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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Benjamin Biolay, l’incompris trash yéyé

Benjamin Biolay, l’incompris trash yéyé

Il est l’une des plus belles plumes françaises en ce début de XXIe siècle. Si l’artiste est controversé, l’homme l’est encore plus. Après trois albums en quatre ans (2001-2005), voici venir l’apologie du « Trash yéyé » sorti en septembre 2007 chez Virgin.

Benjamin Biolay, c’est un peu le vilain petit canard de la nouvelle chanson française. Auteur d’un univers fantasmagorique et sombre, il diffère radicalement de tous ses congénères. Lorsque l’on sait qu’il est l’un des géniteurs du Jardin d’hiver d’Henri Salvador en 2000, il est d’autant plus difficile de comprendre quelle est la « trajectoire Biolay » au cours de ces huit dernières années. Lettré, intelligent, cultivé et séducteur nonchalant, Benjamin Biolay est, à n’en pas douter, une personnalité affirmée et déroutante. Constamment perdu entre la préciosité de l’apparence et la nonchalance des paroles, l’auteur-compositeur est une personnalité ambiguë et controversée dans le paysage musical français. Sa musique, elle, est intimiste, mais extrêmement obscure. Définir le genre Biolay ? Complexe tâche... Depuis longtemps, nous ne sommes pas vraiment dans le rock, loin de la chansonnette Bénabar, de la franchise joviale d’un Renan Luce, on est proche à certains moments d’un folk d’un autre temps. Ce qui fait le charme de cet ovni musical, ce ne sont pourtant pas les textes qui révèlent un grand talent d’écrivain. Benjamin a reçu en 2002, la médaille de chevalier des Arts et des Lettres. Pas étonnant alors que ses paroles soient si recherchées et surtout appréciées. Cependant, la grande force de la musique faite par Benjamin, réside dans son arrangement musical personnel de fond. En effet, le garçon est tout de même grand prix du conservatoire de Lyon, et ce, dans maints domaines possibles. Compositeur reconnu et de grand talent, il a su donner un accompagnement tout à fait spécifique à sa voix si spéciale. Car la voix de Benjamin ne se prête pas spécialement au chant. Ses chansons sont parlées et c’est l’accompagnement musical si spécifique qui les rendent tout à fait singulières. On remarquera d’ailleurs que, de ce fait, elles ne se valent pas toutes. Biolay a su mélanger les genres et les styles, varier les instruments et les ambiances. Sa voix sulfureuse et râpeuse à l’oreille, celle d’un dandy des temps modernes, se prête particulièrement bien aux thèmes désaxés, sombres et quasiment inaudibles du garçon de 32 ans.

En sept ans, cet artiste nous a glorifié de quatre albums dont le dernier est sorti en septembre 2007. Benjamin n’a jamais vraiment réussi à se plonger dans le tout public tant ses chuchotements étaient effacés et sa musique fantasmée. Voulait-il vraiment toucher le grand public ? Rien n’est moins sûr. Le fantasmatique Benjamin Biolay nous a toujours offert une musique douce par le fond et agressive par le texte. Les sons coulent, mais les paroles restent au péage. Pourtant dès 2001, Rose Kennedy fait forte impression et surtout le mystérieux clip de Los Angeles, annonçant un assassinat sanglant. L’inspiration de Benji se trouve au fur et à mesure de ses chansons. On découvre un explorateur des temps modernes, se perdant au cœur d’une culture américaine enivrante. Cette culture anglo-américaine, il y sera toujours fidèle, qu’il s’agisse de la musique ou de la vie en général. Ce grand fan de NBA s’est à de multiples reprises offert des séjours au pays de l’oncle Sam. Pour preuve, les photos servant à la couverture et à l’illustration de l’album Trash yéyé ont été prises dans l’Arizona. L’homme ressemble à Gainsbourg, il possède sa nonchalance et son esprit de contradiction. L’antithèse même de ses chansons y fait référence. Le garçon se fait esthète et ses paroles en sont la preuve. Après Négatif en 2003, c’est Home en 2004 qui permet à ce poète bohème de bénéficier de premiers gros soutiens radios. L’excellente Histoire d’un garçon est un monstre de sorcellerie comme Biolay sait seul réaliser ses potions magiques. Il parvient à mêler violons d’arrière son, jolie mélodie et paroles ultra intimistes avec cette histoire de famille déçue par la naissance d’un garçon et non d’une fille. C’est aussi sa propre histoire d’un certain côté, celle d’un garçon qui ne se reconnaît pas, se cherche encore et toujours. Sans attache, livré à lui-même, c’est toujours cette même impression de solitude que laisse passer Benjamin. Certainement que l’obscurité de ses paroles renforce cette impression. Ce surdoué de l’arrangement semble aller au gré de ses envies, à tel point que le « safe-made » paraît quasi omniprésent. On a sans cesse l’impression que son album, c’est lui qui l’a fait, à lui seul, sans l’aide de personne. Biolay sait se détacher du monde, en créer un nouveau. On est à la limite dans Les Fleurs du mal, le monde est beau, la mélodie entraînante et innovante, mais le chanteur nous chuchote des atrocités, des perturbations, il nous déroute et nous manipule par ses paroles antinomiques. En fait, ce qui ressort de tout ça, c’est la maîtrise totale de l’auteur sur son œuvre. Tout est millimétré. C’est le cas de le dire, « tout est réglé comme du papier à musique ». Le surprenant frenchie à réussi à trouver ce qui sied sur ses compositions musicales. Cela forme un tout et Benjamin Biolay est notre guide vers son paradis, ou plutôt vers son enfer.

