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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Avant-première : La tourneuse de pages de Denis Dercourt

Avant-première : La tourneuse de pages de Denis Dercourt

Le 11 juillet s’est achevé le Festival Paris Cinéma, festival à la programmation hétéroclite, dans le cadre duquel La tourneuse de pages de Denis Dercourt était présenté au cinéma l’Arlequin, en avant-première.

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Cette année, le principal intérêt du Festival Paris Cinéma a été la rétrospective Claude Chabrol, à l’occasion de laquelle le réalisateur en question est venu présenter plusieurs de ses films. Cela tombe bien, La tourneuse de pages est justement un film aux accents chabroliens...

Fille de bouchers dans une petite ville de province, Mélanie (Déborah François, découverte dans L’Enfant des frères Dardenne), dix ans, semble avoir un don pour le piano. Elle tente le concours d’entrée au Conservatoire mais échoue, perturbée par l’attitude désinvolte de la présidente du jury, Ariane, une pianiste reconnue, interprétée par Catherine Frot. Une dizaine d’années plus tard, Mélanie entre comme stagiaire dans un grand cabinet d’avocats, international, dirigé par M. Fouchécourt, (Pascal Grégory) le mari de la pianiste en question. Très vite, Mélanie s’avère très organisée et dévouée, déjà trop zélée. M.Fouchécourt lui propose donc de venir chez lui garder son fils, forcément jeune et innocent, en son absence. Son épouse s’attache bientôt, se cramponne même à elle, et lui propose de devenir sa tourneuse de pages, rouage essentiel dans la mécanique bien huilée de ses concerts. La moindre contrariété peut faire chavirer cette femme fragilisée depuis un étrange accident de voiture.

Bien sûr, les accidents, les hasards n’en sont pas, mais sont le résultat de l’obsession fatale de la jeune et inquiétante Mélanie. Un désir de vengeance implacable et une détermination infaillible la guident. Une relation trouble se noue entre les deux femmes. Mélanie devient bientôt indispensable à la pianiste devenue aussi vulnérable que celle dont elle a brisé le destin l’était. L’obsession, même si elle prend un visage différent, est réciproque : la haine et l’amour, si semblables, pour Mélanie qui dévore Ariane du regard, et une singulière nécessité pour cette dernière.

Le cadre ne les met pas en champ/contre-champ mais les enferme l’une et l’autre, indissociables, prisonnières de leurs désirs dissemblables et aussi destructeurs. La menace est constante, d’autant plus dangereuse qu’elle a le visage d’un ange au teint diaphane. La musique classique renforce cette impression du souffle glacial et menaçant qui plane constamment.

Dès le début, faussement aiguillé par de la viande rouge que l’on découpe rageusement, le spectateur s’attend à un bain de sang tel celui qui clôture La Cérémonie de Chabrol, mais finalement, La tourneuse de pages se rapproche davantage de Merci pour le chocolat ; la vengeance sera en effet plus insidieuse et invisible, à l’image de la blessure qui en a suscité le désir.

L’intérêt n’est pas tellement dans le dénouement mais plutôt dans l’attente suscitée, cette sensation de danger, que tout peut basculer d’un instant à l’autre dans la note dissonante et définitive. Dercourt est moins sévère que Chabrol, la pianiste devient humaine, victime vulnérable et traquée. Les bourgeois chabroliens, eux, sont souvent (im)pitoyables, ou rongés par le vice, parfois les deux.

Catherine Frot est aussi remarquable en pianiste qu’en paysanne dans Le passager de l’été, et Déborah François aussi juste qu’elle l’était dans L’Enfant, même si ces deux interprétations sont diamétralement opposées. Ce face à face entre les deux actrices est le principal intérêt de ce film à l’inspiration hitchcockienne et chabrolienne, qui n’arrive pas à la cheville (enfin... plutôt la bobine) de ses illustres inspirateurs, mais qui aura au moins le mérite d’instaurer une ambiance pesante qui nous tient en haleine jusqu’à la fin.

Ce film avait déjà été remarqué à Cannes, où il avait été présenté dans la sélection Un certain regard. C’est le cinquième long métrage de Denis Dercourt, qui, en filmant l’univers de la musique classique, filme un univers qu’il connaît bien pour avoir été, entre 1988 à 1993, alto solo de l’Orchestre symphonique français. Sortie le 9 août.

Sur mon blog, retrouvez mes conseils cinématographiques pour cet été. Ne manquez surtout pas Ca brûle de Claire Simon (sortie le 16 août) dont je vous avais déjà parlé dans mon compte rendu du Festival de Cannes où le film avait été présenté dans la sélection Quinzaine des réalisateurs.


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