talent des auteurs de théâtre, tels le Rostand de « Cyrano de Bergerac », le Corneille de « L’illusion comique » ou même, plus ancien encore, le Ben Jonson de « Volpone » (actuellement à l’affiche de la Comédie Italienne à Paris) pour ne citer que ces trois oeuvres.


      • Aafrit Aafrit 23 décembre 2010 17:30

        Merci pour le texte.Il mérite d’être regardé ou/et lu.
        Cet auteur autodidacte, Steinbeck (clin d’oeil à l’auteur) qui, par des mots simples et joliment dits, a su déconstruire quelques certitudes de ce monde très complexe. 

        Un passage sublime sur un phénomène qui reste d’actualité : ( La nuit tombe.Le bébé a froid.tenez, prenez cette couverture.Elle est en laine.C’était la couverture de ma mère..prenez la pour votre bébé.Voilà ce qu’il faut bombarder.C’est le commencement... du « je » au « nous ».
        Si vous possédez les choses dont les autres manquent, si vous pouviez comprendre cela, vous pourriez peut être échapper à votre destin.Si vous pouviez séparer les causes des effets, si voous pouviez savoir que Paine, Marx, Jefferson, Lénine furent des effets, non des causes, vous pourriez survivre.Mais cela, vous ne pouvez le savoir.Car le fait de posséder vous congèle pour toujours en « Je » et vous sépare toujours des « Nous » )- Raisins de la colère, J S.


        • Fergus Fergus 23 décembre 2010 17:59

          Bonjour, Aafrit.

          Merci pour votre commentaire, et notamment ce passage du roman « Les raisins de la colère » qui résume bien le propos de ce formidable livre.

          A noter qu’un peu plus tôt, Steinbeck écrit : « Vous qui n’aimez pas les changements et craignez les révolutions, séparez ces deux hommes accroupis. Faites-les se haïr, se craindre, se soupçonner... » Une leçon qu’avec cynisme ont retenu les gouvernants et qu’appliquent tous ceux qui, dans notre société, encouragent l’individualisme en pointant un doigt accusateur sur les mouvements associatifs ou partisans qui, eux, prônent la solidarité et l’entraide.



        • Georges Yang 23 décembre 2010 17:38

          Noter tout de même le côté moralisateur des ouvriers de l’exploitation qui considère l’héroine comme une nympho et son mari comme un vicieux à cause du gant de vaseline


          • Fergus Fergus 23 décembre 2010 18:08

            Re-bonjour, Georges.

            Je ne crois pas que l’on puisse dire que ces ouvriers sont « moralisateurs », ils sont avant tout des hommes sans femme confrontés d’une part au confort matrimonial de Curley dont le gant revêt un aspect symbolique quelque peu exhibitionniste de ce confort sexuel dont sont privés les ouvriers agricoles, et d’autre part au comportement d’une épouse « allumeuse » qui, nous révèle-t-on, a déjà trompé son mari.


          • Georges Yang 23 décembre 2010 17:39

            Et quand Rose de Saron après une fausse-couche donne le sein à un type qui crève de faim, les puritains ont glapi


            • Annie 23 décembre 2010 18:39

              Bonsoir Fergus,
              N’oublions pas que Steinbeck était aussi scénariste, comme beaucoup d’autres écrivains américains, tels Faulkner, Fitzgerald, Chandler, Trumbo etc et que le livre peut presque se lire comme un synopsis de film. C’était la grande époque du cinéma américain, à mon avis, du fait de cette collaboration avec des écrivains de talent. A cause du mc carthysme, beaucoup ont dû renoncer au métier de scénariste, ou travailler sous un pseudonyme comme Trumbo (un de mes héros) dont le nom est aujourd’hui crédité comme scénariste de Spartacus.
              Mais j’ai un faible pour En un combat douteux, qui illustre bien les raisons de l’absence d’une gauche telle que nous la concevons ici aux USA, et de l’échec du syndicalisme. Et pourtant malgré l’antiaméricanisme ambiant dépeignant chaque américain comme un attardé à la solde du capitalisme, les premiers syndicalistes américains et aussi les suivants ont démontré un courage exemplaire face à la classe dominante, qui pourraient en remontrer à nos syndicats français, dans toutes les luttes et les grèves de l’IWW. 
              D’accord, je suis un peu hors-sujet, mais autant j’aime Steinbeck et sa révolte calme, autant Des souris et des hommes ne m’a pas touché comme les autres livres. Je reconnais que la distanciation était voulue, mais avec moi elle est allée trop loin. Cela dit, j’ai lu le livre il y a longtemps.


              • Fergus Fergus 23 décembre 2010 19:12

                Bonjour, Annie, et merci pour votre commentaire.

                Cela fait belle lurette que je n’ai pas relu « En un combat douteux » et vous me donnez l’envie de m’y replonger.

                Comme vous l’avez souligné, ces auteurs américains ont tous, peu ou prou, également été des scénaristes de talent, l’archétype étant sans doute Trumbo avec son chef d’oeuvre « Johnny Got His Gun » qu’il a d’ailleurs lui-même réalisé.

