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« Alma Mahler Eternelle amoureuse » Geneviève Casile au Petit Montparnasse

Le Théâtre nous offre souvent de véritables joyaux. Et là, nous avons droit à un diamant brut… Une Reine à la grâce absolue, l’héroïne tragique qui a joué Electre, Célimène, Bérénice, Andromaque ou Marie Stuart, Elisabeth d’Angleterre, dans un autre registre la comtesse du Mariage de Figaro de Beaumarchais, qui a su s’aventurer sur des terres risquées avec des auteurs contemporains, incarne actuellement, sur la scène intimiste du Petit Montparnasse, une femme célèbre, altière, singulière et mystérieuse.

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ALMA MAHLER Eternelle amoureuse
© J. STEY

Une comédienne exceptionnelle donne corps à une dame d’exception. Mlle Geneviève Casile, Sociétaire honoraire de la Comédie-Française ayant passé plus de trente ans dans la Maison de Molière, aime les personnages amoraux ; on l’avait vu récemment avec Madame Erlynne, mondaine sulfureuse, dans " L’Éventail de Lady Windermere " d’Oscar Wilde.

Aujourd’hui, auréolée d’une étole flamboyante qui rehausse la luminosité de son visage et la blondeur de sa chevelure, elle est corps et âme Alma Mahler, la femme fatale par excellence, qui a fait tourner les têtes, passant d’un homme à un autre, n’obéissant qu’aux mouvements de son cœur, avec la même exaltation qui la caractérisera tout au long de sa vie.

La pièce de Marc Delaruelle est construite sur une série de retours en arrière. Tout commence à New York dans les années 1960 où est installée Alma Mahler veuve et vieillissante.

Elle a écrit ses souvenirs et attend son éditeur sur un canapé d’époque aux formes arrondies derrière lequel trône en permanence une bouteille. Ce détail est important car il s’agit de la "fameuse" Bénédictine, boisson dont elle aura eu tendance à abuser, occasionnant une réplique très drôle : "la Bénédictine ne supporte pas le dé à coudre !".

Ne tolérant aucune contrariété, Alma s’énerve, vitupère devant l’arrivée tardive de celui qui doit corriger les épreuves de ses mémoires avant publication. Et c’est à partir de cette relecture faite ensemble dans son salon qu’on jonglera entre la narration de ses confessions et le revécu des étapes marquantes de sa vie.

Le procédé consistera à se glisser derrière des rideaux lamés or translucides et ainsi, une Alma jeune, interprétée par la merveilleuse Julie Judd, toute en finesse, vient se substituer à l’Alma de 80 ans pour revivre avec une conviction intense les scènes de son existence dans la nébuleuse artistique viennoise et ses liaisons avec des hommes talentueux, tous interprétés par le délicat Stéphane Valensi qui, figure protéiforme aidée par un accessoire ou un costume, sera, tour à tour, son premier amour l’illustre peintre Gustav Klimt de vingt ans son aîné, Gustav Mahler le génie musicien qu’elle épousera, l’excentrique peintre Oskar Kokoschka dont l’amour débordant finira par dépasser les bornes, l’architecte Walter Gropius, fondateur du Bauhaus, le poète Franz Werfel qu’elle dominera jusqu’à un prêtre, le père Hollsteiner, théologien réputé dont elle s’éprendra.

Dans la subtile mise en scène de Georges Werler, Alma dépose avec arrogance au fur et à mesure de son récit, dans un landau placé côté cour, des reliques de ces artistes remarquables, ainsi une partition de Malher, un portrait de Kokoschka, un poème de Werfel comme si elle réglait ses comptes avec la gent masculine et tentait de se débarrasser de leurs empreintes forgées à jamais qui l’ont empêchée d’être pleinement elle-même, tels des oripeaux qu’elle ôterait pour se revêtir des atours de la mondaine qu’elle fut, brillante et extravagante.

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ALMA MAHLER Eternelle amoureuse
photo 2 © Theothea.com

Alma Mahler a connu beaucoup de frustrations dont la plus grande fut de ne pas être reconnue comme la grande musicienne qu’elle rêvait de devenir ayant dû renoncer à composer. Malgré sa rancœur, elle exhibait la joie et la fureur de vivre. Elle a enveloppé les hommes aimés de lumière et d’énergie créatrice aux dépens de sa propre création.

Dans un ambiance élégante, on est porté sur le fil de cette existence hors du commun, déroulé dans le temps par la parole volubile et exubérante d’Alma que la sublime et charismatique Geneviève Casile rend puissamment vibrante.

"Dupliquée" en miroir par Julie Judd dont le beau visage expressif vient se juxtaposer au sien rayonnant et solaire, elles se fondent toutes les deux pour embrasser, au Petit Montparnasse, une seule et même Alma poignante et enflammée avec un sacré brin d’insolence acidulée voire sarcastique. Un régal d’émotions !

 

photo 1 © J. STEY

photo 2 © Theothea.com

 

ALMA MAHLER Eternelle amoureuse - ***. Cat'S / Theothea.com - de Marc Delaruelle - mise en scène Georges Werler - avec Geneviève Casile, Julie Judo & Stéphane Valensi - Théâtre du Petit Montparnasse


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2 réactions à cet article    


  • JP94 6 mars 2017 17:37

    Alma Mahler était certes brillante, mais selon moi, il était impossible qu’elle devienne une compositrice de l’envergure de Mahler, non pas parce qu’elle était une femme, mais par son statut de classe.

    Elle appartenait à la bourgeoisie intellectuelle de Vienne, eut un père ( Emil Schindler) peintre célèbre alors d’esprit large... Mais elle était empreinte d’une conscience de classe qui l’empêchait de s’affranchir réellement des représentations dominantes.
    Mahler, au contraire, a dû surmonter tout cela avant d’arriver à Vienne. Et c’est dans sa musique.
    Alma a compris qu’elle avait épousé un génie, mais je pense, sans concevoir comment ce génie s’était formé.
    Quant aux obstacles auxquels elle a été confrontée, ils ne sont rien en regard de ceux que Mahler a affronté jusqu’au bout.
    Du fait de son métier de chef d’orchestre, même au sommet de sa carrière, il ne disposait pas de temps libre pour composer. Mais il a trouvé l’énergie et le temps, au prix de sa santé, mais en un sens, sa musique y a peut-être gagné, car c’est un homme qui avait une extrême conscience du mouvement du monde, de la société et de la nature aussi.

    Alors Alma pouvait bien se plaindre, pas sûr que si elle n’avait été la femme de Mahler, on se souviendrait d’elle aujourd’hui.

    • Antoine 7 mars 2017 23:02

      @JP94
      Opinion plus que discutable ! Alma est une énigme musicale : ses lieder sont étonnants, piano déroutant, ligne vocale très accidentée, mélodisme fuyant, chromatique, modulations abruptes, bref on aurait aimé en avoir plus...

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