Plus que jamais pour cet opus 2005, Biolay joue sur de multiples tableaux. On passe ainsi de la guitare électrique avec sa basse grossière au violon et au piano, du calme doucereux à l’acidité aigre. On est perdu dans cet univers détaché, unique. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on est encore une fois, loin de l’utopie. Le souvenir, la tristesse, le vide, la nostalgie douloureuse, tout y passe. Benjamin Biolay parle en humain, mais ne joue pas d’artifices. Il parle comme cela lui vient. A la confusion des genres musicaux et littéraires, notre artiste parvient à écrire avec raffinement tout en y incluant les formulations les plus triviales. Plus que jamais, BB est un poète maudit, c’est un esthète qui a tout pour être heureux, mais qui se joue de la fortune et ne jure que par le désespoir. Tourmenté, il ne l’est pas tant que ça, car finalement lui est déterminé dans sa voix languissante et sifflante comme la langue d’un serpent. Cette même voix ne pourra que réjouir ses détracteurs. Comme dit auparavant, la voix de Benjamin n’a rien de bien exceptionnel et encore une fois, la version studio ne met certainement pas ses capacités vocales à rude épreuve. Le fumeur invétéré nous offre cependant (et encore une fois) des mélodies sublimes pour une fraîcheur exquise. La vraie spécificité de cet album, c’est finalement de poser des questions. Est-ce que c’est pareil qu’avant ? Est-ce que l’état d’esprit se répète face au précèdent album ? Et si oui, qu’est-ce que ça peut faire ?

Benjamin Biolay, artiste détesté ? Eh bien oui. Doté d’un franc parler à toute épreuve, il n’a pas hésité à renier toute appartenance à l’explosion « nouvelle scène française », chose qui n’a pas plu à ses piliers. Il disait ainsi récemment : « [...] je me serais volontiers passé d’être associé à cette nouvelle vague de chanteurs dont je me sens artistiquement éloigné, sans aucun jugement de valeur. Il n’y a pas de point commun entre l’écriture de Bénabar et la mienne. Je suis sans doute dans un schéma plus désuet. » Des gens comme Raphael, Bénabar ou Vincent Delerm, les « poètes chanteurs » ont désormais comme seul mot d’ordre de « descendre le sous-marin Biolay », l’ovni obscur du folk sombre à la française. Finalement, BB reste un grand timide, un chanteur pas si populaire que ça, mais plaisant pour l’intimité, pour le cocon qu’il fait autour de lui, pour cet enfermement dont il est le seul garant. Biolay, c’est l’hermétisme total et le détachement le plus grand possible avec son travail. Imbu de lui-même, une tête de fils à papa, un air « j’m’en foutiste », Biolay déplaît en temps qu’homme. Face aux mouvements actuels, il est un peu celui qu’il décrit dans sa chambre d’amis  : « Je suis cet ennemi, qui dort au purgatoire à gauche du couloir... ». Autres spécificités de l’Américano-Français, il est un fervent militant socialiste. Intime de Lionel Jospin fut un temps, il n’hésite pas cependant à prendre ses distances avec le parti quand il juge cela nécessaire. Il lui arrive ainsi de faire des breaks avec sa carte de membre. La dernière a tout de même durée pendant quatre ans... Autre gage de critique pour nombre de détracteurs, Biolay a sombré dans la toxicomanie et dans la drogue plus d’une fois. Son franc parler bien connu lui fait avouer ce genre de choses sur les plateaux de télévision dès 2004... Une attitude que bon nombre de critiques trouve largement désinvolte et indigne pour un artiste digne de ce nom. On lui reproche de jouer la rock star avec sa personnalité candide et tourmentée. Enfin, Benjamin Biolay pourrait bien se recycler dans le cinéma puisqu’il a obtenu le rôle du futur psychopathe pour le prochain film de Sylvie Verheyde, baptisé Sang froid. Si ce rôle semble particulièrement facile à jouer, sa grande timidité qui compose sa forte personnalité pourrait être un obstacle à cette future collaboration. Enfin, il est bon de signaler que Benjamin Biolay fait partie de ces Français européens, voire internationaux, qui exportent leurs concerts à grande échelle. Si les Rita Mitsouko ont fait une tournée les menant jusqu’en Espagne, Biolay aura passé un grand séjour en Catalogne avec une série de concerts pour les fans étrangers. Avec même pas une quinzaine de dates en France, Benji n’est pas un performeur live. Le studio reste sa prédilection et la pochette de ses albums reste le mur qui le sépare de ses fans. Sa tournée s’est achevée le 31 octobre 2007 ; elle n’aura même pas durée deux mois... Après une vie passée à ramer, étudier et apprendre en partie par lui-même, Benjamin Biolay peut enfin profiter de sa reconnaissance publique pour se lancer réellement dans sa passion musicale. Marié depuis 2002 à la fille de Catherine Deneuve, et papa depuis peu, Benjamin a aujourd’hui, tout pour profiter de sa « nouvelle vie d’artiste ». Enfin, pour encore plus découvrir ce mystérieux adolescent qui a tout d’un adulte, il faudra juste attendre quelques semaines puisque son premier roman, Peine perdue, paraîtra alors chez Denoël.


