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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Eldorado de Laurent Gaudé

Eldorado de Laurent Gaudé

Le Bonimenteur se fait lecteur

Un livre qui tombe du ciel …

La neige ne cesse de tomber sur ma région. Les routes sont enneigées, la circulation est d'autant plus compliquée que les automobilistes ne sont pas coutumiers de ces conditions et qu'ils ne disposent que très rarement des équipements nécessaires. La vie est figée, vite paralysée pour quelques flocons rebelles, récalcitrants à notre exigence de mobilité.

 Mon âme d'enfant qui n'a jamais vraiment tout à fait grandi se réjouit de ce spectacle merveilleux tout autant que des tourments qu'il provoque autour de moi. C'est ainsi, je me gausse de cette manière insupportable que l'homme moderne a de ne jamais vouloir se plier aux impondérables de la nature. Faire avec, ce serait si simple …

 En ce dimanche après-midi, je devais assister à une séance de lecture publique dans le cadre de l'animation de promotion de la lecture proposée par le Conseil Régional du Centre. « Mille lecture d'hiver » tel est le nom générique de cette activité au cours de laquelle un comédien vient lire des extraits d'un roman à l'invitation d'un hôte qui a lui-même convié des amis et des voisins. L'idée est séduisante et j'en ai déjà rendu compte dans un billet précédent.

 Mais les lectures d'hiver n'aiment guère la neige. L'acteur n'a pu se rendre à son rendez-vous tout comme une bonne partie des invités qui s'étaient décommandés par prudence. N'ayant que quelques mètres à faire à pied pour rejoindre la maison d 'Odile et Alain, je ne voyais pas pourquoi nous devions céder aux contraintes de la météorologie.

 Deux autres amis, proches eux-aussi, se sont joints à nous pour un petit goûter hivernal. Mais puisque c'est le livre qui devait être l'invité d'honneur de la fête, neige ou pas neige, il n'y avait aucune raison qu'il n'en fût pas ainsi. Je décidai de jouer le lecteur d'occasion, l'animateur maladroit sans doute, le passeur incertain de mots et d'un texte. C'est ce que j'essaie de faire à l'école et sur la Loire, pas besoin d'être estampillé « Intermittent du spectacle » pour se lancer à l'aventure.

 Je venais justement de découvrir un livre qu'une douce voix m'avait glissé au creux de l'oreille. Moins de vingt cinq pages après l'avoir ouvert et dévoré avec ferveur, le livre m'avait déjà donné l'envie du partage. Le jeudi, dans ma Segpa, une classe, plus sage que les autres, avait profité de la lecture d'un extrait, dans un silence de cathédrale et quelques larmes. La beauté de ce texte avait fonctionné.

 Je ne pouvais garder pour moi ce plaisir rare. Je me proposai de remplacer au pied levé le lecteur officiel. Je devine la prétention folle qu'il y a à vouloir lire ainsi à des amis quelques passages d'un livre qui vous tire par le cœur. C'est pourtant ce que je fis et j'en suis heureux. Ce merveilleux livre va passer de mains en mains. C'est ainsi que nous devrions tous faire pour que ce bonheur rare ne perde pas la bataille contre les stupidités de la télévision.

 Nous devrions tous nous transformer en défenseur du livre, en transmetteur de mots et de belles histoires. Il faut lire en public, partager ce rythme et ce récit, vibrer pour que d'autres vibrent à leur tour. La peur doit s'effacer devant ce don incomparable. C'est sans doute l'effet boule de neige, un livre vous a emporté et vous l'offrez à votre tour à ceux que vous appréciez.

 Alors c'est à votre tour de profiter de ce don merveilleux. Eldorado de Laurent Gaudé (édition Babel) est un livre rare, une expérience qui ne peut laisser indifférent. Vous plongerez dans les tourments de l'exil, ses espoirs incertains, ses horreurs plus que probables, ses doutes innombrables et ses souffrances silencieuses. Vous vivrez de l'intérieur les passages clandestins vers l'Europe, les charognards locaux qui abandonnent des humains au destin de la mer. Vous suivrez quelques aventures, vous plongerez au plus profond des noirceurs de ce monde.

 Tout ceci peut vous sembler impossible, devrait vous effrayer. Pourtant, la beauté de l'écriture, la petite musique qui émane de ce petit livre, vous poussent sans cesse à suivre les pas de personnages si malheureusement humains. Bien sûr, si vous êtes de ceux qui veulent repousser les étrangers à la mer, qui ont oublié ce qu'est la compassion et l'amour du prochain, hâtez-vous de passer votre chemin. Tant d'humanité, vous ne pourriez supporter !

 Pour tous les autres, ceux qui ont encore un cœur, ouvrez bien vite ce petit joyau d'émotion. Et si vous n'êtes pas trop loin, faites moi signe, je viendrai vous lire quelques extraits avec le même plaisir qu'en ce dimanche de neige.

Partageusement vôtre.

vidéo explicative 


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12 réactions à cet article    


  • hasni 24 janvier 2013 17:08

    J’ai lu ce livre, il y a quelques jours. C’est effectivement une véritable pépite dramatiquement réaliste.


