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Corps lassés, corps enlacés

La néerlandaise Marrie Bot a photographié la Beauté des corps vieillissants. Sur une de ses photographies, Walpole / BiBi, fasciné n’a pu s’empêcher d’écrire un phototexte.

Ils nous touchent et ils nous dérangent. Parmi les milliers de photographies dont le Monde nous bombarde, ce cliché ne peut que nous retenir et nous faire vaciller. Une « belle » photo est une photo qui nous laisse dans l’indécidable. Vous l’avez vue et c’est déjà trop tard. Pourtant, pour ce couple, il n’est pas trop tard. Il est encore tôt : ils sont dans ce temps d’aube crépusculaire, temps au cours duquel, certes, le temps a fait son Œuvre (son chef d’œuvre ?) mais BiBi (Walpole) est sûr qu’ils transformeront ce Temps en Minutes heureuses, en journées ensoleillées, en Épilogue enchanteur. Car il leur reste ces quelques années, ces quelques années-tendresse devant eux, toutes en raccourcis et en éternité, il leur reste ces moments insolents et à peine désespérants, il leur reste cette Force amoureuse plus forte que Tout, cette Énergie solaire que d’aucuns – hélas – ne connaitront jamais, n’auront jamais connue.

On ne peut pas revendiquer haut et fort ce cliché, on ne peut pas l’exposer au Salon, l’afficher en cuisine ou dans nos corridors. Dans une salle de bains (peut-être ?) Plutôt dans une alcôve pour les regards à la dérobée. Il n’y a aucune chance pour qu’on envoie le cliché en carte postale, qu’on le fasse voir à ses enfants en ce jour de Fête des Mères ou qu’on le sorte dans une soirée entre amis. Tendresse de corps vieillissants, promis à la décomposition proche et lointaine, tendresse qui se double d’une détresse non-dite, à peine murmurée. Il n’y a pas de dernier mot (nul ne le détient), il n’y aura que les jours derniers (Tout le Monde les vivra terriblement).

Cette photo est en miroir. A chacun de s’y mirer.

C’est que le Temps devient notre, votre adversaire. Si l’on peut échapper à l’Espace (les fous remplissent les asiles). Au Temps, nul n’échappe, nul n’échappera. Ni eux, ni vous, ni moi .

Cette beauté photographique est dans le paradoxe. Vous avez envie d’écrire dessus mais, dans les profondeurs, votre main tremble sur le papier, vos yeux ne distinguent plus les touches du clavier. Le cliché vous tient, vous retient. Dans cet entrelacs, cet entrelacement, il y a un apaisement inouï qui pourrait faire peur.

Les choses « artistiques » changent parfois notre vie de fond en comble. Regardez les secousses que sont « Le goût de la Cerise« , le film d’Abbas Kiarostami, le Don Quichotte, « La Nuit étoilée » de Van Gogh. Alors, tout ce qui touche à votre vie vous emportera et vous ne serez plus jamais jamais jamais plus jamais le même.

Ici, c’est toi, l’Homme qui enlace : tu n’es déjà plus du tout du tout le même. Le Temps t’est devenu une denrée rare. Tu ne fais plus semblant d’aimer : tu aimes. Enfin. Sans arrière-pensées, littéralement et en tous sens(ations).

Alors pour sauvetage, pour dernière éclaircie,tu embrasses, tu enlaces cet Alter Ego, cette Autre, cette Bien Aimée qui, tête enfouie au creux de ton épaule, fait miracle.

Pour BiBi, c’est la Bien Aimée qui sauve la Vie du Cliché pour en faire une photo.

Pour BiBi, elle s’appelle Ève.

Et tant d’autres choses sur Le Blog à BiBi


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3 réactions à cet article    


  • karquen karquen 31 mai 2010 19:57

    Avoir peur : c’est une grande mode ! 

    les corps sont atomiques, partie intégrante de l’univers, et sous une forme ponctuelle. Quand on sait qu’un corps ne touche jamais l’autre - car les atomes se repoussent - c’est l’energie qui créer une chaleur ou l’impact de la pression. Jeunes où vieux, la beauté est l’échange de chaleur, entre les corps biensûr, mais aussi à ceux qui donnent vie à ces corps vieillisants.. 

    Au travers les ages l’amour est perçu par l’attractivitée charnelle des jeunes - la religion catholique en tête dans ses icônes - et laisse peux de champs à « l’amour des vieux entre vieux » ...

    Accepter son corps c’est peut être un nouveau crénaux social. Etre vieux ne veux pas dire être assexué, et quelques grosseurs n’empêchent pas le plaisir orgasmique même si il n’est pas quotidien...

    Enfin pour finir il ne faudrai jamais galvauder l’amour, si utilisé aujourdh’hui ! ce mot qui derière embrasse l’univers, celui de nos cellules ponctuelle et je vous assure entièrement recyclé un jour...




    • voxagora voxagora 1er juin 2010 08:37

      Mais qu’y a-t-il d’étonnant à cette photo ?
      Qu’on la montre, c’est tout.
      Car deux corps ni-jeunes ni-académiquement-beaux qui s’enlacent,
      c’est la majorité d’entre nous.


      • walpole walpole 7 juin 2010 09:19

        Etonnant et détonant : c’est effectivement le fait qu’on la montre qui l’est.

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