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Daniel Auteuil dans « L’Ecole des femmes », ça le fait !

Une fois n’est pas coutume, je vais vous parler ici de théâtre et non pas de cinéma. Mercredi 12 mars 2008, 20 heures, je suis au théâtre de l’Odéon, Paris, pour L’Ecole des femmes de Molière (2 h 40). Au second balcon, fauteuil G-8, histoire d’être précis.

Salle comble. Une très jolie salle, alliant modernité et classicisme : superbe plafond moderne peint (signé André Masson, 1965) et lumière feutrée jouant sur le clair-obscur, permettant ainsi de se focaliser idéalement sur la scène. Ca commence ! Pas d’effet tonitruant. Auteuil entre sur scène, sur le côté, accompagné d’un autre comédien au crâne rasé. Je les vois de loin, je suis au balcon, ils ont pour moi la taille de deux allumettes. Mince, je n’ai pas de jumelles de théâtre permettant le gros plan - tant pis. Leurs voix portent bien, la langue de Molière passe, franchissant facilement les distances - tant mieux. Alors, question qui s’impose d’emblée (je vous sens venir !), il est comment Daniel Auteuil en vrai ? Eh bien, il est... bien ! Franchement, il a une belle énergie, il s’est fait la tête de Molière (moustache et un peu de poils au menton), il se pose bien sur scène (belle présence sans gros effets de manche trop théâtreuses) et, par moments, il se permet des coups d’accélération tendant ouvertement vers le burlesque et le slapstick. On pense souvent à Louis de Funès (le rire comme mécanique plaquée sur du vivant) et à un type de jeu qui mixe plutôt habilement, voire malicieusement, théâtre et cinéma. Sa voix si particulière nous est agréablement familière, son rire gourmand, limite moqueur, aussi. Certaines intonations, allant vers le suraigu, sont comme des effets de signature de son je(u). J’aime bien cet acteur au cinéma parce qu’il offre une palette de jeu large : il peut tout aussi bien jouer des personnages burlesques que des héros tragiques façon, par exemple, le flic désenchanté et méga-burné des films gros calibre (!) de l’ex-flic Olivier Marchal adorant, de toute évidence, beaucoup les chiffres (36, quai des orfèvres, MR 73). Tiens, puisqu’on parle chiffres, et je vous accorde que tout ceci est bien anecdotique, il m’était impossible l’autre soir de voir sur Cène, euh... pardon, sur scène, Daniel Auteuil sans penser au fait que je voyais en chair et en os - c’est comme ça qu’on dit ! - l’acteur de cinéma français le plus bankable de l’année 2007. Eh oui, dans Le Figaro du 25/02/08, Auteuil arrive 1er dans le Palmarès 2008 des acteurs les mieux payés  ; Auteuil y décroche la place d’honneur, avec des gains de 3,2 millions d’, grâce notamment à de bonnes affaires avec notre tycoon hexagonal, à savoir Luc Besson : 1,26 million d’€ pour L’Invité et 945 000 € pour Dialogue avec mon jardinier : bingo ! Alors, je n’ai pas vu ces deux films-là, bien pépères si l’on en croit les critiques ciné, mais il y a des films avec Auteuil, plus ou moins populaires, que j’aime beaucoup comme Pour cent briques t’as plus rien... (qui me fait beaucoup rire !), Jean de Florette/Manon des Sources, Un cœur en hiver, La Reine Margot, Les Voleurs, Le Bossu ou encore L’Adversaire. C’est donc avec plaisir que je l’ai vu sur scène. Il assure bien. Pas de déception à ce niveau-là. Selon une idée communément admise, mais certainement contestable, c’est sur scène que l’on voit la qualité ou non d’un acteur. C’est un gros débat. Un Alain Delon, se plaisant à distinguer acteur (marchant à l’instinct) et comédien (jeu théâtral plus réfléchi, plus balisé), s’opposerait très certainement à cette idée-là. Par contre, un Michel Galabru le rejoint sans aucun doute, cf. cette perle (in L’Express) : « Le théâtre est l’art du comédien, le cinéma celui du metteur en scène. Avec une caméra, vous pouvez faire une vedette d’un chien. Voyez Rintintin. Et avec des amateurs, vous pouvez réaliser un grand film (...) On mesure le talent d’un acteur quand il est sur les planches.  »