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9 réactions à cet article    


  • roOl roOl 28 décembre 2007 10:55

    « On a sans cesse l’impression que son album, c’est lui qui l’a fait, à lui seul, sans l’aide de personne. » D’ailleurs il est le seul a l’ecouter smiley

    un fan des USA de plus... avec notre président ca fais au moins deux...

    Qu’il lui donne sa carte verte, et bon débarras...


    • Ceri Ceri 28 décembre 2007 12:58

      écris plutot sur la géopo, s’il te plait. Là c’est juste une pub (selon moi)


      • Vincent Delaury Vincent Delaury 28 décembre 2007 14:00

        « Marié depuis 2002 à la fille de Catherine Deneuve, et papa depuis peu, Benjamin a aujourd’hui, tout pour profiter de sa « nouvelle vie d’artiste » » (J-F. Bartone). Je vois que vous ne lisez pas « Gala » ou « Voici ». Ces deux-là, Chiara & Benjamin, ne sont plus ensemble !

        A part ça, votre article, très laudateur, est plutôt intéressant mais pas assez... trash, trop yéyé !


        • flop flop 28 décembre 2007 22:07

          ...personellement, j’apprécie pas trop son « talent », mais je trouve que ça serait pas mal qu’il devienne la prochaîne plus de notre président


          • flop flop 28 décembre 2007 22:10

            je voulais dire « plume », of course


          • Jean-François Bartone 29 décembre 2007 19:59

            On aime ou on aime pas Biolay, je l’ai d’ailleurs assez bien résumé (oui, j’aime me lancer des fleurs), c’est selon chacun. Si j’aime, je vais certainement pas en dégouter les autres. Tant pis pour ceux qui croient que c’est de la pub gratuite. De toutes façons, je ne juge pas son travail, je porte un oeil distrait, et certainement pas critique. Si j’avais voulu faire une critique, je m’y serai pris autrement... Pour sa relation avec Chiara, c’est clair qu’elle est finie, mais en fait, je ne sais pas quand a été prononcé le divorce.


            • Christoff_M Christoff_M 30 décembre 2007 03:36

              il ne fait rien pour se rendre « sympathique »... surement un peu rebelle et ténébreux, difficile de le formater STARAC... mais il a du talent, c’est certain !!


              • Jean-François Bartone 31 décembre 2007 12:00

                C’est exact, il est enigmatique et mystérieux, pas forcément désagréable, mais très fermé... Il a refusé un petit chèque de 200 000 € pour ne pas faire parti du jury de la star ac. Ils se sont rabattus sur Passi... -))


                • camille (---.---.73.94) 4 janvier 2008 17:37

                  Merci pour cet article. Certes, on perçoit que vous aimez bien Biolay (ce qui n’est pas pour me déranger puisque j’adore smiley, mais si ça embête quelqu’un, il faudrait que celui-ci s’aperçoive que malgré tout, cet article reste objectif et constructif.

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