Claude Lévi-Strauss : Au Séculaire et singulier pèlerin
Un concert de silence qui pense, en écho aux bruits naturels des grands espaces vierges.
Un siècle de curiosité respectueuse, de recherche éclectique et joyeuse dans l’antre de Gaïa.
Le passage du pèlerin du voyage intérieur qui a vécu et qui nous dit (avec Novalis)
« c’est en nous, sinon nulle part, qu’est l’éternité avec ses mondes, le passé et l’avenir ».
C’était le voyageur intérieur des espaces vierges à l’attention des coeurs purs. Il pressentait d’instinct qu’à travers les chemins tortueux il rencontrerait l’inconnu qui habite depuis l’éternité.
Pour cela, il lui fallait sans doute abandonner tout espoir de recevoir la lumière de l’extérieur. Comme un déshérité, il renonçait à la sécurité, à la volonté de puissance qu’il voyait croitre dangereusement autour de lui.
Renoncer à vouloir maitriser l’inexplicable. Romantique de l’autre siècle, il était convié à l’humilité et à la solitude intérieure. Chercheur authentique, il s’était réveillé dans un monde qu’il ne comprenait pas... c’est pour cela qu’il cherchait passionnément à l’interpréter.
L’interprétation humaine est chancelante, pensait-il. La turbulence et la folie du monde lui apparaissait sans qu’aucune explication satisfaisante ne lui convienne vraiment. C’était pour lui un facteur de faillite.
Chacun poursuit sa route et péniblement découvre sa voie. Ce n’est pas un repliement sur soi, mais un approfondissement silencieux pour rencontrer le germe vivant dans tout être humain.
Homme d’honneur, humaniste convaincu, il ne s’en remettait pas à un rédempteur, n’apaisait pas ses doutes en fabriquant des idoles. Responsable et discret, il savait cultiver la solitude et le silence, contrepoids monolithique à l’homme de son temps dévoré par l’angoisse. L’intériorité lui était coutumière, il en connaissait les aspérités insolites et arides. L’homme moderne, "extérieur", l’attristait dans son souci de contrôle, parce que divisé, avide de savoir, parce que vide de sens.
Relié à la vie, proche de lui même, il ne me semble pas qu’il ait inondé le monde de ses discours intellectuels et d’une présence médiatique tapageuse. C’était pourtant un homme de lumière, un homme cultivé qui avait beaucoup appris, pour atteindre un au delà. Il a beaucoup vécu en apprenant, pour dépasser un certain seuil.
Devant l’immensité du personnage, j’ai la sensation d’être pétrifié devant un séquoïa qui masque la forêt amazonienne. Marcher dans ses pas, c’est découvrir le nouveau monde au début de la création.
Tristes Tropiques, son ouvrage le plus connu, pas vraiment aimé de lui, qui semblait lui reprocher un manque de spontanéité, nous parle de ses méditations et souvenirs de voyage.
La rencontre des indiens du Brésil avec le regard compatissant et respectueux de l’homme convié à la rencontre de l’humanité vraie. L’exotisme n’était pas sa recherche. Méditer sur la civilisation pour en recevoir la réalité était sa quête.
Comme l’analyse Georges Bataille : "La nouveauté du livre s’oppose à un ressassement, elle répond au besoin de valeurs plus larges, plus poétiques, telles que l’horreur et la tendresse à l’échelle de l’histoire et de l’univers, nous arrache à la pauvreté de nos rues et de nos immeubles."
Il s’agit d’un cheminement de sagesse, celle d’un patriarche. L’homme quitte symboliquement son pays, sa parenté, la maison de son père pour aller vers la réalisation de lui même. C’est quasiment biblique, avant le livre !
Il quitte la parenté pour entrer dans la filiation.
Cela sous entend de rompre avec la sécurité de sa civilisation, pour s’engager dans l’inexploré, l’énigmatique, l’espace vierge de l’autre. C’est un cheminement initiatique, qui s’inscrit dans l’alchimie humaine.
Le regard et l’esprit vierge comme ses nouveaux amis. Pas de référence, de livre ouvert, de tradition judéo-chrétienne, l’écoute à coeur ouvert.
Il n’est pas donné à tous les hommes d’atteindre ce niveau de conscience. S’inscrire dans le renoncement du "Moi"pour l’étonnante ouverture à l’extériorité de l’autre. Etat de conscience privilégié pour l’autre qui prend toute sa place dans un espace illimité et jamais achevé.
Comme le dit Lévinas "En allant vers l’autre, je me rejoignais et m’implantais dans une terre désormais natale, déchargée de tout le poids de mon identité".
C’est du processus d’individuation dont il s’agit... une invitation pour le voyage dans l’inconnu de l’autre.
L’écoute de la différence s’établit, j’ose la nommer, "humilité dans l’amour."
Claude Lévi-Strauss serait-il ce terreau fertile où la graine de notre créativité germera un jour ?
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