Revenons à la pièce proprement dite. Avec cette Ecole des femmes 2008, on est davantage dans la comédie que dans le drame. Les rires dans la salle, notamment chez les jeunes filles, sont nombreux. Les alexandrins n’empêchent point la compréhension du texte de Jean-Baptiste Poquelin - c’est, on le sait, la force du génie de Molière d’avoir un style imparable (une musicalité de l’écriture, des vers) et une rhétorique langagière qui s’impose par son rythme, sa précision d’horloger et son ironie mordante faite de piques brillantes et de joutes verbales fusant comme des balles de ping-pong bien placées. De toute évidence, le metteur en scène Jean-Pierre Vincent, qui avait déjà travaillé avec Auteuil en 1990 pour Les Fourberies de Scapin, également de Molière, a mis le paquet sur les effets comiques de la pièce. Le décor est assez pop, il est fait de contrastes marqués (jeux d’ombres et de lumières) et d’un plateau tournant (idée scénographique piquée, je crois, au Dom Juan de Molière par Chéreau) présentant de larges aplats de couleurs - rouge, orange - devant lesquels les comédiens, en habits froufroutants d’époque (pièce de 1662), viennent parader pour le meilleur et pour le rire. Pour la petite touche de contemporanéité, l’un des comédiens, au final, porte même des petites lunettes rondes de soleil. Au fait, last but not least, de quoi parle la pièce ? Eh bien de l’emprise des hommes (installés) sur les femmes. C’est l’histoire tragicomique d’un homme, Arnolphe/Daniel Auteuil, « obsédé par la tromperie féminine. Il s’est emparé d’une petite fille pour en faire un jour sa femme idéale. Il l’a enfermée chez lui, à l’écart du monde, la laissant dans l’ignorance. Elle a grandi ainsi dans ce qu’il appelle la sottise. Mais un jour, la jeune fille tombe amoureuse d’un jeune passant... » (Jean-Pierre Vincent). Ainsi, on ne manipule pas les êtres comme on manipule les choses. L’éducation (qui est l’une des explications du titre L’Ecole des femmes) que le tuteur réserve à sa pupille n’est pas une vraie éducation, axée sur une pédagogie propice à l’esprit critique, mais, au contraire, une négation de l’éducation, un élevage fait d’œillères, de sevrages et d’interdits sur fond d’obscurantisme religieux. Ici, selon le cliché éculé, l’homme serait du côté de la maîtrise rationnelle, de l’ordre, alors que la femme, gentil pantin à mater et à manipuler, serait du côté de l’instinct, de la nature (à dompter), - on n’a plus qu’à la ranger carrément aux côtés du fou, de l’enfant ou de l’animal. Arnolphe se contente de voir Agnès comme une brave brodeuse au foyer, se consacrant exclusivement à la belle ouvrage de cornettes, de coiffes et de chemises brodées style cucul la praline. Heureusement, notre brave ingénue (excellente Lyn Thibault avec un phrasé de nunuche vraiment poilant !), bêtasse transcendée petit à petit par l’amour qu’elle porte au falot Horace, n’est pas aussi bête qu’elle en a l’air et, surtout, notre Arnolphe, bien aigri et bien machiste, n’est point le fin limier qu’il (se) prétend être. C’est le coup de l’arroseur arrosé ou du manipulateur manipulé. Ceux qui croient tirer les ficelles de leur vie et de celles des autres doivent savoir qu’ils deviendront bientôt marionnettes à leur tour. Molière : « Ce qui me paraît assez plaisant, c’est qu’un homme qui a de l’esprit, et qui est averti de tout par une innocente (...) et par un étourdi (...) ne puisse avec cela éviter ce qui arrive.  » Arnolphe, macho XXL, croyait avoir toutes les cartes en main mais il ignore en fait, le bougre, le dessous des cartes : Agnès était placée volontairement chez Arnolphe en attendant un mariage arrangé. Oronte, le père d’Horace, souhaitait dès le début, unir son fils Horace à la fille de son ami Enrique, Agnès. In fine, le château de cartes d’Arnolphe s’écroule pour laisser place à la nature et à la vérité, exit la maison de poupées-bonbonnière étouffant (les feux de) l’amour. La vraie Ecole des femmes ou de la vie est celle de la parole qui ne se fait pas d’office pouvoir et autorité. Il s’agit de ne pas avoir peur, de faire fi des bigots qui vivent dans la négation de leurs corps et de leurs désirs afin de laisser parler le rire libérateur et la gaîté profonde de la vie des sens. Chassez le naturel, il revient au galop ! En quelque sorte, comme dans Jurassic Park où les T-Rex détruisent bientôt un parc d’attractions de pacotille, ici, « la nature reprend toujours ses droits » - oui oui, on a bien cette phrase dans le Spielberg ! Cette pièce de Molière, à la fois farcesque, cruelle et romantique, met subtilement l’accent sur une philosophie de la vie basée sur le respect du naturel et de nos prédispositions. A ce jeu de dupes et de faux-semblants démasqué, Daniel Auteuil joue très bien à la fin l’automate enfermé sur la scène d’un théâtre miniature s’apparentant, ni plus ni moins, à un manège des vanités. Bien sûr, ça parle de l’époque (complexe) de Molière - les aristocrates coincés, dévots et autres grenouilles de bénitier - mais, question hypocrisie autour du sexe et de la relation homme-femme/mode d’emploi, ce Molière engagé et libertaire (il est interdit d’interdire !) est loin d’être anachronique par rapport à certains travers de certains de nos contemporains, en France comme ailleurs. Hénaurmes applaudissements (mérités) à la fin de la pièce. C’est jusqu’au 29 mars, les places sont entre 22 et 30 €. Ce n’est pas trop cher, je trouve, pour une leçon de vie. Bref, c’est à vous de voir donc, et chapeau à un certain... Molière !

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Daniel Auteuil dans « L'Ecole des femmes », ça le fait ! Daniel Auteuil dans « L'Ecole des femmes », ça le fait !

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3 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 17 mars 2008 10:43

    Voila un spectacle que j’ai vu et je dois dire que c’est véritablement fantastique avec de tres grands acteurs

    A voir car c’est un grand moment

     

     


    • morice morice 17 mars 2008 16:03

      Difficile d’entrer dans le sujet avec un titre aussi naze : "Molière, ça le fait ?" c’est du racolage, rien d’autre. l’auteur s’enfonce dans son statut de geek branché... "bêtasse transcendée petit à petit par l’amour qu’elle porte au falot Horace," Molière s’en retourne dans sa tombe ! "chapeau à un certain... Molière !" pour finir, comme platitude, y’a difficilement mieux....  Vous enfilez les clichés !!! 

      "Au fait, last but not least, de quoi parle la pièce ?" elle ne "parle" pas : c’est écrit. A force de faire dans le langage contemporain vide de sens, ça donne ce genre d’incongruité : quand vous déciderez-vous à laisser tomber vos oripeaux liés à la mode et au langage de boîte de nuit ??? Autant faire des chroniques de bar ou de sorties nocturnes !!! Le théâtre mérite mieux que ça, je trouve... si vous continuez, vous finirez pa attirer Lerma, c’est dire..

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