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 janvier 2013 17:12

      hasni


      Et il y a quelques passages qui donnent de merveilleuses lectures à haute-voix

      C’est assea rare et c’est un grand plaisir à partager

      • Brontau 24 janvier 2013 18:06

         Bonsoir Nabum. Mon premier commentaire s’est dissipé dans les nimbes de la toile, ce qui me navre certes moins que certains dérapages, certainement dus à la neige(!) sur ce fil, hier.

         J’ai pour principe intangible de rester à l’écart de ce type de glissades car ce ne sont plus les mots qui me viennent mais des envies de meurtre !

         Dites-moi, vous enseignez, vous écrivez, vous répondez à vos interlocuteurs (ce qui n’est pas le cas de tous les auteurs comme le soulignait récemment Alinea), en plus vous lisez, et vous dormez quand ???


        • C'est Nabum C’est Nabum 24 janvier 2013 18:33

          Brontau


          Je dors beaucoup ce qui n’arrange rien et suis souvent sur la Loire ...

          Par bonheur pour moi, j’écris très vite et je suis capable de lire de la même manière.
          Je gagne un peu de temps ainsi

          Je n’ai pas de secret.

        • Brontau 24 janvier 2013 19:06

           Si je comprend bien, quand vous êtes sur la Loire je dois être dans la lune ! Au fait dans mon pays de « biBaïse » je ne peux pas retrouver mon âme d’enfant, pas un flocon...


        • L'enfoiré L’enfoiré 24 janvier 2013 19:23

          Salut Nabum,

           Vous pourrez peut-être en tirer quelque chose de ce que je publierai demain sur mon antenne.
           smiley

        • C'est Nabum C’est Nabum 24 janvier 2013 19:45

          Brantau


          J’aime aussi la Lune mais je n’y fréquente que la face cachée ...

          Nous n’avons pas du nous y croiser !

        • C'est Nabum C’est Nabum 24 janvier 2013 19:46

           L’enfoiré 


          Il faut me faire signe par un lien ... ici 
          C’est d’accord 

        • L'enfoiré L’enfoiré 25 janvier 2013 10:57

          Bien sûr...

          Pas sûr que cela vous plaise, mais j’aurai essayé... smiley

        • C'est Nabum C’est Nabum 25 janvier 2013 15:53
          Miroir

          Redoutable exposé.
          Complet, fouillé, argumenté.

          Terrible constat qui effraie et qui nous pousse à nous demander si nous ne sommes pas pris au piège de cette toile, ce rets si redoutable dont on ne peut se défaire.

          Vous n’épargnez rien et même vous poussez le fer jusqu’à critiquer « Le bonimenteur ! »
          J’ose espérer que ce n’est pas un clin d’œil à mes modestes agitations sur le web.

          Pour le reste je ne peux que souscrire à votre inquiétude.

          Merci 

        • L'enfoiré L’enfoiré 25 janvier 2013 18:58

          Bonsoir Nabum,

           Je vous ai répondu sur mon blog.
           Je le ferai de manière complémentaire par ici.
           Nous discutions un copain et moi au sujet d’un livre qu’il avait écrit et qu’il m’avait demandé de valider et de commenter.
           Ce que j’ai fait avec plaisir.
           Dès le début, je sentais qu’il y avait quelque chose qui me choquait : une longueur indéfinissable, un manque de progrès dans le scénario.
           J’ai abandonné et tout récemment, il m’a appris qu’il avait remis le bouquin en chantier.
           Il a écrit : « J’ai passé tout mon temps à la campagne à corriger pour la dernière fois mon bouquin avec l’aide du dictionnaire des synonymes. Cela m’a grandement aidé et je n’ai plus que 80 pages, les dernières, les plus faciles à revoir.
          Ce fut du 15 h par jour, je suis crevé.
          J’en aurai fini samedi, ce fut bien plus ardu que prévu mais un tel travail n’a de sens que s’il est sans fautes et sans reproches.
           Je crois y être arrivé. »
           Je lui répondais qu’il faut un an pour un bouquin.
           Il m’a répondu : « Un an ? Je sais que j’ai souvent laissé le mien au fond d’un tiroir parfois durant des mois et même plus. Néanmoins, j’en compte dix. Dix ans !!! Seule compte la motivation... »

           Un article, cela ne s’écrit pas sur un coin de table. Par contre, vous avez dit que vous partagez votre temps avec des promenade au fil de l’eau sur la Loire.
           Là, je pense que l’inspiration peut venir bien plus sagement.
           Mais après la promenade en bateau, il reste toujours la nuit qui porte conseil.

           smiley

          J’ai cité les paroles de mon copain. Je suis sûr qu’il ne m’en voudra pas. 


           

        • C'est Nabum C’est Nabum 25 janvier 2013 20:54

          L’enfoiré


          Vous devez alors trouver que j’écris trop vite. Pourtant, je prends souvent le temps d’écrire dans ma tête. mes nuits sont des pages entières couvertes de mots qui ne réapparaissent hélas pas tous.

          Que de merveilles se perdent ainsi. Mais comment faire ?

          Par contre, quand je reviens du bateau, les mots glissent bien vite sur le clavier. 

          Je reste à la folie que je me suis fixée il y aura quatre ans dans 5 jours. Un billet par jour.

          C’est gratuit, ça ne constitue certainement pas une œuvre et rassurez-vous rien n’est à vendre.

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