                Ils ont également été, à l’instar d’Edgar Poe, d’excellents auteurs de nouvelles, un genre qui, à l’époque aux USA, n’était pas étiqueté comme mineur. Dommage qu’il soit de nos jours quelque peu délaissé chez nous, nous qui avons eu, avec Maupassant, un formidable auteur de contes et nouvelles.


              • Annie 23 décembre 2010 20:06

                Votre remarque est intéressante. Il est vrai que la nouvelle est un genre toujours prisé dans le monde anglo-saxon. Il suffit pour s’en rendre compte de voir le nombre de modules universitaires qui lui sont consacrés. Tous les grands écrivains anglophones s’y sont essayé, et il est presque incompréhensible que ce genre soit tombé en désuétude en France. Le Clézio et l’exil et le royaume de Camus me viennent à l’esprit, mais il s’agit d’un genre considéré mineur et bien délaissé.


              • Fergus Fergus 24 décembre 2010 10:49

                Bonjour, Annie.

                Il est en effet bien dommage que ce genre soit délaissé en France. Et cela pour plusieurs raisons, de mon point de vue :

                1) L’écriture de la nouvelle demande une grande rigueur et constitue, de ce fait, un challenge intéressant pour un auteur.

                2) Le format d’une nouvelle est parfaitement adapté aux exercices de style et à l’innovation littéraire.

                3) Dans une société soumise à des rythmes de vie accélérés et au délaissement de la lecture notamment chez les jeunes, la nouvelle permet une brève évasion littéraire et constitue en outre un bon moyen de faire accéder à la lecture des personnes peu familiarisées et rebutées par la taille des romans.

                Personnellement, j’en ai une vingtaine « en stock », écrites pour le plaisir ; je ne les ai encore jamais soumises à un éditeur.

                Joyeux Noël !


              • Peachy Carnehan Peachy Carnehan 23 décembre 2010 22:10

                Steinbeck...

                Fergus, tu as bon goût.


                • Fergus Fergus 23 décembre 2010 23:05

                  Salut, Peachy.

                  Je ne sais pas si j’ai bon goût, mais je dois avouer que sur les pièces que j’ai vues cette année, « Des souris et des hommes » était la plus intense.

                  Cela dit, « Parole et guérison » de Christopher Hampton (les rapports de Jung de sa première patiente) et « La Parisienne » de Henri Becque valaient également le déplacement, notamment grâce à la présence de la lumineuse Barbara Schultz, extraordinaire dans chacune de ses prestations.

                  Bonne nuit.


                • Francis, agnotologue JL 24 décembre 2010 09:52

                  Bonjour Fergus,

                  Non content de nous donner envie de voir ce spectacle, vous avez merveilleusement raconté ce roman que j’ai lu il y a si longtemps. Ce roman est un petit bijou, et à vous lire, la pièce que vous avez vue l’est également. Si elle est jouée à Rennes, je tâcherai d’y assister.


                  • Fergus Fergus 24 décembre 2010 10:36

                    Bonjour, JL, et merci pour votre commentaire.

                    Créée à Paris par le Théâtre 13 en 2002, cette version de la pièce a déjà tourné en province mais sans passer, à ma connaissance, par Rennes ou Cesson (je ne l’ai pas vue mentionnée dans Ciné-Scènes). Souhaitons qu’elle reparte pour une nouvelle tournée en passant par notre superbe ville de Rennes.

                    Joyeux Noël pour vous et votre famille !


                  • Francis, agnotologue JL 24 décembre 2010 11:54

                    Joyeux Noël aussi, Fergus, pour vous et votre famille.


                  • Georges Yang 24 décembre 2010 12:07

                    Joyeux Noel et au plaisir de vous lire


                    • Fergus Fergus 24 décembre 2010 13:12

                      Merci pour ces voeux, Georges.

                      Je vous souhaite également de Joyeuses Fêtes de fin d’année.


                    • srobyl srobyl 25 décembre 2010 17:48

                      Bonjour, Fergus
                      L’oeuvre de Steinbeck m’a toujours fasciné. Merci pour cet hommage rendu à l’adaptation théâtrale.
                      J’ai souvenir d’un John Malkovitch incarnant Lennie, excellent, bien que peut-être pas assez mahousse pour le rôle. On préférait le voir là plutôt qu’en amateur céleste de café !
                      Joyeuses fêtes et bonne année à vous


                      • Fergus Fergus 25 décembre 2010 19:02

                        Bonjour, Srobyl, et merci à vous pour votre commentaire.

                        Philippe Ivancic n’a pas non plus une morphologie de colosse mais tout dans son jeu et son attitude laissent penser le contraire. Et les spectateurs y croient.

                        J evous souhaite une excellente fin d’année.


                      • Domino Domino 26 décembre 2010 21:21

                        J’avoue qu’en lisant le dernier paragraphe que j’ai pleuré, ce roman est un hymne à l’humanité.


                        • Fergus Fergus 27 décembre 2010 09:08

                          Bonjour, Domino.

                          Ce roman est en effet très émouvant et, d’un bout à l’autre, imprégné d’humanité, mais sans une once de mièvrerie. 

                          « Des souris et des hommes » : à voir ou à revoir, à lire ou à relire !

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