Dans la gueule du loup, par Robert Doisneau
Les Parisiens ont rendez-vous avec eux-mêmes à la Mairie de Paris, qui présente en ce moment une rétrospective des travaux du légendaire photographe Robert Doisneau...
Pour visiter tout Paris sans se fatiguer et rencontrer ses habitants sans perdre sa salive, rien de tel que la rétrospective consacrée en ce moment à Robert Doisneau à l’Hôtel de Ville.
Dans ce tri très sélectif de clichés du photographe, des gens ont prêté, sans trop le savoir, l’expression de leur visage à l’une des plus ambitieuses expériences sociologiques du XXe siècle. Doisneau, qui refusait toujours qu’on l’accompagne dans ses aventures photographiques, nous entraîne aujourd’hui dans sa balade parisienne, une promenade d’une soixantaine d’années à travers mille destins, mille histoires individuelles, et nous invite à observer les mues perpétuelles d’une ville et de ses habitants.
Nul ne pose jamais face à son objectif. Les gens sont pris à leur insu. Non pour les railler. Juste pour ne pas les dénaturer.
A ce titre, la première série de clichés donne le ton. Les visiteurs d’un musée (le Louvre, en l’occurrence) contemplent un objet exposé (le tableau de la Joconde). Face au tableau, chacun, par son regard, sa posture, se livre sans même en avoir conscience. Doisneau tient là l’opportunité de saisir une parcelle de vérité.
Plus loin dans l’exposition, une nouvelle série de photographies (plus artificielles celles-ci) souligne le message. En vitrine d’une boutique, Doisneau a installé un tableau de nu féminin très réaliste. La scène se passe au début des années soixante. Les passants s’arrêtent tour à tour et, se croyant seuls, se laissent aller à leurs plus sincères transports. Ils ignorent que de l’autre côté de la vitrine est caché l’appareil du photographe. La sincérité humaine s’y engouffre sans l’ombre d’un masque. Défilent alors la réprobation d’une bigote, le ricanement des potaches, la concupiscence sublimée de l’agent de police ou de l’amateur d’art.
Ma préférence va à ce couple bien tranquille, avec Madame qui regarde un objet en premier plan tandis que par-dessus son épaule, Monsieur se perd en contemplation... Comme il a dû rire, Doisneau, en développant ces photos !
Jean-Loïc
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